Otto Preminger s'attaque pour la seule et unique fois de sa carrière au western avec Rivière sans retour, film de commande du studio 20th Century Fox et l'un des tout premiers film à exploiter le format CinemaScope dans l'optique de concurrencer la télévision. Film réunissant deux des acteurs les plus populaires de leur époque, à savoir Robert Mitchum et Marilyn Monroe, l'intrigue suit trois personnages : Matthew un père de famille au passé trouble (Robert Mitchum), son jeune fils Mark d'une dizaine d'année (Tommy Rettig), et Kay une chanteuse de saloon (Marilyn Monroe). Abandonnés par le fiancé de Kay (Rory Calhoun), ces derniers doivent braver les multiples dangers d'une rivière menant à la ville de Council City sur un frêle radeau, dans l'optique de retrouver le malfaiteur.


Commençons par la plus belle qualité du film : le format CinemaScope sert en effet merveilleusement bien la mise en scène, en offrant de très beau plans de la nature sauvage des montagnes Rocheuses qui mettent en valeur l'ampleur de ces paysages. Malheureusement, ces qualités esthétiques ne suffisent pas à compenser une intrigue très convenue et cousue de film blanc, ainsi que des personnages dont l'écriture souffre du contexte temporel et sociétal dont le film est issu.

Rivière sans retour est en effet un film tout entier rattaché à son époque, pour le meilleur mais surtout pour le pire. Matthew incarne en effet un idéal des valeurs masculines américaine de l'époque. C'est un père aimant pour son fils, déterminé à lui offrir une vie simple mais honorable, un bon chrétien, charitable et sincère. C'est également un colonisateur (nous avons revendiqué cette terre comme la notre, les Indiens doivent s'y soumettre), et un patriarche dominateur de la gent féminine. Le personnage de Kay n'est quant-à-elle qu'un écrin destiné à Monroe pour incarner dans toute la splendeur le sex-symbol qu'elle est à l'époque. La relation évidente et attendue qui se crée entre ces deux personnages (de la détestation initiale va naître la tendresse, puis l'amour) est le support émotionnel du film. Dans ses meilleurs moments, on nous offre des instants où cette relation pourrait être touchante (la scène d'excuses et de réconciliation), mais on bascule vite hélas dans une scène d'agression sexuelle caractérisée dont on perçoit le caractère tragiquement "innocent" du point de vue du film. Au final Kay, abandonnée par son fiancé, laissera derrière-elle sa vie d'artiste de saloon au profit d'une situation bien plus "respectable" : celle de la mère au foyer, ramenée dans le droit chemin par ce brave Matthew, l'emportant sur son épaule.


Bref, tout cela sent tout de même fort le renfermé... Au moins Marilyn Monroe nous offre de beaux moments de chansons.

TedDeckard
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le 15 janv. 2025

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TedDeckard

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