Bon...

Eum...

On en parle de ce film ?

Non mais je veux dire : on en parle SÉRIEUSEMENT de ce film ?


Parce que, bon, moi, à la base, il se trouve que je n'en savais strictement rien avant d'aller le voir, ce The Substance. Son nom figurait juste dans mes envies, sans trop me souvenir pourquoi d'ailleurs. Mais comme j'aime bien aller voir mes films à l'aveugle, ça ne m'a pas arrêté dans mon intention d'aller le découvrir en salles. Et voilà qu'en plus de ça – juste avant de me rendre au cinéma – on m'apprend qu'Écran large s'était touché dessus, que c'était un carton sur les plateformes américaines et que ça avait de quoi rendre curieux.

Alors soit. Peut-être. Pourquoi pas. Moi, à ce moment-là, j'ai juste mis cette information dans un coin de la tête et j'ai enfilé mon manteau... Mais bon, une petite heure plus tard, assis sur mon fauteuil face à cette Substance, tout m'était déjà revenu en plein dans la gueule, puissance mille : le questionnement du pourquoi avoir rangé ce truc-là parmi mes envies ; les raisons de l'enthousiasme d'Écran large et surtout l'incompréhension d'être encore assis là à regarder ce truc...


Parce que oui, j'étais persuadé qu'avec Emilia Pérez, j'avais déjà vu le film le plus con de l'année, mais non. J'avoue qu'avec ce The Substance, il y a vraiment match.

Ah mais c'est d'une violence ! Dix minutes et j'étais déjà sonné ! L'enchaînement est aussi dévastateur qu'ininterrompu. D'une idée pas trop mal de partir d'une étoile de star qui se fissure, on se met soudain à sortir les gros sabots : du clodo qui roule dessus avec son chariot au gros bouffeur de Big Mac qui étale son burger au pied sur le nom de l'héroïne : de quoi atteindre là un niveau de grossièreté dans la symbolique qui frôlait déjà mon seuil de tolérance.

Mais ça ce n'était rien ! Oh non !


Et vas-y que je te mets de la Demi Moore en justaucorps qu'on réduit à faire de la gym à la télé alors qu'elle est censée jouer une ancienne actrice oscarisée (clin d'œil) puis qui, à la fin de l'émission, se doit de traverser un long couloir dans lequel des anciennes affiches d'elles lui rappellent ces standards de fraîcheur qu'elle ne peut plus satisfaire (clin d'œil, CLIN D'ŒIL), tout ça pour se rendre compte que les toilettes pour femmes sont hors service, contrairement à celles pour hommes (CLIIIIIIN D'ŒIIIIIL !) ; toilettes pour hommes dans lesquelles elle va surprendre son patron qui réclame au téléphone de la chair fraîche, visage collé sur l'objectif grand angle pour qu'il apparaisse bien comme un gros porc, le tout agrémenté par des bruits bien grossiers de pissotière.

Ah mais... Ah mais merci d'être explicite sur les intentions du film hein ! Je n'avais vraiment pas saisi !!!


Et ce n'est pas fini !

Derrière ça enchaîne encore et encore ! Ça n'arrête jamais en fait. Tout se dit explicitement. Grossièrement. Et on te rajoute à ça des couleurs criardes ! Et on te mitraille l'ensemble d'inserts tous plus répugnants les uns que les autres, le tout noyé dans une bouillasse de bruits surappuyés.

Ce film c'est du gras sur du gras. C'est un auteur qui t'explique en permanence son propos en te hurlant dans l'oreille et te tapant du coude comme un barbare.

C'est un assaut permanent. Une attaque en règle menée contre les capacités réflexives et sensitives du spectateur.

Non mais on est censé réagir comment ?

Sourire et dire merci ?

« Ah mais dites donc ! Il y avait longtemps qu'un chef cuisinier ne m'avait pas étalé du gras sur la gueule à grands coups de plâtrées indigestes ! Mmmmmh ! Mais on dirait bien que c'est intentionnel, alors qui suis-je pour questionner une démarche d'auteur, hein ? »


J'ai tenu une demi-heure. Pas plus.

Et de ce que j'ai compris en me renseignant autour du film en en sortant, je n'ai assisté qu'à la partie soft, parce qu'après c'est la foire à la saucisse et au giga-gore. Ce serait là le vrai clou du spectacle, paraît-il. Ah mais je n'ose même pas imaginer ce à quoi j'ai réchappé...


Donc on en est là ?

Après le mal branlé Titane de Julia Ducournau et le plaidoyer bas du front que fut l'Emilia Pérez d'Audiard, il faudrait donc vanter les mérites d'un film qui a décidé de crucifier la subtilité, l'équilibre et le bon goût parce que c'est intentionnel / c'est du cinéma de genre / c'est féministe ?

Mouaif... Et donc réclamer un peu de technicité narrative, manifestement c'est trop demander ?

Et réclamer d'un film qu'il cherche à entretenir un minimum d'immersion, c'est trop demander également ?

Bah visiblement oui... Visiblement, le simple fait qu'on ait tamponné ce film du label des justes causes du moment devrait nous suffire pour accepter la bouillie qu'on nous donne et ne pas broncher quand on a un anévrisme qui pète ou une aorte qui se bouche au bout de dix minutes.


Non mais, vraiment, à toutes celles et à tous ceux qui se retrouvent dans cette proposition-là, j'ai une question. (Plusieurs, en fait.)

C'est ça pour vous du bon cinéma de genre ? C'est ça pour vous du bon gore ? Et surtout, c'est ça pour vous du bon féminisme ?

La radicalité, pour vous, c'est l'absence totale de subtilité, de nuance et de retenue ?

C'est cerveaux débranchés et récepteurs saturés ?

Et je précise que je pose là une vraie question hein, parce que – je l'avoue – ce que j'ai pu lire et entendre jusqu'à présent au sujet de ce film, vraiment, ça m'inquiète.


Moi je vous le dis : au sein de ce putain de Royaume du Danemark, il y a vraiment un cinéma qui pourrit et des spectateurs qui, malheureusement, sombrent avec lui.

Alors pitié, soignons ou amputons. Vite. Parce qu'en ce qui me concerne, je n'ai vraiment pas envie d'être emporté dans cette lie.

Créée

le 10 nov. 2024

Modifiée

le 10 nov. 2024

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