Trois ans d'attente pour un résultat souvent critiqué, voire considéré comme l'un des plus faibles de son auteur : pourtant, à sa découverte, j'avoue avoir, au contraire, trouvé un regain de vitalité que je n'avais pas vu depuis longtemps chez le cinéaste. Certes, tout n'est pas parfait. Woody Allen parle clairement de lui et uniquement de lui, offrant un scénario assez auto-centré dont on ne doute pas un instant qu'il aurait tenu le premier rôle s'il avait été en âge de le faire. Quelques lourdeurs, notamment dans l'écriture de certains personnages assez caricaturaux (surtout celui de Louis Garrel, en fait!) ou une scène de vaudeville peu intéressante (celle avec Sergi Lopez). Mais pour le reste, il y a vraiment de quoi passer un bon moment, voire y ressentir un réel plaisir.

Par l'esthétique, d'abord : la photographie lumineuse du grand Vittorio Storaro ou l'exploitation très habile, élégante de Saint-Sébastien nous offre une balade particulièrement agréable à l'œil, nous donnant presque l'impression d'accompagner les personnages dans leurs tribulations. Si l'on excepte donc le jeune réalisateur prétentieux (pas forcément si ridicule, d'ailleurs!), on sent vraiment une volonté d'écrire des personnages humains, aussi touchants qu'imparfaits, où savoir qui a tort ou raison l'intéresse peu, préférant se préoccuper du temps qui passe, de la versatilité des sentiments, du simple plaisir ou de l'attirance que l'on peut avoir pour quelqu'un avec qui on se sent simplement... bien.

Évidemment, ces différentes « conclusions » n'engagent que lui, mais lorsqu'elles viennent d'un réalisateur aussi brillant (enfin, beaucoup moins ces dernières années, quand même), on ne peut qu'un minimum y adhérer. Bien que pas toujours crédibles voire répétitives, les scènes s'enchaînent avec fluidité, élégance, les protagonistes étant tous interprétés avec brio : Shawn Levy est impeccable en alter ego « allenien », superbement entouré par Elena Anaya et Gina Gershon, dont la carrière plus qu'en demi-teinte reste un immense mystère pour moi, réussissant l'exploit d'être peut-être encore plus belle à soixante ans qu'à trente.

Dernier plaisir, mais pas des moindres, bien que ces « fantasmes » soient un peu nombreux et inégaux : la « relecture » d'Allen de

plusieurs grands classiques du cinéma qu'il s'amuse à détourner pour les intégrer à son propre récit : ça n'était sûrement pas indispensable, mais si vous aimez le cinéma, certaines de ces « parenthèses enchantées » devraient vous apporter un franc sourire (mes préférés : « Huit et demi », « Un homme et une femme » et « L'Ange exterminateur »).

Je comprends que le film soit critiqué. En y réfléchissant à deux fois, certaines faiblesses m'apparaissent plus nettes, au point de songer à baisser ma note. Mais j'ai passé un bon moment, en si bonne compagnie que j'ai avant tout envie de retenir cela : un Woody Allen revenant aux sources de son cinéma, prenant, certes, un peu des analyses de psychanalyse personnelle, mais fait avec suffisamment d'intelligence et de charme pour que cela fonctionne sur moi, à l'image d'un dénouement moins prévisible qu'on ne pouvait le craindre. Un échec immérité pour une œuvre à réévaluer dans le futur.

Caine78
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Woody Allen et Les meilleurs films de 2022

Créée

le 26 sept. 2022

Critique lue 29 fois

1 j'aime

Caine78

Écrit par

Critique lue 29 fois

1

D'autres avis sur Rifkin's Festival

Rifkin's Festival
Sergent_Pepper
3

Inventaire grabataire

Alors que les polémiques sur la vie personnelle de Woody Allen et la pandémie ont eu raison de sa rigueur métronomique, voici que s’exhume un film terminé il y a déjà deux ans, un retour en Espagne...

le 13 juil. 2022

16 j'aime

4

Rifkin's Festival
FrankyFockers
8

Critique de Rifkin's Festival par FrankyFockers

Un vieil homme, critique de cinéma estimé qui tente d'écrire un premier roman, accompagne sa femme, attachée de presse de cinéma, au festival de San Sebastian, en Espagne. Elle s'occupe d'un cinéaste...

le 28 juin 2022

15 j'aime

3

Rifkin's Festival
PierreAmoFFsevrageSC
9

Once Upon a Time...Holly Woody. Le Top 10 d'Allen. Mort Rifkin, le Name-dropping Droopy.

"Money talks, shit walks"Renouvellement de vœux de mariage de Woody au Cinéma. Il fait ici son TOP 10 à la SC de ses films favoris.Je reconnais que j'aime beaucoup Woody, mon holly Allen...donc...

le 18 nov. 2022

6 j'aime

2

Du même critique

Enquête sur un scandale d'État
Caine78
2

Enquête sur un scandale cinématographique ?

Thierry de Peretti est un réalisateur doté d'une bonne réputation, notamment grâce à « Une vie violente », particulièrement apprécié à sa sortie. J'y allais donc plutôt confiant, d'autant que le...

le 20 août 2022

32 j'aime

8

Mourir peut attendre
Caine78
4

Attente meurtri(ère)

Cinq ans d'attente, avant que la crise sanitaire prolonge d'une nouvelle année et demie la sortie de ce 25ème opus, accentuant une attente déjà immense due, bien sûr, à la dernière de Daniel Craig...

le 7 nov. 2021

29 j'aime

31

L'Origine du monde
Caine78
3

L'Origine du malaise

Je le sentais bien, pourtant. Même si je n'avais pas aimé « Momo », adapté du même Sébastien Thiéry, cela avait l'air à la fois provocateur et percutant, graveleux et incisif, original et décalé,...

le 25 sept. 2021

25 j'aime