L'œuvre la moins connue, et de très loin, d'une prestigieuse filmographie. Melville lui-même n'en avait pas une très bonne opinion. Tout cela peut s'expliquer simplement par le fait que le film est mauvais.
Sur le papier, l'histoire n'est certainement pas plus nulle qu'une autre. Il est même certain qu'avec le cinéaste et la distribution adéquats, on aurait pu avoir un très bon film. Sur le plan technique, Jean-Pierre Melville sait filmer impeccablement, bien aidé par une belle photo de l'excellent Henri Alekan.
Mais voilà, rien ne fonctionne autrement. Les acteurs ne sont pas du tout convaincants, les enjeux sont mal mis en évidence, le caractère des personnages (les comédiens ne font rien pour arranger cela, c'est sûr !) médiocrement exposés. Pour citer, un exemple, conséquence de tout cela, le personnage joué par Philippe Lemaire est un cas classique de pervers narcissique. Ce qui fait que normalement, le spectateur (aussi bien que les autres personnages !) devrait être autant effrayé que fasciné à chaque fois que cet antagoniste apparaît, or ce n'est pas du tout le cas.
Pareil, après que la jeune sœur s'est fait violer par ce même antagoniste et tente, suite à cela, de se donner la mort en se jetant à l'eau d'un bateau. On devrait ressentir de l'émotion, du dégoût, de la pitié, de la rage, de la haine. Rien de tout, on reste stoïque (alors qu'un personnage vient de se faire violer quand même !).
On reste stoïque non pas par manque d'empathie, mais parce que ça sonne faux, tout sonne faux, parce qu'on est indifférent à ce qui passe à l'écran, parce qu'on s'ennuie. Si je décroche, c'est parce que je m'ennuie. Et là, j'ai souvent décroché, que j'ai même dû quelquefois remettre mon DVD en arrière. Oui, à ce point-là.
Sachant que le cinéaste avait réalisé le très bon Le Silence de la mer auparavant (je ne suis pas fan des Enfants terribles, mais là, c'était parce que l'histoire ne m'intéressait vraiment pas !) et que son film suivant sera le brillant et réjouissant Bob le flambeur, on peut considérer ce film comme un accident de parcours, une œuvre de commande qui a été commandée à la personne qui n'était pas faite pour le boulot. Melville était un million de fois plus talentueux quand il était son propre commanditaire.