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Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur canadien originaire de Trois-Rivière, au Québec. Considéré comme esthète après seulement deux longs-métrages, Un 32 août sur Terre et Maelström, il a enchaîné les projets de taille depuis 2010, notamment l’adaptation de la pièce Incendies de Wajdi Mouawad pour le grand écran ou encore Prisoners et Enemy (en tant que réalisateur), ce qui lui vaut aujourd’hui la réputation d’être productif. De plus, le studio Alcon Entertainement a récemment annoncé qu’il serait aux commandes de Blade Runner 2, suite d’un monument de la science-fiction, que j’attends avec impatience.


Quoi qu’il en soit, on peut dire que sa filmographie a actuellement le vent en poupe, sans cesse découverte ou redécouverte par de patentés cinéphiles ou des professionnels à la recherche de nouveaux talents. Et il est vrai que, moi aussi, j’aurais aimé la parcourir avant de voir son dernier-né. Faute de quoi j’aborderai Sicario à chaud.


Présenté aux Festival de Cannes 2015, ce thriller américain d’environ deux heures accumule tant de critiques positives qu’il m’aurait semblé criminel de ne pas le voir.



Sicario, en français « sicaire », est un tueur à gages. Le titre fait référence aux tueurs opérant pour les cartels d’Amérique centrale et du Sud.



Kate Macer, jeune recrue du FBI interprétée par Emily Blunt, est enrôlée dans une équipe d’intervention pour démanteler un cartel de la drogue mexicain. Menée par Matt Graver (Josh Brolin), consultant énigmatique prêt à œuvrer dans l’illégalité la plus totale, l’équipe va progressivement s’abaisser au niveau des narcotrafiquants pour mieux les approcher. Question de survie, Kate révisera alors ses convictions et franchira certaines limites, bien qu’aux yeux de son gouvernement elle ne fera que les repousser. Aussi, elle prendra conscience que de nombreuses pratiques lui sont étrangères dans les rangs du FBI (Federal Bureau of Investigation) et de la DEA (Drug Enforcement Administration), point qu’elle partagera avec le spectateur. Ce dernier sera donc plus enclin à éprouver de l’empathie envers elle.


Néanmoins, précisons que le véritable protagoniste de Sicario se trouve être Alejandro (Benicio del Toro), le fameux tueur à gages. Certes, il n’est pas introduit en tant que tel mais fait partie intégrante du trio de tête et force est de constater que la caméra de Villeneuve lui confère une certaine présence. Si je me garde bien d’évoquer plus longuement les révélations qui le concernent c’est tout d’abord pour ne pas spoiler mais aussi et surtout parce qu’elles demeurent simplistes et très largement éculées, parvenant au mieux à confirmer les hypothèses du spectateur.


Qu’on se le dise, la violence du trafic de drogue entre les États-Unis et le Mexique a été le sujet de nombreux films ces trente dernières années. Malgré cela, Sicario parvient à tirer son épingle du jeu en installant une atmosphère froide et violente mais pas impersonnelle pour autant – en tout cas, selon les aficionados de Villeneuve. Beaucoup d’entre eux avouent avoir retrouvé sa patte, ce qui faisait le sel de ses précédents films : comme un malaise ambiant, un sentiment d’oppression qui ne faiblit jamais. Par ailleurs, avec quelques nappes sourdes çà et là, des aplats de bruitages à basses fréquences qui grésillent dans l’estomac (quand ils ne sont pas étouffés par les coups de feux et les explosions), la bande originale appuie ledit sentiment. Et cela à défaut de proposer un vrai thème principal.


L’enfer des cartels est bruyant, ruine les enjeux économiques, politiques et humains inhérents à la frontière et aux pays qu’elle sépare ; Denis Villeneuve nous rend compte de la situation d’un point de vue acerbe, nuancé et pluraliste, où rien n’est ni tout blanc ni tout noir.


Outre une bande son léchée, Sicario jouit d’une esthétique sobre et soignée. À base de plans aériens façon reportage, de visions nocturnes et de contre-jours évoquant des œuvres maîtresses telles qu’Apocalypse Now, celle-ci évoque indéniablement le cinéma de guerre. Indéniablement parce que les personnages mènent une véritable guerre contre les narcotrafiquants, que ce soit sur le plan belliqueux ou psychologique. L’équilibre entre action et tension demeure, en ce sens, assez subtil. Surtout en début de film avec, dans un premier temps, la prise d’otage puis la défense du convoi à Juárez.


Nonobstant, c’est plutôt grâce à son casting que Sicario fait mouche : Benicio del Toro et Josh Brolin crèvent l’écran en insufflant une vraie énergie aux personnages qu’ils incarnent. Emily Blunt n’est pas non plus en reste, de ce point de vue-là. Simplement, force est d’admettre qu’elle disparaît quelque peu derrière les deux monstres sacrés.
Villeneuve aurait toutefois mieux fait de déployer son casting dans des situations plus audacieuses, plus risquées. Au lieu de cela, il le sous-exploite clairement à déambuler entre les séquences rebattues d’un cinéma “de références”, saupoudrées à la sauce Traffic de Steven Sodderbergh ou encore No Country for Old Men des frères Cohen. Et c’est regrettable car le thème des cartels de la drogue se prête très bien au cinématographe.


En conclusion, si j’ai globalement apprécié Sicario, j’avoue ne pas saisir l’enthousiasme que son exploitation génère. Il me paraît un engouement passager dont le temps aura facilement raison, bien que le film ait été nominé à Cannes et continue son petit bonhomme de chemin. À présent, j’espère que Denis Villeneuve va se surpasser pour le projet Blade Runner 2. Il en va de sa réussite et de notre contentement à tous. Car, soyons honnêtes, nous avons tous vu et aimé Blade Runner, premier du nom. Pas vrai ?


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le 23 oct. 2015

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