1925, les Etats-Unis ont achevé leur unification, l'est et l'ouest sont reliés par la locomotive et les amérindiens sont réduits à vivre dans la culture dominante. C'est dans ce contexte que nous suivons deux frères Phil (Benedict Cumberbatch) et Georges (Jesse Plemons), résignant pour l'un, embrassant pour l'autre, l'irrémédiable marche de la civilisation.
Le film fonctionne sur l'entremêlement d'opposition, nous avons d'une part le sauvage et d'autre part le civilisé, d'un côté le virilisme de l'autre la féminité, l'hétérosexualité s'oppose à l'homosexualité et les études face au travail de la terre. Ces confrontations illusoires sont crées par méconnaissance du premier pour la deuxième et inversement. Ces contrastes étant synthétisés par le personnage incarné par Kodi Smit-Mcphee, seul personnage chevauchant les deux facettes des différentes pièces, cherchant à comprendre les univers multiples, où Jane Campion n'impose aucune vérité à son égard. À contrario des trois autres protagonistes principaux (les deux frères + Kristen Dunst) qui sont définis par leur habitus, orientation sexuel et statut social. Nous pouvons voir dans le rôle de Kodi la forme moderne de ce qui adviendra de la population occidentale tout au long du XXème jusqu'à aujourd'hui, des individus nuancés, sortant des cases pré-établis par la construction de l'histoire humaine des siècles précédents. Sur ce point le film réussi à créer un motif remarquable, bien que non original, car le film s'inscrit dans cette nouvelle tradition des westerns à portée sociale, reflétant le monde contemporain, comme la science fiction la fait avant eux (On pourrait peut-être parler de western post Danse avec les loups ?). Par ailleurs fait (nouveau ?) dans un western, pas une seule arme à feu à l'écran, ce la permet de déconstruire le cliché de cow-boy pour le remplacer par une réalité accrue, ces derniers étant, avant tout, des éleveurs de bovins.
Pour parler un peu de mise en scène, nous pouvons soulever quelques points :
Les oppositions précédemment citées sont appuyées par un passage du jour à la nuit sans transition croissante ou crépusculaire, le chien pour le jour et le loup pour la nuit. Par ailleurs, le choix des lumières offrent des clairs de lune saisissant, mettant en avant les conflits internes des personnages.
On peut noter aussi la grande place laisser à la terre dans le champ, permettant une asymétrie vis à vis du ciel. La "colline du chien" en est symptômatique elle dévore le céleste, ne lui laissant que le quart supérieur de cadre. Cela souligne le monde très terre à terre imposé par Phil, ne souhaitant pas voir arriver un monde qui le forcerait à sortir de ses idéaux.
Insistons également sur l'aridité du sol du Montana, véritable paysage désolé, ne laissant de place à la verdure seulement lorsque l'on s'éloigne suffisamment du ranch. C'est d'ailleurs dans ces scènes que Phil se dévoile, à son travail il est contraint à un virilisme exacerbé, tel les bovins du premier plan du film faisant un tête à tête pour montrer leur supériorité.
Quelques mots sur le jeu des acteurs qui est plutôt réussi, mention spéciale à Dunst qui offre une nouvelle fois une performance grandiose, coincé entre l'amour pour son mari et le désespoir de sa vie au ranch. Toute fois, les autres ont un jeu peu nuancé mais c'est à l'image de leurs personnages.
Le montage, quant à lui, est assez classique, bien rythmé sans grande fulgurance. Tout comme le traitement sonore, rien de spéciale à souligner (après, encore une fois, film Netflix oblige, un système son cinéma aurait aider à déceler peut-être quelques idées intéressantes).
Personnellement Campion m'a laissé quelque peu indifférent avec ce nouveau long-métrage. Techniquement réussi, mais aux enjeux boitant, il ne parvient pas à conduire aux émotions qui auraient dû gifler le spectateur, et ne permet pas de réelle interrogation sur notre regard à l'égard des thèmes abordés.
Ce n'est pas came, mais quitte à avoir un abonnement Netflix autant le regarder et vous pourriez tout à fait tomber sous le charme de The Power of the Dog !