Pour ce quatrième et dernier Marvel de l'année 2021 (après Black Widow, Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux et Les Éternels) Marvel et Sony dévoile enfin leur fameux Spider-Man : No Way Home, troisième et dernier opus de la trilogie Spider-Man portée par Tom Holland depuis 2017, et sans doute le film Marvel le plus attendu depuis Avengers : Endgame (2019).
Après une longue attente accompagnée d’une immense excitation à l'idée de se plonger enfin dans le multivers du MCU au cinéma et de (peut-être) retrouver d'anciens personnages adorés, ce troisième volet des aventures de Spider-Man incarné par Tom Holland débarque enfin en salle, juste avant Noël pour faire péter le box-office post-pandémie. Et force est de constater que le succès commercial du film est assuré, en témoigne l'ambiance d’anthologie de la salle dans laquelle j'ai vu le film : pleine à craquer, remplie de fans du MCU, un déguisement de Spider-Man aperçu parmi la foule, des hurlements de joie et des applaudissements à plusieurs reprises pendant le film. Jamais je n'avais vu un film dans de telles conditions, donc forcément l'expérience en salle et l’ambiance incroyable qui se dégageait autour de ce No Way Home sont des facteurs à prendre en compte dans mon appréciation globale du film. C’était littéralement la victoire des Bleus à la Coupe du monde 2018 dans la salle de cinéma… Expérience inoubliable. Une preuve que le cinéma n’est pas près de mourir puisque que c’est grâce à l’expérience en salle que nous pouvons vivre une telle joie communicative. Rien de plus intense que le visionnage d’un film évènementiel comme celui-ci dans une salle de cinéma.
Et donc, après tant d’attente et de suspense, c’était comment Spider-Man : No Way Home ? En résumé c’était cool et ultra-satisfaisant pour un fan du MCU et de films de super-héros. Un film Marvel divertissant et dingue certes, mais si l’on prend un peu de recul et qu’on analyse le film en termes de cinéma pur, Spider-Man : No Way Home n’est clairement pas un très grand film ni même un très bon film… Je suis donc assez partagé. Car oui, la nostalgie et le fan service dégoulinant et ultra jouissif emporteront les foules et les spectateurs fans de Spider-Man et de l'univers Marvel, c'est sûr et certain. Le fan du MCU qui sommeille en moi ainsi que le gamin amoureux de films de super-héros est forcément conquis par ce qu'il a vu et ressenti devant ce film (Spider-Man a été mon premier super-héros préféré). Mais ce gamin a grandi (25 ans attention), et celui-ci n’est finalement pas aussi dithyrambique sur ce film comme il l’aurait été à 10 ou 15 ans...
Le premier point où No Way Home rate le coche, c’est clairement dans sa mise en scène. Après un deuxième opus sorti en 2019 et que j’avais beaucoup aimé (Spider-Man : Far From Home), les choses s’étaient un peu améliorées en termes de réalisation et d’action par rapport au Spider-Man : Homecoming de 2017. On pouvait donc espérer pour ce troisième opus que le réalisateur Jon Watts muscle son jeu ! L’espoir fait vivre. Mais après avoir vu No Way Home, notre cher Jon Watts ne peut que définitivement (et je l’espère à l’avenir) rester sur le banc de touche ou carrément être rayé de la feuille de match par Kevin Feige ! Car si Les Éternels, sorti il y a un mois, a su montrer que Marvel Studios pouvait hausser son « ambition » en termes de mise en scène et de style en engageant l’oscarisée Chloé Zhao, Spider-Man : No Way Home rappelle que ce sont avant tout des films très calibrés et où l’expression des metteurs en scène est gommée voire effacée pour entrer dans le moule Marvel (sauf quelques exceptions comme James Gunn, Ryan Coogler ou récemment Chloé Zhao).
La mise en scène de Jon Watts est donc toujours aussi impersonnelle où aucun plan ne vous marque la rétine (un petit plan séquence au début dans l’appartement et c’est tout). Les scènes d’action sont très divertissantes, mais au final peu originales et sans aucune idée de mise en scène marquante (le climax sur un échafaudage… il y avait mieux à faire pour un tel film). Et pire, le réalisateur essaye même de copier certains plans ou certaines scènes de Sam Raimi et Marc Webb, sans jamais réussir à les égaler par manque de talent ou de personnalité et surtout où le fan service prend le dessus. Sam Raimi et Marc Webb peuvent dormir tranquille... Pour ce qui est des couleurs et de la lumière, c’est toujours aussi gris et fade, la photographie est inexistante et anecdotique, certains décors numériques et effets spéciaux ne sont pas dingos et enfin, la bande-originale, pourtant composée par l’excellent Michael Giacchino qui s’est pourtant illustré sur Les Indestructibles (2004), les Star Trek de J.J. Abrams (2009 et 2013) et prochainement sur le très attendu The Batman de Matt Reeves (2022), est totalement oubliable où aucun thème musical ne sort du lot malgré les reprises musicales des films de Raimi et Webb.
Et enfin, là où le film déçoit énormément à mon sens, c’est dans son scénario, dont le potentiel sur le papier était juste démentiel autour du multivers et de ce retour de personnages iconiques adorés de tout le monde. L’idée de départ est géniale : l’identité secrète de Spider-Man est connue par le monde entier et Peter Parker ainsi que ses proches en subissent les conséquences. Le jeune homme veut donc réparer tout ça en demandant un sortilège d’oubliette à son collègue des Avengers le Doctor Strange. Trop cool ! Le sortilège foire et le multivers ouvre ses portes en laissant entrer dans l’univers de Peter des individus liés à Spider-Man dans d’autres univers ! Encore trop cool ! Et c’est là qu’entrent en scène les méchants… Fan service, radotage sur les origines de leurs pouvoirs pour rappeler les anciens films (le tout dans des dialogues forcés), encore du fan service gratuit amené avec de gros sabots (la fameuse réplique « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » sérieux les gars, c’est forcé !). Et surtout, c’est la motivation principale de notre héros qui m’a interloqué : Peter Parker veut renvoyer ces méchants dans leur univers respectif (OK je veux bien) afin de leur donner une seconde chance (OK pourquoi pas, idée de rédemption mais certains l’ont déjà eu comme L’Homme-sable) mais en leur enlevant leurs pouvoirs (WHAT ?!). Une idée scénaristique qui me titille depuis que j’ai vu le film, comme si Marvel voulait « guérir » et retirer tout le sel qui donnait un intérêt à ces méchants : leurs pouvoirs, leur méchanceté vis-à-vis de Spider-Man et donc leurs motivations et leur psychologie.
Et c’est là que le film m’a déçu finalement, dans sa volonté de « modifier » des personnages connus de tout le monde, il les remodèle et les lisse pour qu’ils intègrent parfaitement bien le moule propre et gentil du MCU. Spider-Man : No Way Home déconstruit donc ce qui a été fait avant par Raimi et Webb et pire encore, celui-ci tourne beaucoup trop en dérision tous ces anciens personnages apparus précédemment dans des ambiances et des univers totalement différents de celui du MCU ! Et donc ça ne passe pas toujours je trouve et l’humour du film est un gros problème à mon sens. En plus d’être gênant et de mauvais goût par moment, celui-ci décrédibilise ces anciens méchants (et super-héros si vous voyez de qui je parle). C’est peut-être la première fois que je suis « énervé » devant l’humour d’un film Marvel, et pourtant je suis plutôt bon public quand il s’agit de leurs films, mais là ça passe beaucoup moins bien bizarrement. Peut-être que traiter le film de manière plus sombre et sérieuse aurait été bien plus intéressant où tous ces méchants auraient gardé un semblant de leur personnalité originelle et les enjeux du film auraient sans doute été mieux travaillés. Sur l’aspect « révisionniste » du film, la critique de Sylvestre Picard pour Première est intéressante et soulève bien ce problème qui risque probablement de se répéter à l’avenir… (https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Spider-Man-No-Way-Home-un-dernier-tour-de-toile--critique).
Spider-Man : No Way Home fut donc une expérience cinématographique aussi réjouissante que décevante à certains niveaux. Le film se regarde bien dans l’ensemble, c’est rythmé, il y a beaucoup (trop ?) de nostalgie, les acteurs sont bons (Tom Holland approfondis son personnage, Zendaya est touchante, Benedict Cumberbatch est top, Willem Dafoe est toujours aussi génial et livre un Bouffon Vert psychopathe énorme mais qui aurait mérité plus de folie et de scènes (le style Raimi était vraiment trop violent pour le MCU…), Alfred Molina apparaît moins bon dans l’ensemble, trop de grogneries d’Octopus qui le font passer pour un vieux scientifique grincheux qui se plaint tout le temps (il n’est pas aidé par sa VF, pourtant la même que dans Spider-Man 2), Jamie Foxx (Électro) est content d’être là mais n’a aucun développement de personnage, Thomas Haden Church (L’Homme-sable) et Rhys Ifans (Le Lézard) viennent dire bonjour et les fameux revenants ultra attendus par le monde entier ne déçoivent pas même s’ils sont là pour beaucoup trop de blagues encore une fois et ne connaissent pas de grosses évolutions (fan service encore).
En bref, Spider-Man : No Way Home fut moins intéressant et marquant que la séance en elle-même. Mais attention, j'ai quand même pris mon pied ! Mais si on prend du recul et qu'on est objectif, le film n’est clairement pas dans un Top 10 du meilleur de Marvel et reste juste un film de super-héros sympathique et divertissant qui joue à fond la carte de la nostalgie pour faire chavirer notre cœur de fan. Si vous voulez voir un vrai film Spider-Man dans le multivers, jetez-vous sur le chef-d’œuvre Spider-Man : Into the Spider-Verse (2018) traduit chez nous en Spider-Man : New Generation. Ça c’est du grand Spidey.