Je ne conseille jamais Spider en disant « ce film est génial, tu vas adorer », mais plutôt « J’ai adoré, mais tu vas peut-être/surement ne pas aimer du tout ». Non pas que je nie ses qualités, au contraire il figure dans mon Top 3 Cronenbergien (j’aime tellement ce mec, que oui, j’en suis à faire des Top 3, des Top 10, des Top Icana… (ceci est totalement déplacé, veuillez faire comme si de rien n’était, merci)), mais est beaucoup moins facile d’accès qu’un A history of violence par exemple, qui bien que très riche dans le fond, peut tout aussi bien s’apprécier au premier degré, sans trop se monter le bourrichon.

Dans Spider, tout parait beaucoup plus compliqué, l’aspect psychologique prenant une part énorme, prépondérante, et là où certains trouveront ce film compliqué voir maladroit, je préfère prêter à Cronenberg l’intention plus que louable de ne pas prendre son spectateur pour un idiot du village complet, en appuyant le trait au maximum, en lui expliquant tout, de peur que, gros intoxiqué du ciné-pop corn qu’il est, il n’entrave que dalle à la clef de l’énigme. Même si bien sur, l’incompréhension face à un film peut parfois révéler, plutôt qu’un scénario riche, une histoire alambiquée écrite avec les pieds, ici ce n’est pas le cas. Non. Et l’objectivité, je m’en bats la rate avec une patte de canard colvert.

Car ici, c’est une enquête plus que particulière que nous suivons. Spider, cet homme plus que particulier qui sort tout juste de l’hôpital psychiatrique et qui met sa liberté tout juste retrouvée au service de cette enquête, errant sur les lieux de son enfance pour reconstruire le puzzle de ses souvenirs, vus au travers de sa perception très personnelle, celle de quelqu’un qui n’a pas toutes ses facultés, ou qui, à tous le moins, voit le monde d’une manière différente de nous, les « gens normaux » (enfin on fait ce qu’on peut). Connaitre, dans les grandes lignes, ce en quoi consiste le complexe d’Œdipe est appréciable pour dès le début réussir à un peu démêler le vrai du faux dans la succession de flash-back nous contant son histoire, bien que Spider ne mente pas, hormis peut-être à lui-même. Il nous présente SA réalité, la seule que son esprit peut accepter, envisager.

On peut se poser la question à la fin du film de savoir si ce que l’on finit par prendre pour la seule vérité possible, est bien la vérité « vraie » si j’ose dire avec un sens du pléonasme pas piqué des puces, tant la version que s’était racontée Spider est pour lui parole d’évangile. Je pense qu’aux vues de pas mal de petits détails, que ce soit de mise en scène, de choix d’acteurs et d’indices dispersés de ci, de là (je n’en dis pas trop afin de vous laisser le plaisir de la découverte ou le déplaisir de les louper), cette seule fin plausible devient une évidence. C’est en cela que certains, dont je suis, trouveront ce film intelligent, bien ficelé même si de prime abord, et je n’ai pas de honte à l’avouer, toutes ses subtilités ne m’ont pas sauté aux yeux, et un second visionnage (qui, je l'admet peut être nécessaire, voir obligatoire) m’a permis d’apprécier cette œuvre plus en profondeur ; et que d’autres trouveront ça maladroit, et je peux les comprendre (même si quand je vous entend dire du mal de ce film, j’ai une furieuse envie de vous taper sur la tête avec un maillet en mousse). J’aime, lorsque c’est bien fait, que l’on ne me facilite pas la tâche, j’aime qu’un film me fasse réfléchir, j’aime à voir la fumée sortir de mes deux oreilles en me gratouillant le menton et avec Spider, j’ai été servi.

Ce qui sert le plus le film, c’est l’interprétation magistrale de Ralph Fiennes. Même si le monsieur à depuis longtemps prouvé qu’il n’avait rien à prouver (ce qui en soi, est plein d’ironie), pour qui voudrait le réduire à son interprétation, sympathique au demeurant du sinistre Lord Voldemort, plutôt que de parler de son incarnation d’Amon Goeth dans La Liste de Schindler (oui je sais, il est génial là-dedans aussi, mais la ferme un peu, c’est ma critique d’abord), regardez-le donc dans Spider. C’est que la folie aura rarement été aussi bien incarnée, rien que ça. Ne cherchez pas à régler le son de votre téléviseur, l’acteur ne prononcera quasiment aucune phrase intelligible de tout le film, et c’est bien comme ça. Tout passe par sa gestuelle, sa démarche si particulière qui rend si bien le fait que Spider est, quelque-part, avec nous mais sans l’être, son regard dans lequel transperce cette folie supposée douce… Dans un film à la lenteur voulue et appréciable, Ralph Fiennes séduit par son jeu hypnotique, je n’ai personnellement pas décroché les yeux de l’écran pendant une heure trente, alors que c’était la quatrième fois pour moi que je regardais ce long-métrage.

Il m’aura fallu quatre visionnages pour écrire ce semblant de critique, cet avis plutôt, sur Spider, oui.
Parce que j’ai beaucoup plus de mal à écrire sur un film que j’adore, qu’à déverser ma bile sur des navets histoire de me libérer de l’aigreur de m’être fait chourer le dernier pain au chocolat à la boulangerie.

Là ou Cronenberg s’est planté en voulant faire un film SUR la psychologie avec A dangerous method, il réussit parfaitement un film psychologique de bout en bout avec Spider, qui reste pour moi une pépite pas assez appréciée à sa juste valeur, grande valeur.

J’ai adoré, mais vous détesterez peut-être.

(Et vous aurez tort, bordel !)
Pravda
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le 5 mars 2013

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Pravda

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