Jusqu'ici, le cinéma de Jonás Trueba suivait, pour ses longs-métrages, une même structure filmique en alignant les longues séquences dialoguées, souvent filmées en plan-séquence, le tout autour d'un argument scénaristique a priori banal (que l'on pourrait tout à fait vivre, nous mortels moyens !), transcendé par une mise en scène et une interprétation qui touchaient par leur authenticité et leur fraîcheur. Néanmoins, le film Venez voir (sans vous le spoiler, si vous ne l'avez pas regardé !) avait affiché une volonté de rupture nette, du réalisateur et de sa co-scénariste-actrice principale-muse-compagne Itsaso Arana, par rapport à ce style. En outre, le premier passage de cette dernière, derrière la caméra, Les Filles vont bien (dont Trueba est un des producteurs !), marquait la volonté de s'interroger sur le cinéma, par le biais d'une mise en abyme.


Avec Volveréis, le cinéaste creuse dans ce même sillon. De prime abord, l'idée de départ paraît annoncer une histoire, certes surprenante (et guère réaliste, comme le souligne la discussion lors de l'introduction !), mais conventionnelle sur le plan du récit, d'un couple (incarné par Arana et, un autre habitué du Monsieur, Vito Sanz !) qui veut fêter, avec des membres de leur famille et leurs amis, sa séparation. Mais le tout est recouvert d'une bonne couche de film dans le film. Il faut signaler que Madame est réalisatrice, Monsieur est acteur (en inversant les genres, on peut supposer que le couple Trueba-Arana se réfère à lui-même... d'autant plus que le père du personnage féminin est joué par un certain Fernando Trueba, le paternel de Jonás, et lui aussi de la profession !).


Ainsi, une scène qui paraît être celle du film Volveréis (que l'on voit nous, spectateurs !) peut être aussi celle du film que Madame est en train de monter. La division en chapitres, avec des titres autour du processus créatif, le met en exergue, ainsi que le montage très heurté de quelques scènes pour les raccourcir au maximum (est-ce une façon pour Trueba de signifier qu'il ne souhaite plus revenir à sa patte d'antan ?). De plus, pour renforcer l'aspect "interrogation sur le septième art", servant aussi à approfondir l'analyse d'un couple (les deux thématiques ne se perdent jamais de vue, elles sont constamment liées l'une à l'autre !), les références utilisées sont citées d'une manière directe (Scènes de la vie conjugale d'Ingmar Bergman, les comédies de remariage de l'âge d'or hollywoodien, avec Cary Grant, le film Elle de Blake Edwards donnant lieu à des discussions animées, montrant des oppositions de pensées, allant bien au-delà de l'œuvre en question, parmi les conjoints ; autrement, il y a aussi Stanley Cavell et Søren Kierkegaard qui servent pour la bibliographie, en ce qui concerne la théorie littéraire appuyant le propos d'ensemble !). Et il y a même, pour bien enfoncer le clou, une réunion avec l'équipe technique, celle du film dans le film, pour donner leur opinion sur un premier montage, avec cette question qui ressort, est-ce circulaire ou linéaire ? Les deux, sûrement.


En effet, on a la mise en abyme, avec tout ce qu'il faut pour bien perturber l'horizon d'attente du spectateur, mais aussi des échos d'intrigue rom-com (avec une alchimie ne pouvant qu'être certaine entre Arana et Sanz, étant donné qu'elle avait déjà fonctionné dans Eva en août et Venez voir !). Ceci avec, comme cheminement, servant de moteur aux actes des protagonistes, la préparation de la fête organisée pour sceller définitivement la séparation (ça débute avec la suggestion de cette idée et ça se termine avec l'application concrète de celle-ci !).


En tous les cas, Volveréis confirme, plus que jamais, l'intention affichée de Venez voir, à savoir que Jonás Trueba et Itsaso Arana n'ont surtout pas l'intention de se reposer sur leurs acquis, en allant là où on ne les attend pas.


Plume231
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le 29 août 2024

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