Deux ans après le triomphe de "Fargo", les frères Coen signent un délire loufoque dont les héros sont un trio de losers invétérés amateurs de bowling, interprétés avec une belle conviction par Jeff Bridges (et sa dégaine inimitable, inspirée du producteur Jeff Dowd), John Goodman (un peu fatigant sur la durée) et Steve Buscemi (qui n'a pas du passer trop de temps à apprendre ses lignes de dialogue).
Nos trois lascars plutôt mal assortis vont se retrouver au cœur d'un improbable quiproquo autour d'un supposé kidnapping, qui les mènera à croiser la route de protagonistes aussi variés qu'un millionnaire paraplégique (David Huddleston), un adversaire de bowling aussi hargneux qu'efféminé (John Turturro), ou un producteur de films pour adultes (Ben Gazzara).
Julianne Moore, Tara Reid et un hilarant Philip Seymour Hoffmann complètent ce casting de choix, dans lequel on reconnaît également quelques visages récurrents de l'univers des Coen (Peter Stormare, John Polito, David Thewlis…).
"The Big Lebowski" a d'abord connu un modeste succès en salles et des critiques mitigées, mais avec le temps, le septième long-métrage des frères Coen a acquis un statut de film culte, connaissant une brillante carrière en vidéo, notamment grâce à ses personnages déjantés, son humour décapant, ses séquences de rêves surréalistes, et sa bande originale particulièrement inspirée - et totalement représentative de l'esprit du film, entre évocation des années 60-70, rêverie folk ("The Men in Me", "Dead Flowers"...) et quelques pointes d'audace et de dérision (la reprise de "Hotel California" par les Gipsy Kings, le délire "Technopop").
A la fois comédie absurde et pastiche de film noir au scénario imbitable (genre "The Big Sleep"), dans lequel rien n'est ce qu'il paraît être, "The Big Lebowski" reste au final un spectacle rafraîchissant et indémodable, sans doute l'une des plus belles réussites de ses auteurs - le Dude et sa mythologie ayant d'ailleurs acquis une place de choix dans l'imaginaire collectif.