Portrait de la jeune fille en feu est l'exemple parfait du film qui donne l'impression qu'on a affaire à deux films en un, l'un avec les pires défauts du monde, l'autre avec les meilleures qualités qui soient.
Pour les défauts, poses auteuristes à deux balles à travers des dialogues plats affectés et un jeu des actrices froid qui ne font pas vraiment avancer l'intrigue, qui ne donnent pas non plus de la consistance aux personnages, le tout sur un rythme excessivement lent dans la première moitié du film (et vas-y que lors de la première rencontre, je te tourne le dos sans te parler, au lieu, je ne sais pas par exemple de dire "bonjour" et d'échanger des présentations comme les gens à peu près normaux, et que je marche un moment dehors avant de baisser ma capuche et de me tourner vers mon interlocutrice, le regard frondeur ; oh, comment ça se la pète, ça claque à l'image ! Non, en fait, c'est nul !). On y a l'impression que Céline Sciamma ne veut pas tomber dans la moindre parcelle d'émotion.
Seules la beauté visuelle de l'œuvre, bien aidée il est vrai par les extérieurs bretons et par le talent hallucinant de la peintre Hélène Delmaire, et quelques séquences (la scène d'ouverture dans la classe, celle du canot et Vivaldi au clavecin !) donnent de l'intérêt à cette partie du film et évitent qu'on laisse tomber en cours de visionnage.
Et enfin, au bout de la première heure, la réalisatrice, comme si elle assistait à la projection de son propre film en même temps que nous, a l'air de s'être rendu compte que l'émotion doit reprendre ses droits, que les nazeries auteuristes ne valant pas un kopeck doivent cesser. Et là, si le reste avait été du même niveau, on aurait eu un grand film. Les dialogues deviennent moins plats donc plus intéressants, le jeu des actrices décongèle. On a affaire à quelques véritables joyaux point de vue scènes.
La lecture du mythe d'Orphée et d’Eurydice extrait des Métamorphoses d'Ovide, l'explication qui s'ensuit, de la théorie à la pratique pour ce mythe, ce dernier en tableau lors d'une exposition, tout ce qui tourne autour de la page 28 et, pour finir, Vivaldi plus puissant que jamais.
Ceux qui auront vu le film comprendront à quoi je fais allusion, pour les autres, je les encourage à tenir une première heure pénible (sauf les séquences évoquées plus tôt dans cette critique !) pour le savoir. Le jeu en vaut largement la chandelle.