La quintessence du film policier noir américain après-guerre. Fritz Lang réalisa ce film en quinze jours, ce qui constitue une belle performance surtout quand on voit le résultat.
Le scénario raconte comment d'une enquête classique concernant le suicide d'un haut-fonctionnaire de la police et laissant entrevoir un certain niveau de corruption de la ville, on en arrive à la croisade vengeresse d'un flic.
Ce qui est surtout remarquable c'est la montée progressive de la tension du film. Lorsqu'on regarde le film pour la première fois, rien ne laisse deviner l'escalade des évènements. Au début, Dave Bannion, entreprend son enquête tout-à-fait normalement jusqu'au moment des menaces en provenance de sa propre hiérarchie. On découvre que la hiérarchie est aux ordres d'un politicien véreux. En bon flic idéaliste, Dave Bannion va voir ce politicien et déclenche alors un engrenage de réactions de plus en plus violentes jusqu'à son éviction de la police. C'est alors que seul contre tous, il se lance dans une croisade contre le crime organisé.
Dans la distribution, deux acteurs campent deux personnages à l'opposé l'un de l'autre. Un représentant le Mal, l'autre le Bien.
Dave Bannion, c'est Glenn Ford dans le rôle du petit flic qui fait son boulot honnêtement et qui a une vie de famille pépère avec une femme qui l'aime et une petite fille adorable à qui il raconte des histoires pour qu'elle puisse s'endormir. Bref, Dave Bannion est "le" monsieur tout le monde.
Et c'est ce qui va faire que le spectateur peut s'assimiler à lui et lui sera totalement solidaire. On pourrait reprocher à Glenn Ford de manquer de charisme (ce n'est pas John Wayne, en quelque sorte) mais ça me semble complètement voulu pour bien assimiler le personnage à quelqu'un d'ordinaire qui se transformera au fur et à mesure des évènements. Toutes ses actions seront parfaitement justifiables aux yeux du spectateur, qui, s'il était à la même place, pourrait faire la même chose.
On comprend bien, évidemment, que le personnage campé par Glenn Ford c'est le Bien.
Le Mal sera représenté par le personnage de Vince Stone interprété par Lee Marvin dans le rôle d'un exécuteur des basses œuvres du politicien véreux. C'est un tueur mais un tueur sadique qui semble se complaire dans la violence en particulier vis-à-vis des femmes. Ce qui est encore plus choquant.
L'aspect moral est très important dans ce film qui sous-entend que même si la ville et la police sont corrompues à haut niveau, il se trouvera toujours d'humbles personnages pour prendre la relève. Par exemple, lorsque l'appartement de Bannion n'est plus surveillé par des vigiles de la police, Bannion n'aura aucun mal à trouver des copains, tout aussi "monsieur tout le monde" pour protéger sa famille.
Là encore, la mise en scène de ces épisodes – très – violents (pour l'époque bien sûr) succèdent à des scènes très banales qui ne laissent pas deviner la suite (dans l'une, la femme joue tranquillement aux dés, dans une autre, la femme chantonne et danse)
D'une façon générale, la mise en scène de Fritz Lang est remarquable dans le sens où tous les épisodes violents ne sont pas explicitement montrés. On est dans la suggestion et c'est redoutablement efficace. Par exemple, lorsque la voiture explose, on ne voit que l'éclair et on n'entend que le bruit laissant le spectateur, comme Dave Bannion, dans le doute de ce qui vient de se produire. On n'ose pas penser au pire même si on s'en doute rapidement.
"Règlement de comptes", "The Big Heat", est un polar noir, captivant et haletant.
Un des films que Fritz Lang préférait parmi toutes ses œuvres.