Improbable
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2023, année triomphale pour le documentaire ! Après le Lion d’Or à Venise pour Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras, c’est au tour de Nicolas Philibert de remporter l’Ours d’Or à Berlin pour Sur l’Adamant. Réalisateur renommé entre autres pour Le Pays des sourds (1993), Être et Avoir (2002) ou encore De chaque instant (2018), le Français embarque cette fois-ci sur l’Adamant, une péniche inaugurée en 2010 et conçue comme un espace d’accueil pour les personnes atteintes de troubles psychiques.
À travers cet espace d’expression et d’inclusivité où l’échange, la discussion et la créativité sont au cœur de toute interaction, ces dernières échappent temporairement à la froideur et la solitude de leur chambre d’hôpital. Avec son ciné-club, son atelier de peinture ou de couture et ses concerts organisés, l’Adamant offre à celles et ceux envers qui la société détourne trop souvent le regard un lieu inclusif où chacun retrouve l’autonomie qui lui a été retirée. Au-delà des activités artistiques, les visiteurs participent activement à l’organisation du centre, de la mise en place de l’ordre du jour, à l’accueil des nouveaux arrivants en passant par la comptabilité.
On pourrait voir dans Sur l’Adamant, un complément au sublime 12 jours (2017) de Raymond Depardon dans lequel le réalisateur questionnait la notion de liberté à travers les confrontations entre des personnes internées en psychiatrie sans consentement et les juges qui décident du maintien ou non de leur présence. Avec sa position de spectateur “neutre”, figeant sa caméra dans les salles d’audience sans jamais intervenir, Depardon y retranscrivait admirablement la rigueur souvent froide des procédures et des échanges, tout en s’attardant sur l’origine, parfois douloureuse, des internements de ceux appelés à comparaître.
Une étape préliminaire à ce que Nicolas Philibert montre sur la péniche. Ici, le réalisateur se veut plus mobile et impliqué que son collègue sans pour autant que sa présence ne perturbe l’espace. En opérant avec un certain retrait son observation des passagers de l'Adamant, il permet à leurs paroles de communiquer librement, d'exposer leurs logiques de pensée en acceptant leurs silences, hésitations et divagations quitte à être inclus lui-même dans leurs conversations. Renforcée par l’absence de voix-off, de textes explicatifs (hors générique de fin) ou de bande-originale, cette pudeur physique et formelle offre au documentaire de véritables moments de grâce et de poésie lorsque les passagers laissent s’exprimer leur art. Empreints d’une énergie libératrice galvanisante comme dans cette reprise de La Bombe Humaine du groupe Téléphone par l’un des visiteurs, d’humour et de douceur lors des débriefings des ateliers peintures, ces instants capturés sur le vif apportent une richesse et une sincérité précieuses au film.
Par dessus tout, Sur l'Adamant met un point d’honneur à bousculer tout concept de normalité via une notion de flou qu'il entretient tout du long. Le flou d'une temporalité jamais définie, celui de l'eau mouvante sur laquelle flotte la péniche ou encore celui du brouillard l'enveloppant. Pour renforcer encore cette idée de frontière poreuse et mettre tout le monde sur un pied d'égalité, le réalisateur brouille les repères et multiplie les angles au sein d'une même scène afin de faire cohabiter patients, médecins et éducateurs sans jamais spécifier clairement leur statut. Humaniste dans sa démarche, Nicolas Philibert préfère donc se concentrer sur l’aspect et salvateur de l’Adamant. Même s’il referme cette capsule solaire sur l’inquiétude de voir disparaître ce type d’alternative, faute d’investissement alloué à la psychiatrie dans l’Hexagone.
D'autres critiques à retrouver juste ici : https://www.surimpressions.be/
Créée
le 17 mai 2023
Critique lue 8 fois
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