Revenu en 2007, après dix années de disette, Francis Ford Coppola clôt avec « Twixt » sa trilogie de home-movies. Conscient qu'il ne pouvait plus réaliser un film avec la vigueur et la fougue d'un jeune homme (« Le Parrain », « Apocalypse Now », « Rusty James », « Outsiders »...), conscient de ne plus pouvoir réaliser de chefs d'œuvres, l'un des maîtres du cinéma américain est devenu depuis cinq ans un petit artisan qui fait des films avec aussi peu de moyens qu'un amateur (j'exagère à peine).
Convoquant aussi bien Stephen King qu'Edgar Allan Poe, « Twixt » narre la vie d'un écrivain de fantastique sur le déclin, Hall Baltimore, qui, venu vendre son dernier livre dans une petite ville, se retrouve confronté à une étrange histoire onirique qui le poussera dans ses retranchements. Véritablement fantastique, le nouveau film de Coppola plaît par l'ambiance et la photographie du film.
Les scènes en noir et blanc sont particulièrement soignées et c'est avec un immense plaisir gothique qu'on se plonge dans les rêveries de Baltimore. Basé sur un propre songe de Coppola, le film déploie toute une imagerie onirique, fantastique et froide. Jamais je n'avais eu l'impression au cinéma d'être aussi proche de l'univers littéraire d'E. A. Poe. Toutes les nouvelles de Poe (du « Portrait Ovale » au « Corbeau ») se bousculaient dans ma tête et cette ambiance si particulière du romantique américain prit soudainement vie sur l'écran.
Multipliant les intrigues (qui a tué les enfants de l'hôtel Chickering ? qui a tué la jeune fille, un pieu dans le cœur, dans la réalité ? qui est Virginia ? quel lient a-t-elle avec les protagonistes : Poe et Baltimore ?...), Coppola livre un récit haletant qui nous emmène au plus profond de la psychologie des personnages si bien qu'au terme des 90 minutes que dure le film, on en redemande encore. Mais si le film arrive à si bien nous faire entrer dans la tête des personnages, c'est peut être aussi parce que Coppola partage avec ses personnages la même peine : la perte d'un être cher.
Dans une magnifique scène-témoignage, Coppola, par l'intermédiaire du personnage Hall Baltimore, raconte au bord d'une falaise l'accident de hors-bord de son fils Gian-Carlo en 1986. A ce moment, dans cette scène bouleversante où l'accident est montré dans le fleuve au pied de la falaise, Hall Baltimore, Edgar Allan Poe et Francis Ford Coppola font alors chacun leur deuil (respectivement sa fille, son épouse, son fils). Mentionnons au passage les performances remarquables de Val Kilmer, Ben Chaplin et d'Elle Fanning qui s'affirme à chaque film, tous plus justes les uns que les autres.
Loin d'être une série B, loin d'être seulement un film psychanalytique pour le réalisateur, « Twixt » est un beau et grand film gothico-fantastique qui prouve une nouvelle fois à ses détracteurs que Coppola est toujours là et qu'il se porte à merveille. Avec de tels cinéastes, le septième art ne pourra que s'élever toujours plus haut.