Rien ne prédestinait Denis Villeneuve, réalisateur d' « Incendies », à diriger « Prisoners », polar sombre et angoissant avec vedettes américaines (et australiennes) en tête d'affiche. Qu'on se rassure : l'ami Denis ne la joue jamais auteur prétentieux, nous offrant au contraire un modèle du genre incroyablement tendu et d'une maîtrise implacable. Sur un scénario magistralement construit que l'on jurerait adapté d'un roman (ce qu'il n'est donc pas), l'œuvre propose rapidement de très nombreuses possibilités, pouvant être autant de fausses pistes que d'infimes pièces d'un puzzle complexe nous faisant passer par tous les sentiments, à commencer par une passionnante réflexion sur le Mal.
Car il est peu dire que notre conception de la justice sera mise à mal dans ce film subtilement ambigu, interrogeant habilement notre nature profonde, et jusqu'où nos actes peuvent nous emmener dans la violence et la cruauté, porté par un instinct nous poussant parfois à des actes totalement irréfléchis. Mais en plus d'être un réquisitoire sans faille contre l'autodéfense, « Prisoners » reste donc avant tout un passionnant thriller, glaçant, nerveux et superbement photographié, notamment concernant les nombreuses scènes nocturnes, fascinantes. Seuls (petits) regrets : quelques détails nous échappant parfois ainsi qu'une interprétation peut-être pas aussi exceptionnelle qu'espéré, même si j'ai fortement tendance à la revoir à la hausse après un troisième visionnage, celles de Hugh Jackman et Maria Bello en premier lieu. Pour le reste, ces 150 minutes passant à la vitesse de l'éclair sont brillantes.