Pour son nouveau film, Mitchell Haven (Tygh Runyan), fait appel à une jeune actrice talentueuse et méconnue, ressemblant trait pour trait à l'héroïne de son script, Velma Duran, disparue. Peu à peu, il s'éprend de celle-ci, alors que la mystérieuse affaire et intrigue du film renaît.

Road to Nowhere est avant tout une expérience ultime pour le spectateur en matière de confusion et de vertige. Une savante alchimie entre policier, drame psychologique et romance, dans un climat pesant mêlant
fiction et réalité. Le récit se déroule dans son intégralité à notre époque, même si une telle photographie amène parfois à songer à de la science fiction.

Ici, le fil conducteur est partagé entre Velma Duran / Laurel Graham et Mitchell Haven, tout deux jouant un rôle essentiel dans la continuité du film. D'un coté, Velma / Laurel semble partagée entre un passé suspect et l'influence du tournage sur sa personnalité, de l'autre, Mitchell détourne l'idée principale de son oeuvre sur la jeune actrice, littéralement empoisonné par sa beauté et son charme. Globalement, l'intrigue est filmée de façon extérieure, mais l'objectif entre cependant par intermittence dans la sphère intimiste de Velma / Laurel et Mitchell.

L'oeuvre entraîne d'emblée l'attention du spectateur par la fluidité de ses images, un mélange indescriptible entre netteté et flou, aspirant l'oeil dans une spirale de couleurs satinées et pure. La tonalité générale est donnée dès les premières scènes : une ambiance à la fois brûlante et figée, due à la singularité de la photographie, mais aussi à la dimension particulière des sons ambiants, généralement discrets mais qui laissent parfois place à la surprise par leur brutalité et leur sécheresse (les détonations de révolver, les claquements de portières...). La bande originale variée ainsi que les dialogues, qui, intenses ou plus légers, semblent toujours aussi posés et naturels, parachèvent cette sensation de sombre perfection. Cette violence des bruitages est également accompagnée d'un visuel parfois brutal, à l'image de la chute de l'avion dans l'inerte étendue d'eau, contemplée longuement dans le crépuscule depuis l'espace silencieux, confiné et rassurant qu'est l'intérieur de la voiture. Mais l'action brutale n'est pas la seule source de cette ambiance malsaine, on peut dès le début de la projection avoir une idée sur son aboutissement par le jeu de Velma / Laurel, seule dans une chambre chaleureuse, manipulant pensivement un sèche cheveux allumé, qui rappelle inévitablement la forme d'un revolver. L'image la plus violente, cependant, est dévoilée avant même le début de la séance, par la composition de l'affiche du film, représentant la toute dernière image de l'oeuvre : le corps de Velma / Laurel, photographié par Mitchell, sous l'empire de cette beauté vertigineuse...

On peut donc penser que l'un des fils conducteurs du film est l'obnubilation de Mitchell pour Velma / Laurel allant crescendo vers la passion, pour finir sur une certaine nécrophilie, avec laquelle il se découvre un véritable attachement envers Velma / Laurel. Selon le réalisateur, ce dernier film est sans doute le plus abouti, les précédents faisant office de répétitions : « It's a film about movies, It's a film about movie-making, but it's also a film about... it's a common theme in my movies. It's something that I was inspired by Truffaut in Shoot the piano player and it's really about the conflicts between ones work and ones loves, ones relationships... ». - C'est un film sur le cinéma, sur le fait de réaliser des films, mais c'est aussi un film sur... un sujet que l'on retrouve dans mes autres films, et qui m'as été inspiré par Truffaut, dans Tirez sur le pianiste... le conflit entre l'oeuvre de quelqu'un et sa vie amoureuse, ses relations... Il se dégage de ses précédentes réalisations (Iguana ; Silent Night) par un changement de tonalité, que Monte Hellman justifie par une approche plus subjective du scénario de sa part. Coté technologie, la surprenante qualité d'image provient des appareils photo Canon utilisés, et de leur possibilité d'enregistrement vidéo en très haute définition à trente images par secondes.

Lenteur, plénitude, voilà les maîtres mots de cette oeuvre que l'on ressent jusqu'au plus profond de soi pendant et après la projection. Ce style de cinéma se rapproche en de nombreux point sur les réalisations de Lynch, en particulier Mulholland Drive, où la photographie et le sujet sont semblable à ceux de cette oeuvre. Avec autant de force et de grandeur, inutile de préciser que ce film fût le Coup de Coeur par excellence de ce festival. A revoir.
Pointofview
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le 8 janv. 2012

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le 13 févr. 2013

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