Dans son Suspiria bien à lui, Guadagnino oublie l'une des leçons les plus importantes de la création artistique, celle de laisser « de grandes marges blanches, de grandes marges de silence. » Cela peut paraître pédant de citer du Paul Éluard ici, mais force est de constater qu'il parfaitement mon propos, et illustre très bien l'idée que je me fais de l'art. Dans ce film, le réalisateur explique et justifie l'intégralité de ses scènes à son spectateur, jusqu'à la boulimie, et l'infâme déclamation de la scène finale : « On ne fait pas cela pour la vanité, mais pour l'art » qui veut tout dire, mais surtout son contraire.
En outre, si la réalisation apparaît comme très maîtrisée, ce que Guadagnino nous avait déjà démontré dans ses précédents long-métrages, certains 'coups de génie' n'en sont pas, comme ces zooms et dé-zooms qui s'inscrivent parmi les plus laids de l'histoire du cinéma.
L'idée même de procéder à un remake d'un film dont l'identité était si marquée, enfin, l'idée même du remake de manière plus générale, ne m'enchante guère. Si Guadagnino parvient, en effet, à se détacher intégralement d'Argento, pourquoi ne pas créer une oeuvre complètement originale ? Ses trois derniers long-métrages sont tous des remakes ou adaptations, ce qui m'amène à questionner sa capacité véritable à créer une oeuvre qui soit entièrement sienne [je le concède, je n'ai pas encore visionné sa filmographie complète et je promets de le faire au plus tôt].
Ce qu'il reste à sauver de ce film, hormis certains beaux plans, sont sans doute ses actrices, enfin Tilda avant tout, qui de toutes manières, n'avait plus rien à prouver à ce stade de sa carrière. J'épie néanmoins Mia Goth du coin de l'oeil, qui semble promise à de très jolis projets, du moins je l'espère. Et je remercie Jessica Harper, toujours formidable, dont l'apparition n'a servi qu'à adoucir les admirateurs du film original, et dont l'aura magique a sans aucun doute fonctionné.