Crimes fétichistes, transformisme et aliénation, sont au programme de ce thriller Hitchcockien concocté de mains de maître par un Brian De Palma au sommet de son art.
Vraisemblablement traumatisé par le choc Psychose, le maître-étalon du thriller horrifique moderne, si l'on fait fi du M. Le maudit de Fritz Lang et du Voyeur de Michael Powell; Brian De Palma revisite le mythe du tueur sous influence à la manière de son maître et inspirateur, tout en s'en démarquant en distillant une bonne dose d'érotisme sulfureux et en élevant sa thématique justement sur le thème des pulsions sexuelles réprimées par le sang.
De fétichisme il est fortement question dans ce thriller empruntant d'ailleurs beaucoup à l'univers du giallo, gros plan sur l'arme du crime, le rasoir en l’occurrence qui brille comme un objet désirable qui finira souillé par le sang, long plan-séquence de déambulation, présence perpétuelle de l'art sous toute ses formes, un fétichisme du transformisme car comme le titre original l'indique, Dressed To Kill, le tueur s'habille, se déguise pour conclure son acte de mort. Dario Argento n'est pas loin.
Le sexe, ou plutôt sa notion de pulsions d'envie de l'autre refoulé et réprimé par le sang est présent tout au long de ce film, où de Palma ne cesse d'exposer des corps désirables, celles des héroïnes en l’occurrence, une Angie Dickinson en pécheresse nymphomane que le tueur finira par massacrer dans une scène de douche dans un ascenseur absolument stupéfiante et une Nancy Allen aux formes généreuses qui joue de ses charmes pour faire ressortir les pulsions meurtrières du quidam.
Michael Caine, acteur extraordinaire qui n'a pas son pareil pour incarner la classe britannique, est tout simplement bluffant dans son rôle de psy très à l'écoute se confondant en permanence dans sa dimension schizophrénique dans un jeu permanent de double face à lui-même, la présence permanente de l'image de soi, à travers un miroir ou le verre d'une vitre.
En plus d'une maîtrise permanente de sa mise en scène et l'utilisation de procédés novateurs chers à son auteur, le Split-screen, les profondeurs de champs, et la techno-évolution, ce thriller prodigieux actionne des leviers de transition entre les époques, celle de l'insouciance de la décennie seventies précédente, le film est sorti en 1980, libération des mœurs, addiction sexuelle, libertarisme, et celle naissante de la décennie des interrogations et des remises en cause. Sans tomber dans la caricature et le moralisme de bas étage, ce que lui reprocheront certains bien-pensants de l'époque le film axe ses objectifs dans la fantasmagorie et une lecture effacée emprunte d'une grande maîtrise cinématographique des procédés sous-jacents du thriller psychanalytique offrant une lecture Freudienne du concept du tueur.
Pour ce faire De Palma se serre de sa mise en scène bluffante de maîtrise en exposant une vision à plusieurs niveaux étayée par la profondeur de champs et la conception de procédés novateurs comme la lecture fragmentée et le Split-screen, artifices dont savait parfaitement user son inspirateur et maître à filmer, le grand Hitch en personne.