Elle en pire
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Je l'attendais avec impatience, enfin je vois cette "Substance" qui avait tant fait réagir à Cannes lors de sa projection en 2024. Un film français (cocorico !) signé Coralie Fargeat qui reçut alors le Prix du scénario, qui semblait avoir choqué, horrifié.. J'étais fébrile au moment d'attaquer les 2h20 de bobine au Rialto de Nice.
Je n'ai pas été déçue du voyage, et seule la fin- grand-guignolesque avec cette inondation de sang délirante- m'a parue manquée. Tout le reste est absolument excellent, inquiétant, coloré, singulier, moderne, angoissant, drôle aussi (grande place offerte à l'humour, grâce à l'excès et la moquerie acide). Film qui doit beaucoup à sa forme très contemporaine, "The substance" est aussi superbement filmé (avec ces gros plans sur les détails anatomiques, bouche qui bave et dévore..) et propose une bande-originale obsédante et angoissante en parfaite adéquation avec le sujet.
Le film se divise en 3 parties, soit 3 facettes du personnage principal incarné par (la sublime, qu'on n'avait pas vue depuis longtemps dans un rôle puissant) Demi Moore (très fraîche pour sa soixantaine). Elle est Elizabeth Sparkle (en anglais : "étinceler"), une "ancienne" gloire du cinéma sur le retour qui présente à la télévision un programme de sport genre Véronique & Davina. Las, signe des temps, Lizzie est poussée vers la sortie par le manager (incroyable Dennis Quaid) qui veut de la chair fraîche et de la bonnasse sexy. À la faveur d'une rencontre suite à un accident, elle va se voir offrir la possibilité de commander une mystérieuse "Substance" lui ouvrant les portes d'une "meilleure version" d'elle-même. Le spectateur sait bien que si, dans un premier temps, la proposition la repousse, elle va finir par craquer (sinon il n'y aurait pas de film hein).
Et nous entrons alors de plain-pied dans l'histoire, et je ne voudrais pas trop en révéler tant il est important de découvrir les rouages du scénario au visionnage. Ce qui m'est apparu, c'est que nous avons là un film qui évoque le principe du "Portrait de Dorian Gray", convoque (notamment la dernière partie) "Elephant man" de David Lynch (j'ai pensé entendre, après la scène de Nouvel an, le cri du monstre chez Lynch "I am a human being! I'm not an animal!") mais aussi "Death becomes her" (La mort vous va si bien) avec ce fantastique décomplexé au service d'une quête de jouvence éternelle. On pense aussi bien sûr à Cendrillon, qui devait absolument rentrer à minuit, sous peine de se retrouver en haillons au pied d'un carrosse redevenu citrouille...
La charge du film est violente contre ces femmes prêtes à tout pour continuer à exister malgré leur âge, dans un milieu qui célèbre la beauté, le sexe et la jeunesse... La fameuse "Substance" est en fait un pacte faustien que noue le personnage : rien n'est gratuit, il y a toujours une contrepartie aux effets positifs, et Elizabeth va vite le comprendre, qui boira le calice jusqu'à la lie. Une œuvre qui met en garde contre les miroirs aux alouettes et autres solutions miracle "anti-âge" qui ne sont en vérité des principes contre- nature qui conduisent aux pires excès.
Soulignons enfin la plastique merveilleuse de Margaret Qualley, fille d'Andie McDowell, fabuleusement mise en lumière par la réalisation... Heureusement que c'est l'œuvre d'une femme, me disais-je, car je crois que ce focus permanent de la caméra sur les (très belles) fesses de l'actrice aurait valu fissa un procès en MeToo à l'auteur... Ouf, nous voilà sauvés !
Bref, une œuvre hypnotique et brillante, pleine de bruits et de fureur, qui embarque le spectateur dans un tourbillon délirant qui finit en feu d'artifice sanglant (dommage).. Excellentissme !
(Je vous laisse, je dois sur-le-champ filer m'acheter un manteau moutarde pour l'hiver, Demi m'a convaincue que c'était la couleur parfaite pour une brune !)
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Créée
le 24 nov. 2024
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