Les Soviétiques ne produisaient guère que du большой, du bolchoï, du grand. Même quand ils font du théâtre, il faut que le décor ouvre ses portes et fenêtres, que la profondeur de champ respire, il faut qu'il y ait un espace où les cris des grands émois puissent résonner, raisonnés.
Mais peut-être l'expression a-t-elle cru avoir champ libre tout comme la caméra qui s'égayait en de vivifiants panoramiques. Ce n'était pourtant pas le cas ; surjouant, les acteurs font barrière à la saine interprétation, cherchant à sublimer le discours là où le polir aurait suffi. Mais pas le polir au sens des normes sociales : Mikhalkov ressert le couvert littéraire en abusant non seulement de la voix off – mais les mots en tombent avec tant de facilité que la traduction des sous-titres elle-même peut, à l'occasion, captiver plus que l'image – mais aussi des salons où la délicatesse va des bonnes manières à la maîtrise du français.
Et, refusant de se laisser embrigader par cette routine, le film se résume hélas à son titre : quelques journées, des extraits choisis d'un quotidien ennuyeux dont on a émoussé l'inintérêt de la façon arbitraire qu'ont les romans de le faire. La conséquence en est fâcheuse : voulant se faire le témoin du tournant d'une vie, le film déçoit par sa longueur, ses apartées sont intempestives, et le principe de sa lecture idéale est flouté. En effet, c'est un long roman mais aussi un long poème ; malheureusement, si l'un est malmené pour les raisons qu'on a dites, le second souffre que ses émotions se cachent derrière des lignes trop imbibées de convenance et de discrétion, laissant au rêve la place d'un interlude se voulant emphatique, mais qui ne sert en fait qu'à l'exutoire d'une monotonie trop grande.
Pour avoir admiré la technique de Mikhalkov dans son précédent film "Cinq soirées", je ne suis pas l'ennemi de la lenteur ou de l'abscons. Et il n'a heureusement pas abandonné la technique : les contrastes lumineux, la scène finale et son élévation miraculeuse, le sporadisme de la caméra au poing et l'arrière-plan témoignent du soin qu'il y attache. Mais il a à mon avis trop joué sur ses limites.
Quantième Art