La diplomatie du coq gaulois
Contrairement à l 'Exercice de l' État qui semble avoir marqué les esprits dans le genre "film sur le pouvoir politique", Quai d'Orsay me parait devoir être reçu avant tout comme une comédie dont le sujet est moins le pouvoir, mais ce qu'il en reste, depuis que le pays du fier coq gaulois a été rapetissé au rang de puissance moyenne.
Pendant tout le film donc, nous suivrons les péripéties ordinaires du ministère des affaires étrangères au fonctionnement aussi désuet, qu'impuissant. Quand le pouvoir d'action a disparu, il ne reste plus que le langage, l'affaire d'Arthur de Vlamynck et de toute l' équipe mi blasée, mi potache qui entoure ce grand escogriffe de Taillard de Worms, monsieur le Ministre. Il en a besoin le bougre, pour exister, pour marquer l' Histoire, être à la hauteur, on ne sait...
D'aucun trouve que cela vire au one man chow, c'est je crois être injuste envers le travail accompli par les autres acteurs et Bertrand Tavernier dont toute la filmographie démontre son amour du second rôle. Il me semble plus juste de comparer le film à un concert symphonique dans lequel les musiciens ont leur part belle autour du chef d'orchestre incarné par un fringant Thierry Lhermitte.
Chacun peut même choisir son préféré, mon père par exemple m'indiqua avoir bien aimé la conseillère jouée par Julie Gayet, car elle lui faisait penser à Cecilia Sarkozy; pour ma part ma préférence alla à Niels Arestrup, superbe monolithe apaisant, et à Bruno Raffaeli majestueux Cahut, quintessence du Diplomate.
Le panache de monsieur de Villepin si loué à l' époque, est ici affectueusement, légèrement, onctueusement, de la crème chantilly je vous dis, caricaturé en savoureuse comédie du coq gaulois capable de chanter les pieds dans la m..., c'est bien connu. Taillard arpente son ministère comme un lion en cage, un requin dans un aquarium, un aigle dans une volière, pfiouu, attention gare au courant d'air ça fuse!
il piaffe, et quand un peu d'action lui est offert, plutôt à la hauteur ce Grand Con.
Reste que la fin, soudainement sérieuse et réaliste, après toutes ces péripéties un peu vaine, sonne étrangement creuse, et même fade quand on connait sa version originale.
Prisonnier de son parti pris de comédie caricature, le cinéaste trouve ici sa limite.
On aurait aimé une fin à la hauteur, une fin glaçante et grinçante à la Kubrick, qui aurait résonné comme un clap de fin sur cette aimable récréation, allez les enfants c'est fini ( de grands enfants nos diplomates ) retour brutal à la réalité, les Américains en ont eu un peu rien à foutre ( pas très élégant, mais c'est tellement raccord avec leur classe naturelle) de notre superbe refus de se laisser entrainer dans cette guerre catastrophique.
Techniquement, ce film semble flirter avec l' irréprochable, à défaut du génie. Choix des acteurs judicieux, intrigue adroitement lancée et rondement menée, rythme infernal digne des grandes comédies, les dialogues constituant la cerise sur le gâteau, avec cette redoutable ringardise, qui prise au second degré, donne un peu d'ironie à l' ensemble.
L'humour du film est assez composite entre purs gags visuels ou situations absurdes, caricatures, jeux de mots ou réparties bien senties.
Le plaisir est communicatif, mais comme tous les plaisirs, il a ce petit quelque chose d’éphémère, comme le "Bon Voyage" de Rappeneau. La faute à ce parti pris d'en rire face à ce spectacle de la décadence? Qui frustre ceux qui seraient venus chercher un brillant film politique.
Fait significatif selon moi, certes l'horaire s' y prêtait, mais en plus de mon père, la salle bien remplie dans laquelle je me trouvais, était très cheveux blancs, rire franc, bobos intelligents.
Et moi au milieu, un brin grisonnant, pris de ce sentiment que ce genre de film semble vouer à disparaitre.