Critique rédigée en janvier 2020
Vers la fin du XVIIIème siècle, sur une île bretonne aux décors radieux, une peintre dénommée Marianne (Noémie Merlant) est chargée de peindre Héloïse, fraîchement débarquée au coeur du château familial après son départ du couvent. Celle-ci refuse dans un premier temps de se voir modèle pour la jeune artiste, jusqu'à ce que le départ de son père temporairement fasse de cette dernière sa dame de compagnie...
Pendant féminin de Xavier Dolan, Céline Sciamma livre un troisième film en tant que réalisatrice portant, sans surprise, sur l'un des thèmes phares de celle-ci...
la relation lesbienne impromptue entre deux femmes réunies par la profession artistique, en l'occurrence, picturale.
Son Portrait de la jeune fille en feu est une nouvelle romance, belle et sincère, prenant place dans des paysages de rêve, au service d'une esthétique de fond éblouissante du XVIIIème siècle. La cinéaste transpose ainsi ses figures de styles filmiques établies dans l'envoûtant Naissance des pieuvres (2007) et le troublant Tomboy (2011) par le biais d'images de type campagnard et loin du quotidien des héroïnes des deux premiers films.
On se laisse charmer dès les premières minutes par le film grâce à cette plage somptueuse sur laquelle l'histoire prend place, respirant fort l'influence Campionienne avec La Leçon de piano (1993). La suite n'en est pas moins objet d'instigateurs multiples, notamment, ce qui saute aux yeux, La Jeune Fille à la perle (2003) de Peter Webber ; puis, ce qui se dévoile plus progressivement, La Vie d'Adèle (2013) de Kechiche pour les raisons formulées précédemment.
Plus le film progresse, plus le titre de Portrait de la jeune fille en feu se révèle éloquent. Dans un premier temps, il ne fait écho qu'à cette affiche ambiguë mariant très explicitement l'art et l'affliction. A partir d'une très belle mais obscure scène de nuit, autour du feu, nous concevons l'analogie sous-jacente et sensible entre les maux du feu et les maux d'amour (de flamme).
Sciamma tisse de fil en aiguille sa toile en la concluant par...
...un déchirement de ses personnages féminins en quête de liberté, contraint de retourner par fait à leur quotidien monotone...
...ponctuée de séquences souvent très lentes et guère soutenue par la musique. Au contraire, celle-ci ne retentit qu'au cours de la dernière minute pour offrir un effet de réminiscence aux deux héroïnes.
Si le scénario n'évite pas les clichés et s'enlise un peu trop, momentanément, dans les effets de mise en scène théoriques sans de réponse formelle, on ne peut qu'être admiratif par la manière avec laquelle Sciamma peint avec virtuosité ces variations émotionnelles. Le résultat est à la fois naturel et rigoureusement étudié. Chaque plan évoque l'art pictural dans sa disposition, dans son échelle. Jamais un mouvement superflu ou maladroit, les expressions faciales sont captées à fleur de peau et rien n'est exagéré.
Portrait de la jeune fille en feu se propulse finalement comme un lance-flammes vers nos coeurs, en témoigne sa dernière partie élégamment conclue par les prestations délicates de Luàna Bajrami et Valeria Golino, chacune ajoutant encore plus de beauté à cette peinture sociale plaisante et esthétiquement aboutie.