Un récit de vampire, et le meilleur
The Addiction est présenté comme un "film de vampires" et c'est ce qu'il est, en partie. C'est fort heureux d'ailleurs car il constitue un remède de choix à la gangrène dont souffre le genre depuis quelques années - je ne citerai aucun film car je n'ai pas pour vocation de tirer sur les ambulances et nous pensons certainement aux mêmes vous et moi - en ne cherchant pas à le renouveler mais en en proposant une vision différente.
The Addiction pourrait en déconcerter plus d'un de par son approche très philosophique et le fourmillement de références qui y sont disséminées, de Kierkegaard à Nietzsche en passant par Sartre. Moi qui n'ait pourtant jamais mis le nez dans aucun des ouvrages des philosophes précités (l'inculture aussi s'étale au grand jour, faites place), j'ai eu plaisir à écouter ces échanges dans les dialogues et je trouve que Ferrara signe un long-métrage ambitieux, pour certains "prétentieux" serait peut-être un terme plus adéquat mais tout d'abord, quand comme ici c'est réussi, cela ne pose pas de réels problèmes à votre humble servante et lorsqu'en plus, comme moi, vous préférez une oeuvre qui vous active les méninges et vous fait réfléchir à celle d'un réalisateur qui souligne, voir surligne tout quinze fois en prenant le spectateur pour un idiot bas de plafond, vous en ressortez comblé.
J’énonçais en préambule que The Addiction n'était pas qu'un film de vampire : plus exactement, le vampirisme est utilisé comme métaphore. Cette addiction au sang peut être apparenté à n'importe quelle autre besoin ou dépendance qu'éprouve l'homme, comme celui remontant à des temps immémoriaux de faire le mal. "Sommes-nous mauvais parce que nous péchons ou péchons parce que nous sommes intrinsèquement mauvais ?" ou l'un des multiples points soulevés dans ce film très sombre qui ne se prive pourtant pas d'une petite éclaircie finale.
Hormis son propos, ce qui m'a scotché à mon écran mieux qu'un chewing-gum sur la poche arrière de mon jean, c'est la réalisation élégante de Ferrara. Je ne suis adepte du noir & blanc (à notre époque s'entend) que lorsqu'il est utilisé à bon escient et talentueusement et non pas pour cacher la misère. C'est ici le cas, le travail sur la lumière, ou son absence, est très classieux et rajoute au sordide de certaines scènes, à la beauté d'autres. Ce film est surprenant sur bien des points, et il ne l'est pas moins sur la musique utilisée à certains moment car j'avoue que je ne m'y attendais pas mais cela colle parfaitement à l'ambiance de ce New York du milieu des années 90.
Un dernier blabla sur l'actrice principale, Lili Taylor qui livre une prestation convaincante, habitée qu'elle est par son rôle et qui crève l'écran. A noter le court passage de l'excellent Christopher Walken, court mais intense et c'est toujours un plaisir de retrouver cet acteur si charismatique.
Si vous êtes fatigués de tous ces piteux "films de vampires" dont je n'ai pas parlé plus haut, tentez donc l'expérience, car c'en est une, de The Addiction.