Si le titre de ce film ne brille pas par sa franche élégance, on ne peut pas lui reprocher d'être dénué d'une profondeur sous-jacente. Ben oui, quand on dit ou on se comporte d'une manière à faire comprendre que l'on s'en fout de ce qui nous touche personnellement, c'est qu'au contraire, on ne s'en fout pas du tout.
Si la protagoniste, lors des moments de repos que lui autorise son métier d'hôtesse de l'air pour une compagnie low-cost dans ses diverses escales, se contente d'enchaîner les flirts éphémères Tinder, quelques rencontres entre collègues qui le sont tout autant et les fêtes à donf, c'est parce qu'elle ne s'en fout pas de la mort accidentelle de sa mère. Elle essaie de prendre ses distances avec sa peine en adoptant un mode de vie lui laissant le moins de temps possible avec elle-même.
L'approche quasi-documentaire, que les cinéastes d'Emmanuel Marre et de Julie Lecoustre adoptent (notamment en filmant avec une équipe technique très réduite, dans des lieux parfois sans autorisation, lors de véritables vols (belle symbiose à un instant donné entre notre jeune endeuillée marchant seul dans la rue d'une de ses innombrables destinations suivie du ciel vu de l'avion dans lequel travaille notre jeune femme et To the Unknown Man de Vangelis !), avec des non-professionnels du cinéma, mais des professionnels des transports aériens !), donne une sensation d'authenticité inestimable.
La première partie, montrant le boulot difficile, constamment sous pression, multitâches (devant se faire aussi agentes d'entretien en nettoyant les sièges passagers après la fin des trajets et vendeuses ayant l'obligation de faire du chiffre en refourguant des boissons, de la bouffe ainsi que du maquillage et des parfums !) des hôtesses de l'air des compagnies low-cost est particulièrement prenante non seulement grâce à la mise en scène ultra-réaliste, mais aussi par le fait que ce sujet n'est pas franchement abordé des masses au septième art.
La seconde partie, dans laquelle le personnage principal reste au sol, et retrouve son père et sa sœur est évidemment plus conventionnel. Le thème du deuil familial a été évoqué des trillions de fois auparavant. Plus conventionnel aussi parce que le casting est composé principalement de "vrais" acteurs et de "vraies" actrices (tiens, il y en a une faisant une très courte apparition lors d'une soirée entre ami(e)s qui ressemble à s'y méprendre à Julie Sokolowski, comédienne principale de Hadewijch de Bruno Dumont ; ah, le générique de fin me dit qu'en fait, il s'agit bien de Julie Sokolowski !). Néanmoins, la justesse à travers la caméra et dans le jeu est toujours présente. En outre, cela a le mérite de montrer que les hôtesses de l'air se posent quelquefois plus longuement sur la terre ferme, dans un environnement dans lequel sont leurs attaches, leurs racines. Oui, la fiction a la fâcheuse tendance à oublier que les personnages de fiction ont, eux aussi, besoin d'instants de repos et de normalité.
Ah oui, Adèle Exarchopoulos... C'est une actrice très séduisante, photogénique, charismatique qui va bien avec le glamour des défilés de stars, mais qui parvient aussi, par un côté nature, à incarner parfaitement la fille que l'on peut croiser dans son quotidien. Donc autant dire que pour la fondre dans le style de réalisation proposée, c'est le choix idéal. Elle porte brillamment le tout.
Bon, résultat, je vous conseille d'acheter votre billet (sans avoir besoin de vérifier le poids et la taille de vos bagages !) et de vous embarquer pour ce décalage immédiat ciné qui vaut le coup de s'envoyer en l'air.