Quand l'élève égale le maître ...
Brian De Palma n'aura peut être jamais fait de film aussi grand, aussi éclatant voire aussi noble que "Dressed to kill" : ce n'est sans doute pas l'œuvre ultime comme "Blow out", ni la synthèse hitchcockienne parfaite comme "Body Double", ou encore moins le grand délire jouissif qu'est "Phantom of the Paradise". C'est une toute autre chose : il s'agit de l'essence même du remake parfait, celui qui sait à la fois innover et reprendre avec intelligence et maestria chaque élément du film original pour le transcender et lui faire atteindre l'immortalité. La moiteur et la sexualité implicite de "Psychose" devient ici la base explicite du film : de la victime frustrée à l'héroïne prostituée en passant par le psychopathe soumis à ses pulsions antagonistes, De Palma retravaille le chef d'œuvre d'Hitchcock en un tourbillon ouvertement pervers et sanglant où chaque scène transformée, en plus de son intérêt de remodelage d'un mythe, trouve sa propre identité cinématographique. Ainsi, la séquence de l'ascenseur, image démesurée de la légendaire scène de la douche, devient à son tour une pure leçon de mise en scène, un instant d'une intensité unique, un moment capable à lui seul de faire atteindre le nirvana cinéphile à n'importe quel spectateur. Chaque correspondance entre les deux œuvres semblent faire fi de toute notion d'obstacle temporel : le cinéaste montre avec brio que les chefs d'œuvres du passé sont toujours matrices des générations à venir, et que se tourner vers eux n'est en rien un mouvement vers l'arrière. C'est là le principe même de l'influence artistique. A la fois la plus belle référence et le plus bel hommage à l'œuvre hitchcockienne que De Palma ait jamais fait, "Dressed to kill" est un film important ; capital même. Le thriller de type hitchcockien porté à son plus haut niveau pour une réflexion essentielle sur le passage à la postérité.