Par où commencer pour parler de ce film que je qualifiais d'ovni tant il m'avait surpris ? Peut-être par le fait qu'il me faudrait le revoir. C'est qu'il s'en est passé des choses en presque 16 ans aussi bien dans ma vie que dans ma cinématographie et, retomber sur cette critique faite à sa sortie et la relire a fini de m'en convaincre. Il faut que je me réapproprie Shortbus.


La ville de New-York, présentée de façon belle et originale, un décor cartoon-pâte pour annoncer la couleur, ou plutôt les couleurs.
Cette première rencontre avec les personnages et on sait immédiatement que John Cameron Mitchell sera cru, sincère et audacieux, parlera de sexe mais sans être vulgaire, d'imperfection mais sans être amer Ma première pensée fit un détour du côté de Ken Park, le film de Larry Clark et puis, il a suffit de quelques secondes pour que Shortbus n'ait plus rien à voir.
Une tentative d’auto-fellation acrobatique comme introduction, une tentative où le ridicule côtoie l'ingéniosité. Un léger sourire plutôt qu'un malaise et une pensée pour les quelques âmes qui quittèrent la salle.


L'entrée dans l'intimité des hommes et des femmes qui feront Shortbus se fait sans aucun filtre, en s'attardant certes sur l'écorce mais plus longuement sur ce qu'il se cache lorsque l'on vient à la gratter. Les pratiques sexuelles divergent et qu'elles nous titillent, nous surprennent ou nous laissent perplexes, elles baignent dans cette effluve constante de plaisir positif, fédérateur et non destructeur entre homosexualité, sadisme, masochisme, triolisme et plus encore...
Chacun de ces protagonistes est touchant, drôle, triste, aventureux, téméraire, perdu, grave, léger, déluré... Des qualificatifs à la pelle que l'on peut associer au film lui même. Car au delà d'un acte que le cinéma nous montre assez facilement comme l'apothéose de la relation amoureuse, comme quelque chose de simple, presque banal, voir facile et inévitablement fougueux (ou inversement, comme très négatif), Shortbus nous le dépeint assez fidèlement, c'est à dire dans toute sa complexité, son caractère aventureux, stressant dans l'attente, comme un moment de pudeur, un moment qui se gagne, se mérite, un instant et des corps que l'explore à tâtons pour que l'ensemble prenne véritablement toute sa force dans le partage et dans l'acceptation.
Il y a là un panel assez exhaustif de ce que le sexe peut donner à vivre comme situations mais il en résulte un reflet presque oublié de nos désirs, des désirs aux multiples ramifications, aux multiples possibilités, à des lieux de ce que nous dicterait une industrie du porno de plus en plus codifiée ou le plaisir est hiérarchisé.
Shortbus est une recherche d'un bien-être intime au delà de toutes les barrières et de tous les standards que nous dresse la société.
Le sexe m'a rarement paru aussi authentique au cinéma, sans artifice, sans superflu, sans filet, chacun cherchant a atteindre une vérité, une aisance, une relation éphémère ou durable à la fois personnelle et partagée.


Shortbus est un microcosme des années de "libération sexuelle", caché dans le conformisme New-Yorkais. Un film sexué autant que sexuel, un film drôle, compliqué et surtout positif, un film sur ce qui pourrait être un jeu sans autres limites que le consentement mutuel, une découverte et une recherche perpétuelle de soi hors des clichés de la beauté, de la performance et du "tout beau tout rose" vendu par les magazines, les films (pornos ou non) et la publicité, un film qui au-delà des actes nous dépeint les relations de couples telles qu'elles sont : compliquées, pleines de vie et de sentiments et, menacées où sublimées par tout ce qui nous entoure.

RicowRay
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le 24 juin 2020

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RicowRay

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