C'est le titre original ; j'en proposerais bien un autre "Servitude et misère militaires" en contrefaisant le titre d'un roman de Vigny.
L'action démarre dans une caserne à Hawaï à la veille de l'attaque de Pearl Harbour par les japonais. On ne s'y bile pas trop et on boit beaucoup. Le souci pour les gradés est d'organiser entre les corvées et les défilés … le championnat de boxe du régiment. Justement, le capitaine d'une des compagnies a fait transférer chez lui un soldat, Prewitt (Montgomery Clift), ancien boxeur, pour emporter le challenge et peut-être y gagner une ficelle au passage. Seulement voilà, il n'est pas question pour Prewitt de remonter sur le ring car il a raccroché ses gants définitivement.
On voit donc l'armée en temps de paix dans toute sa splendeur : le refus de Prewitt se traduit par des brimades et humiliations pour tenter de le faire plier. Et du moment que le capitaine le veut, tous les petits sous-offs se déchainent que c'en est un bonheur. Il y a bien Warden, l'adjudant de compagnie (Burt Lancaster), qui n'approuve pas mais il n'a pas vraiment les mains libres. Et puis, il est bien trop occupé à séduire la femme du capitaine (Deborah Kerr).
Il y a plusieurs aspects dans ce film. On peut le voir comme un film noir du fait du comportement de ces gradés qui profitent, lâchement, de leur statut pour humilier le biffin que ce soit Prewitt ou Maggio (Franck Sinatra). On peut le voir comme un mélodrame avec les amours de Warden avec la femme du capitaine et de Prewitt avec une prostituée (Donna Reed). Mais les deux femmes vont avoir à composer avec l'armée et le devoir. Et il se peut bien que le mélodrame vire aussi au film noir. On peut bien sûr le voir aussi comme un film de guerre avec l'attaque surprise et catastrophique des japonais qui signifiera l'entrée en guerre des USA en 1941 et surtout le retour du militaire à une activité normale.
Ce qui domine le film, ce sont les portraits psychologiques de chacun des personnages principaux.
Montgomery Clift campe un personnage complexe qui ne transige pas avec ses principes. Il aime l'armée et possède un solide sens du devoir et de l'honneur. Son courage à encaisser les brimades pour s'être opposé à sa hiérarchie va forcer l'admiration de l'adjudant (Lancaster). Mais son sens de l'honneur à vouloir venger son camarade (Franck Sinatra) lâchement harcelé par un sergent sadique (Borgnine) va le conduire vers une impasse.
Ce sont Deborah Kerr et Donna Reed qui auront le dernier mot du film. Elles aussi campent des personnages complexes mais positifs. On comprend peu à peu que le comportement volage de Deborah Kerr repose sur un drame personnel et qu'elle se donne une ultime chance de pouvoir refaire une vie jusque-là, ratée. Le personnage de Donna Reed ne manque pas d'intérêt non plus dans sa recherche et sa volonté de sortir de sa condition par le haut.
Film de guerre, film noir, film romantique, au fond c'est un peu tout ça. C'est surtout un film puissant dont le titre français parle d'hommes qui ne "manqueront" pas, semble-t-il … mais à qui ?
Et pourtant à quelques très rares exceptions près, ils n'y montrent pas vraiment leur meilleur côté …
Dernier point : film à voir en VO si on ne veut pas entendre Dalban parler pour Lancaster et le doubleur habituel de Kirk Douglas parler pour Montgomery Clift …