En toute honnêteté, j’ai eu pas mal peur en regardant ce film. J’avais le visage vraiment blême en sortant du cinéma. Moi-même, ma compagne ainsi que trois autres couples d’amis sommes allés voir Sinister. Nous sommes arrivés assez tardivement. La salle était déjà pleine de jeunes adolescents, tous émoustillés à l’idée d’aller mater un film d’horreur, probablement pour le côté transgressif que leur inspirait l’affiche du film. Bref nous avons été contraints de nous installer dans les premiers rangs, juste au pied de l’écran géant. Ah et j’ai oublié de préciser qu’à ce stade, moi et ma compagne n’avions pas vraiment calculé qu’il s’agissait d’un film d’épouvante. Je suppose qu’elle ne voulait pas vraiment savoir et que moi je cherchais évidemment à minorer l’importance de ce détail, sans doute par fierté. Grave erreur car dès le premier plan le ton est donné avec ces futurs pendus alignés sagement au pied d’un arbre et dont les pieds quittent lentement le sol. Et au fur et à mesure du film, la charmante créature qui me sert de compagne s’est transformée inexplicablement en une terrible forcenée qui, la tête contre mon épaule, s’employait à me broyer le bras. Le phénomène s’est propagé et mes amis étaient eux aussi tour à tour victimes d’une pression colossale, bien que discontinue, autour de leur biceps; ce qui leur coupait à intervalles réguliers la circulation du sang. Loin de moi l’idée de chercher à me dédouaner en rappelant ces quelques faits ; je cherche seulement à souligner l’influence du contexte de visionnage sur le ressenti personnel.
Hein ? Ah oui la critique.
Et bien, selon moi l’intrigue de base est bien menée et l’ambiance sordide assez efficace. La bande-son avec son petit côté rite funéraire renforce très bien l'atmosphère macabre du film. Par ailleurs, on ressent clairement l’isolement progressif du personnage principal, un homme terre à terre, très pragmatique et qui s’efforce tout le long du film à chercher de la rationalité là où il n’y en a pas. J’ai été aussi séduit par les apparitions inexpliquées de ce témoin mystérieux et effrayant sur les scènes de crimes qui ont entretenu ma curiosité. Je pense que l’intérêt du film repose justement sur la curiosité malsaine du personnage principal pour cette entité maléfique. Le personnage principal, et dans une certaine mesure le spectateur, se persuade que ces meurtres orchestrés de manière cruelle sont le fruit d’une personne réelle et dont les intentions sont limpides, une personne que l’on peut stopper. Or, ce qui fait peur, à mon sens, c’est justement l’absence de raisons et de finalités à tous ces crimes atroces. La fugacité du bagul, cette abomination malveillante, le rend particulièrement effrayant notamment car il n’agit jamais directement. Il est un témoin muet, un pervers à la force tranquille qui s’emploie à corrompre l’esprit des gamins pour les pousser au meurtre.
Alors oui, j’en conviens il y a de réelles maladresses, des procédés parfois ridicules et contre-productifs (les gamins qui galopent dans la baraque en faisant des "chut !" incessants par exemple) et la fin est particulièrement téléphonée. Toutefois, en ce qui me concerne, le film a rempli sa mission, c’est-à-dire me faire peur.