J’étais assez enthousiasmé à l’idée de découvrir le premier film d’Eskil Vogt, scénariste fidèle de Joachim Trier et notamment du génial Thelma, déjà marqué par un registre fantastique très fort et une emphase sur la jeunesse. Or si ses scénarios se trouvent bien souvent sublimés par le lyrisme de Trier, la tâche s’avère bien plus ardue lorsqu’il est question de passer à la réalisation.
Le film nous place dans une cité norvégienne à la lisière des bois, durant les vacances d’été. Nous y suivons 4 enfants se découvrant des capacités hors normes et ne sachant trop comment les employer.
Le problème majeur de The Innocents se situe justement dans l’usage qu’ils font de leurs pouvoirs. En effet, alors que le film semble vouloir se servir de cette situation pour imager l’amoralité et le manque d’empathie inhérent à l’enfant, le récit encadre très vite ses personnages dans des rôles de protagonistes et d’antagonistes, et ne questionnant jamais ces rôles. Ainsi, un des personnages nous est très vite dépeint comme un sociopathe et il le demeurera tout le long du métrage (chose qui diminue grandement l’affection que l’on peut lui porter et donc l’intérêt qu’on ressent pour sa situation). Cette caractérisation par ailleurs très brutale témoigne également du manque de finesse dont fait preuve Vogt. L’exemple le plus évident est le cas du chat en début de film sur lequel le réalisateur insiste trop, ce qui finit par diluer la violence banale initiale au profit d’une bien plus exceptionnelle et donc irréaliste. Cette insistance se retrouvera dans chaque acte de violences du film, lui faisant perdre son ambiguïté et sa brutalité.
Le dernier reproche que j’ai à formuler au film est le lien -ou plutôt son absence- entre la dimension fantastique et son propos global. Comme je l’ai déjà dit, je trouve que le film échoue à illustrer la sauvagerie inconsciente des enfants en retombant dans des clichés narratifs dignes de récit super-héroïques conventionnels, mais le film ne parvient pas non plus à mettre en scène ses lieux autrement que comme un décor. Ainsi, malgré quelques belles images sur ces barres d’immeubles semblant pousser au milieu des forêts, jamais l’irréel ne vient transcender le milieu socio-geographique (comme a pu le faire brillamment Gagarine ces derniers mois), qui ne devient jamais un sujet scenaristique alors que la réalisation insiste lourdement dessus.
Néanmoins, le film n’est pas honteux pour autant, la technique globale (son, image, effets spéciaux) est tout à fait honorable, le montage est à plusieurs reprises très efficace et les acteurs se débrouillent plutôt bien compte tenu des rôles très caricaturaux qu’ils ont à interpréter.
Mais finalement, le film, étirant en longueur ses situations et faisant de son postulat plus un gimmick qu’un support a son propos, demeure assez convenu et vain.