Rio Grande par Kroakkroqgar
A l’inverse des charismatiques personnages mystérieux des westerns spaghettis, l’apparente sévérité du personnage principal Kirby York est dû à sa loyauté envers son corps de cavalerie. De fait, le film ne se comporte pas comme un western, mais plutôt comme une œuvre uniquement patriotique.
Il n’y a qu’à y voir le rôle que jouent les indiens : la légitimité américaine n’est jamais remise en cause, et les indigènes sont dépeints comme des sauvages qui massacrent femmes et enfants, et fêtent leurs victoires dans une débauche d’alcool. Un bon indien est un indien qui coopère, comme la remise des honneurs en conclusion le laisse suggérer grossièrement. Mais en traitant les indiens comme des sous-hommes, le film se tire une balle dans le pied. En effet, les rares et courtes scènes de combats perdent tout leur intérêt : à blessures égales, les indiens tombent par dizaine, tandis que les américains se relèvent plusieurs fois.
Dans ces conditions, on aurait souhaité que la vie du camp yankee relève le niveau. Mais là encore, l’ensemble baigne dans un patriotisme naïf. Kirby York, dévoué au travail a abandonné sa famille pour la bonne cause et son fils s’est engagé dans l’armée par honte d’avoir échoué ses examens. En tant que femme, Kathleen ne peut évidemment pas comprendre le besoin pour les deux hommes entêtés de se prouver quelque chose à eux-mêmes. Il était toutefois possible de faire ressortir quelque chose de cette situation, en mettant le père ou son fils dans une véritable situation de danger, mais la fin victorieuse et à l’honneur de la cavalerie américaine balaie tout l’intérêt que représentait le contexte.
En fait, aucune des idées proposées par l’œuvre n’est exploitée. Par exemple, le dilemme du bon soldat recherché pour homicide se résout par sa fuite en attendant un jugement qu’on sait gagné d’avance. De même, l’incendie qui a détruit le domaine de Kathleen pour des besoins militaires n’est qu’une anecdote inintéressante, alors qu’elle aurait pu représenter une véritable réflexion sur la guerre contre les Apaches.
Même John Wayne surprend par sa médiocrité dans cette œuvre : affublé d’une moustache, il perd tout son charisme, et ne se rattrape que dans les scènes où on le voit en conflit avec lui-même quant au sort de son fils. Chill Wills est même plus attachant, avec ses grimaces de gentil benêt.
A ce stade, on trouve même à redire à la réalisation. Non seulement les paysages de Monument Valley ne sont pas particulièrement bien mis en valeur dans le film, mais le site est à près de 1000 miles du fleuve éponyme et les images ne répondent donc à aucune cohérence géographique. Quant aux passages tristes des musiciens de l’armée, ils sonnent parfois bien creux.
Un western au patriotisme creux.