Adapté librement de Lady Macbeth, un roman russe écrit par Nicolaï Leskov, The Young Lady donne à voir une histoire traditionnelle : celle de la femme mariée de force dans un milieu rural conservateur. Bien sûr, comme le rappelle le titre, la femme en question est jeune, et donc, selon des archétypes convenus depuis longtemps, elle ne peut pas résister au charme des autres hommes. C’est sur ce premier segment narratif, celui du cheminement vers l’adultère, que le film est, contre tout attente, le plus surprenant.
William Oldroyd a su exploiter avec brio les contraintes que lui imposait son petit budget. A l’inverse de chercher à dissimuler son manque de moyens, le réalisateur a choisi de travailler sur un style épuré, approche qui est plutôt rare dans les drames historiques. Les décors de l’œuvre sont simplifiés à l’extrême, avec peu de lieux, peu d’accessoires. Il en est de même pour les costumes : ils ont été réduits au minimum. C’est d’ailleurs agréable de constater que l’héroïne ne change pas de robe entre chaque scène. D’habitude, les créateurs de drames historiques fantasment sur des dizaines de tenues pour leurs personnages féminins, comme si à l’époque, les femmes étaient toutes passionnées par la mode. Dans The Young Lady, c’est justement parce que l’actrice ne présente pas l’intégralité de la collection vestimentaire des années 1860, que l’expérience visuelle est réussie. Après le visionnage, un seul motif reste en tête : la robe à crinoline bleu foncé de l’héroïne.
Ce qui rend surtout cette sobriété des éléments matériels particulièrement habile, c’est qu’elle rejoint l’économie générale de l’œuvre. Oldroyd et sa scénariste, Alice Birch, ont réparti l’action et les dialogues avec parcimonie, en offrant au récit beaucoup de temps morts et de lenteur. Dans cet ensemble allégé de divertissements, où même la musique se fait rare, le temps s’épaissit et un climat lourd s’installe. Cela est renforcé par les couleurs qui entourent les personnages. Elles sont à l’image de la robe de l’héroïne : sombres et froides. De part ce mélange d’éléments, une impression de vide et d’austérité se fait ressentir. C’est grâce à ce climat que l’ensemble des créateurs du film, décorateurs et costumiers compris, parviennent à montrer de façon crédible les sentiments d’ennuie et d’oppression vécus par le personnage principal. L’actrice qui interprète ce rôle, Florence Pugh, n’y est également pas pour rien. Son air d’enfant mystérieux laisse entendre qu’un volcan éveillé se dissimule sous son corps. Le point fort de la première partie de l’œuvre réside dans cette description d’une tension étrange. Dès lors qu’est montré l’acte sexuel, simplement représenté par une courte scène en plongée, les enjeux s’évaporent. La jeune femme ne s’ennuie plus. Adieu le suspens pesant qui était pourtant si réussi.
Jusqu’au bout du long métrage l’espoir de trouver un deuxième souffle, une surprise, persiste. La première partie a tellement mis l’accent sur un univers en tension qu’il est difficile d’en rester là. Hélas, l’explosion tant attendue n’a pourtant jamais lieu. Tout le travail sur le climat à suspens n’aboutit à aucune révélation, aucun événement. Certes, les personnages évoluent, passent à l’action, mais ils le font à distance. De manière physique, dans des cadrages lointains qui rappellent parfois ceux de Michael Haneke. Mais aussi de façon psychologique. A aucun moment leur nature véritable ressort. Les passions qui les animent ne surgissent jamais à l’écran. Seul le doute est cultivé à travers la froideur de l’héroïne et le caractère, trop changeant pour être crédible, du personnage de l’amant.
Plongée dans ce flou, l’histoire semble se poursuivre sans mener nulle part, comme si elle n’avait plus rien à raconter. Trois fois de suite la même situation se reproduit et elle est résolue de la même manière. Il y a uniquement une gradation dans l’immoralité des personnages, mais cela ne fait pas changer le propos du film, implicitement donné depuis le début par le climat austère et l’archétype de la jeune femme enfermée de force. A la fin, la seule explication à son comportement reste toujours l’oppression et l’ennuie. Après trois quarts d’heure d’histoire supplémentaire le message n’a pas bougé. Oldroyd clôture ensuite son film en reprenant une des premières scènes qui était au début, comme une manière de finir le travail, de donner une impression de continuité et de cohérence là où, en réalité, il n’y a que du vide.
Il serait pourtant dommage de se dire qu’Oldroyd n’avait rien de plus à raconter. Ces plans sur la nature sauvage des îles britannique allaient bien dans le sens d’un déchaînement des passions… Alors pourquoi s’en être arrêté là ?
Le principal problème est que, par ce manque de contenu dans un contenant épuré, peu d’émotions sont générées. En ressort une froideur très éloignée de la chaleur habituelle des passions. Les personnages ne suscitent ni la crainte, ni l’empathie. Ils sont juste plats, vides, comme le décor qui les entoure.