Autant de gentillesse et de bonne foi dans un seul film relèverait presque du miracle divin. States of Grace aurait pu être sans prétention un film de bonne humeur, qu'on regarde juste pour se détendre, en riant au côté assumé de la positive attitude exposée en long, large et travers pendant une heure et demi. Mais quand on ose proposer un tel gavage de mignonnerie au spectateur, ça a du mal à passer.
Vous allez me traiter d'aigri, typiquement le mec content de critiquer à tout va les gentilles personnages qui sont heureuses dans ce qu'elles font, mais quand même : tous les personnages sont des caricatures honteuses de stéréotypes qui le sont encore plus. La fille trop d4rk et tourmentée qui griffonne des dessins satanistes, le rouquin associable, le black véner qui se rase la tête, et surtout les animateurs... Ah les animateurs... Si un cancer de la bonne volonté existait, je pense que toute la salle aurait été contaminée en deux minutes. Grace est donc le personnage principal : elle oeuvre depuis des années dans ce centre pour enfants défavorisés, et dingue, pour la première fois elle rencontre une fille maltraitée par son père, donc ça lui fait penser à sa propre histoire. Dingue. En plus, elle apprend qu'elle est enceinte, veut avorter, en fait non (c'est son copain qui l'en empêche, et attendez de le voir...), puis apprend que son père sort de prison... Quelle semaine pour la gentille Grace ! Heureusement qu'elle est hyper motivée. En clair, c'est une caricature splendide de la gentille fille qui se laisse pas marcher sur les pieds, toute heureuse d'exhiber son BAFA durement acquis, mais qui lui permet d'inonder de sa bonne humeur tout son entourage. Malgré tout, elle reste un des personnages les plus supportables du film (c'est dire), à des années-lumières de son copain : idéal-type du gentil con trop drôle, passablement intéressant en société, à la motivation dégoulinante de sa pilosité rebelle savamment entretenue. Bref, difficile de se concentrer sur le film quand de tels portraits puant le stéréotype à plein nez occupent tout l'espace.
La grande réussite du film est de calquer son histoire, ses péripéties, son scénario sur la gentillesse de ses personnages. On a donc un film gentil tout plein. Pour parler d'enfants défavorisés ça semble mieux, en effet. Le souci c'est que niveau crédibilité et intelligence du propos, ça tient plus du 'Famille d'accueil' que du 'Vol au-dessus d'un nid de coucous'. Tous les habituels poncifs sont réunis et s'exhibent fièrement, hurlant au spectateur : "Là tu dois être triste ! Parce que c'est triste !". Un poisson rouge qui meurt, des poupées confisquées, une petite histoire tourmentée, une tentative de suicide... On repassera niveau surprises. Le film tourne en rond autour d'une histoire sans vague, sans heurts. Chaque détail nous incite à être ému par n'importe quoi, sans une seule seconde penser que sans hauts ni bas, difficile de faire ressentir une quelconque émotion. Les quelques vagues tentatives de soulever une véritable émotion se heurtent misérablement à cette satanée barrière de la gentillesse. Ce n'est pas en cabossant à coups de batte de baseball la voiture d'un père violent qu'on provoque une violence symbolique nécessaire pour faire sortir le film de son ennui mortellement gentil. On sait dès le début que les personnages ne finiront jamais en lambeaux, le filet tissé de bons sentiments s'en assure en permanence.
States of Grace aurait pu être une parodie savamment dosée de ces films niais et complaisants de bons sentiments sur la nature humaine ("Oui je suis tourmentée, mais mes amis m'aident et je vais mieux"). Dommage que ce ne soit pas une parodie.