L’absurde a cela de formidable qu’il doit se fonder sur un ligne de raison, sans quoi il perd tout son sens. De là, il est fascinant d’observer comment Quentin Dupieux consacre ‘Rubber’ à l’unique but de prendre à revers le spectateur.
Souvent, on croit cerner une critique, une parodie, une image. Et un retournement de situation illogique nous remet gentiment à notre place. On croit dans un premier temps devoir se projeter dans les spectateurs du film dans le film, avant que leur massacre incompréhensible ne fasse perdre son sens à une telle idée. Par la suite, Chad se fait tirer dessus en croyant que le film (dans le film) était fini. On aurait ensuite pu s’attendre à le voir s’effondrer après avoir compris sa méprise, mais il n’en est rien. Toutes les décisions dans le film surprennent le spectateur, et il est évident que Quentin Dupieux se révèle être un véritable génie de l’absurde.
Par la même, il en devient impossible de juger le scénario. On peut regretter que la fin nous laisse un peu sur notre faim, mais comment conclure autrement un film de la sorte. En tout cas, certains passages sont simplement formidables. Le voyeurisme des spectateurs dans le film qui nous ôtent les mots de la bouche, le texte dans la poche de la chemise, le spectateur qui se plaint : les idées fusent et sont excellentes dans le contexte.
La réalisation elle-même est une franche réussite. Après la monologue en plan-séquence, on passe la première partie du film à se demander comment l’équipe s’y est prise pour animer ce terrible pneu. Par ailleurs, la photographie est très jolie et la bande originale est sympathique.
Un chef-d’œuvre de l’absurde.