The Old Oak
6.7
The Old Oak

Film de Ken Loach (2023)

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Quand on sait pas de quoi on parle, on ferme sa gueule.

N'étant pas le plus grand fan (et c'est un euphémisme) de Ken Loach, c'était avant tout pour accompagner une amie que j'ai mis les pieds dans cette salle. Et bah pauvre vieux.

Ce que je reprochais à Ken Loach ça a toujours été son rapport au mélo, au misérabilisme, j'ai toujours eu l'impression qu'il n'avait pas confiance dans son dialogue sur l'ordre social, et qu'il devait, pour se rassurer, rajouter du drame, rajouter encore plus de malheur, pour que tu chiales. Mais alors là, c'est catastrophique.

Le film commence pourtant sur l'arrivée de migrants dans un petit village anglais. Le postulat est posé, et il y a moyen d'en tirer un bon film, intéressant, mettant en opposition la précarité et la mise de côté des habitants de ces villages, complètement bouffés par les grandes villes et entreprises, et de l'autre ces migrants venant de perdre leur pays, devant construire ici une nouvelle vie, alors que l'espoir et leur village se fait bombarder. Comment le racisme ne naît pas du jour au lendemain, mais devient un mécanisme de défense, d'incompréhension "pourquoi ces étrangers ont le droit à des aides, alors qu'ils ne viennent pas d'ici, alors que nous on crève la gueule ouverte ?", ça ça aurait été un film qui aurait pu se tenir. Et si on pousse les idées au max, comment c'est justement parce que nous sommes tous dans la précarité qu'il faut s'entraider, et pourquoi pas aller décapiter les bourgeois, soyons fou !

Le problème c'est que toutes ces idées au mieux sont balayées en 2 secondes, au pire ne sont même pas abordées. Parce que Ken Loach n'en a rien à foutre des migrants, ils sont là parce que sa carrière se base sur du cinéma social et qu'il faut bien en mettre un ou deux, mais ce qui le prend vraiment, c'est le tenant du bar, du Old Oak : TJ.

Et là encore, on frôle, on pourrait presque toucher, le sublime ridicule de l'écriture. Parce que, encore une fois, le problème de ce bon vieux TJ ce n'est pas qu'il galère à boucler les fins de mois, non ça le film n'en a à l'évidence rien à branler. Ce qui l'importe c'est que son chien de merde meurt. Et attention, son chien ne meurt pas de n'importe quelle manière, il meurt tué par des plus gros chiens, dont une scène située un petit peu en avant nous faisait déjà bien comprendre que ça allait arriver. MAIS C'EST PAS TOUT, parce que pourquoi ce chien est si important ? Parce qu'il y a 2ans, alors que TJ allait se suicider en se noyant sur la plage, parce que c'était l'anniversaire de la mort de son père et que sa vie n'avait pas de sens, il a entendu un chien, et ce dernier est alors apparu, ce qui a détourné l'attention de TJ l'empêchant de se suicider, et cette brave bête portait un collier avec écris Marra ce qui dans le langage des mineurs équivaux à l'idée d'un frère, de ton égal. C'EST BON, vous l'avez la subtilité ? Mais comme me l'a fait remarquer un ami, c'est que non seulement c'est gros et ridicule, mais c'est aussi complètement con. Un chien avec un collier sur une plage, dans un village paumé, il est forcément à quelqu'un. Il peut pas arriver comme ça, tout le monde se connaît, il y a bien un type qui s'est dit "oh merde c'est mon chien". Et l'autre, il le garde le clebs.

L'idée de la perte du chien aurait pu être intéressante, cette idée que TJ s'était refermé sur lui-même, n'avait de véritable ami que son chien, et qu'il doit maintenant se tourner vers les autres, idée symbolisée par le fait qu'alors qu'il allait se resuicider, parce qu'il n'a rien de mieux à foutre, c'est un mardi pour lui, c'est Yara, la migrante principale du film, qui viendra cette fois-ci le détourner de son objectif. Alors. Déjà je suis pas sûr que comparer des syriens à des chiens ça soit l'idée la plus intelligente de Loach a eu, mais aussi, bah ce n'est pas tant l'idée qu'on reproche que son exécution. Et les faits sont que je me suis tapé une barre pendant la scène où TJ évoque la mort de son chien alors que je devrais être au fond du trou.

Je passerai, quoique le faisant je l'aborde, la scène de fin, absolument exécrable, où le village entier, même les racistes (yeah !) se réunissent pour soutenir la famille de migrants qui vient de perdre le père de famille. Incroyable ta fin : les racistes sont devenus gentils parce que tu comprends perdre son père c'est pas cool. Merci Ken Loach.

Vous savez il y a des réalisateurs qui ont réussi à tenir la baraque (et qui continuent encore) avec un certain brio malgré leur âge, que ce soit Ridley Scott, Clint Eastwood ou Alain Cavalier, et puis il y a ceux qui ont préféré s'arrêter comme Jean-Luc Godard ou Bela Tarr. Et bien je pense que si Bela Tarr a eu l'intelligence de prendre sa retraite parce qu'il estimait avoir fait le tour de ce qu'il pouvait réaliser, il serait peut être judicieux qu'un réalisateur bien plus médiocre arrête de saloper le peu de chose encore potable qu'il existait dans sa filmographie en y tartinant son misérabilisme et sa naïveté mal placée.

Toutes les histoires ne valent pas la peine d'être racontées, et The Old Oak équivaut à 2h de perdu.

Le_Liam
3
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le 18 nov. 2023

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Le_Liam

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