Réalisé en 1968, après une période télévisuelle et juste avant le début de l'aventure Clint Eastwood, par le vétéran Don Siegel, Madigan porte en lui les germes de ce qui fera l’essence des Dirty Harry.
Après être passé par la télévision avec la réalisation de deux épisodes de la série initiée par Rod Sterling, La Quatrième Dimension, et quelques épisodes d'autres séries comme Jesse James ou The Hanged Man, et quelques années après un autre de ses grands polars, l'excellent The Killers (A Bout Portant en français), remake du film de Robert Siodmak, Don Siegel réalise ce film de flics rythmé à la maîtrise formelle indéniable.
Porté par un duo d'acteurs géniaux, Richard Widmark en flic dur à cuire, amateur d'alcool et de femmes utilisant des méthodes expéditives et un Henry Fonda en préfet de police implacable mais fatigué sur qui le temps commence à peser mais qui reste droit dans ses bottes, la démarche de cet acteur, épaules toujours droites, le regard dur lui donne une aura incroyable, ce polar possède les figures de style du film-noir américain très en vogue dans les années 40-50 : flics durs, personnages ambivalents, intrigues souvent secondaires et névroses des personnages.
En ce sens l'inspecteur Madigan, interprété par Richard Widmark, acteur le plus à même d'interprété les personnages névrosés, il fût des sa première apparition, le psychopathe au rire sadique qui précipitait une dame paralytique du haut d'un escalier dans Le Carrefour de La Mort d'Henry Hathaway (Kiss Of Death - 1947) est incroyablement crédible dans ce personnage de flic qui s'est fait dérober son arme par un tueur et à qui il est donné 72 heures pour retrouver l'assassin qui lui a confisqué, prêt à en user.
L'intrigue est assez superflue et pas vraiment le principale intérêt de ce film. Tourné dans un superbe scope et en couleur, dans un New York de fin des années 60.
Plutôt que de se contenter de filmer des policiers incorruptibles combattant le crime avec grandeur et esprit chevaleresque, Siegel les montrent avec toutes leurs forces, des hommes sûrs d'eux qui avancent droit devant, quitte à démonter les obstacles qui se trouvent sur leur chemin, des représentants de la loi, mais aussi avec leur faiblesse, le flic qui se fait piéger par le truand et ultime injure se fait prendre à son propre jeu et quelque part émasculer en se faisant voler son arme, l'alcool, les femmes,... le héros Chandlerien n'est pas loin.
Sachant suffisamment se détacher de son fil conducteur, une enquête policière type, en utilisant des effets de mise en scène originaux, dont un superbe champ contre-champ au dynamisme presque nauséeux lors de la première rencontre entre Madigan et le préfet de police interprété par Henry Fonda, et en apportant des idées novatrices notamment sur ses personnages, l'indic nain de Coney Island, la femme et l'amante de Madigan qui se ressemblent beaucoup physiquement, l'attirance pour les femmes plus jeunes. La conceptualisation de l'effet anti-héros prend forme de manière magistrale dans ce grand polar qui reste probablement injustement considéré.
Ajoutait à ses qualités visuelles indéniables et à ses quelques audaces formelles, un rythme soutenu et une interprétation au top viennent donner à ce film une préfiguration de ce que sera le polar américain du nouvel Hollywood. Eastwood et son personnage de Dirty Harry commencent à pointer le bout de leur nez et Madigan porte en lui tout ce qui fera les spécificités du flic irascible et implacable qui viendra faire régner l'ordre tout en envoyant bouler l'autorité. Le flic anar de droite arrive. La passerelle entre le film-noir et la fructueuse collaboration Siegel/Eastwood est tendue et dans la foulée arrivera Un Shérif à New York.