Rolf de HEER est un cinéaste que je vois rarement commenté mais qui m'apparait pourtant très intéressant. Ma première rencontre avec son œuvre date d'il y a un certain nombre d'années avec "Dance to my song" un drame dans lequel la question de la sexualité des handicapés est abordée avec beaucoup de douceur et en même temps d'âpreté. Un film qui m'avait laissé une empreinte assez forte, mais que je n'ai jamais eu l'occasion de revoir depuis.
Ce fut ensuite et cela totalement par hasard Bad Boy Bubby (1992), un film qui fait se côtoyer le sublime et le crasseux, un film troublant, malsain, picaresque. Un film déjanté, un récit à la fois brutal et touchant doué d'une poésie rare.
Vinrent ensuite Charlie's Country (2014) à la beauté aussi sauvage et vénéneuse que l'image que je me fais de l'Australie, ce pays superbe où tout veut vous tuer. A la fois récit d'un retour à ses racines et drame sur la question, ô combien douloureuse de la place des aborigènes dans une Australie régentée par les colons blancs, le film est profondément pessimiste et sombre quant aux espoirs d'un meilleur avenir pour ces populations autochtones minées par la pauvreté et l'alcool et quand l'un d'eux dans un ultime geste de défi décide de reconquérir son passé et son histoire l'issue ne pourra qu'être désastreuse.
Une ligne de dialogue achève pour ma part de me bouleverser :
" - Je peux vous appeler Charlie ? J'ai du mal avec la prononciation des noms étrangers.
- Je suis donc devenu un étranger chez moi."
Puis le moins abouti mais pas inintéressant 10 canoes, 150 lances et 3 epouses (2006) récit d'une légende aborigène traitant de tabou et de sorcellerie.
Le dernier vu à ce jour et j'ai bien l'intention d'explorer plus avant la filmographie de ce cinéaste, est donc The Survival of Kindness (2022) et il devient à date mon préféré.
Une femme noire est prisonnière d'une remorque abandonnée en plein désert, sous un soleil de plomb. Qui la mise là ? Pourquoi ? On l'ignore, mais sa volonté farouche et sa détermination à survivre vont faire qu'elle va s'échapper de son piège fatal et se lancer dans un voyage qui sensé la ramener vers la civilisation des hommes la conduira in fine et au fur et à mesure des improbables rencontres qu'elle fera vers la conclusion désespérante et nihiliste d'une réalité où la monstruosité, la violence innée et la laideur de l'humanité lui seront si insupportables qu'elle achèvera sa quête par un geste à la force aussi tragique que fatale.
Apocalyptique, tragique, déshumanisé, poétique, troublant, radical, violent, désespéré, somptueux, fou, indispensable ce film m'a fait l'effet d'une rencontre entre l'esthétique de Terrence Malick et la verve d'un George Miller ou l'inverse comme la communion parfaite des ténèbres et de la lumière.
Si vous ne connaissez pas Rolf de HEER et que vous aimez un cinéma qui allie originalité, thématiques fortes et esthétique à la fois personnelle et signifiante sans jamais être surplombante par rapport à la mise en scène, tentez l'expérience il se pourrait que comme moi vous trouviez une nouvelle source de plaisir cinéphile.