Codes visuels habituels du film d'espionnage qui se veut réaliste saveur guerre froide millésime début des années 1960 : de la grisaille bien partout et lumière blafarde à tous les étages pour bien imprégner l’œil d'une ambiance sinistre, reconstitution bien proprette avec des véhicules impeccables, sans une rayure, et des rues, sans un papier par terre. Il ne faut pas rechercher d'originalité ou de créativité de ce côté-là, cela se contente de remplir le cahier des charges du genre.
Côté histoire, là, ça va un peu plus se démarquer du lot en essayant de mettre de la chair et des larmes à un genre dans le genre qui se plait souvent à être aussi chaleureux et sentimental qu'un goulag au fin fond de la Sibérie (ce n'est pas un reproche, c'est juste une constatation ; il y a des films correspondant à cette description que j'ai bien aimés !). Cela passe par le biais de séquences familiales. Pourquoi pas ! Mais, reste que j'ai eu la désagréable sensation, par leur présence assez considérable, que cela se faisait au détriment des séquences à suspense, celles avec beaucoup de tension habituellement, qui sont trop réduites niveau temps pour que le spectateur ait vraiment le trouillomètre à zéro, et de celles mettant en contact les deux personnages principaux, souffrant elles de leur rareté (oui, cela concerne aussi la durée !), qui auraient pu donner quelque chose de très fort pour ce qui est d'être poignant.
Seul le dernier face-à-face dans la prison essaye de rattraper le coup, mais arrivant trop tard, car il n'y a pas eu de véritable approfondissement dans les relations antérieures entre eux pour créer progressivement un lien émotionnel, en dépit de comédiens irréprochables.
Le personnage de Rachel Brosnahan, tombe dans la caricature de la femme forcément empathique dans un monde de pouvoir dominé par les hommes aussi soucieux de leurs espions que de moucherons. Et elle est présentée comme une personne haut placée à la CIA. Pas de problème, OK, d'accord. Par contre,
pour un film s'inspirant d'une histoire vraie, donc devant avoir un minimum de crédibilité, vous ne croyez tout de même pas que des services secrets consentiraient à ce qu'un ou une des leurs, dans le haut de la hiérarchie, donc sachant énormément d'informations très importantes, aille en territoire ennemi avec l'énorme prise de risque que cela comprend, immunité diplomatique ou non ? Et autre chose, le fait de s'arranger pour que l'espion ordinaire soit arrêté vraiment au tout dernier moment alors qu'il est dans l'avion en partance pour la liberté, c'est tellement ridiculement cliché.
Pour la BO, c'est de l'oubliable bien oubliable, du prémâché comme on en entend trop aujourd'hui. Bordel, mais dire que 9 fois sur 10, un John Barry (ultra-génial dans tout, mais dont la spécialité était le film d'espionnage ; c'est pour cela que je le cite en particulier !) arrivait à sortir une BO mémorable
Ah oui, les méchants lors de la Crise de Cuba, ce sont les Soviétiques. Les Américains n'ont eu absolument rien à se reprocher et Khrouchtchev est un docteur Folamour en puissance qui veut tout faire péter. Non, le Monsieur n'avait aucunes bonnes raisons d'être énervé et d'humeur belliqueuse. Ben oui, ce n'est pas comme si peu de temps avant les événements, l'administration Eisenhower avait commis l'énorme bourde, lors d'une période d'apaisement entre les deux superpuissances, d'envoyer un avion-espion dans le ciel soviétique avant que celui-ci ne soit abattu. Non, ce n'est pas en grande partie grâce au leader communiste que l'on n'a pas fini en bouillie radioactive, c'est uniquement dû à Kennedy. Et non, les Américains n'ont pas dû aussi baisser leur froc en retirant eux-mêmes leurs propres missiles. Puisque l'on vous dit que les vainqueurs et les gentils sont les Américains, avec l'aide de leur caniche... euh pardon... de leur allié britannique. De plus, il va sans dire que la CIA et le MI6 n'ont jamais eu de sang sur les mains.
Voilà, encore une histoire incroyable créée par la réalité, qui avait tout pour donner quelque chose qui déchire grave tellement elle avait tout pour faire un film passionnant, gâchée par un traitement qui n'est pas la hauteur.
Seuls les talents de Benedict Cumberbatch et de Merab Ninidze parviennent à donner de l'intérêt à l'ensemble.
Ah oui, dernière chose, pourquoi seul Greville Wynne a le droit à son vrai soi à la fin et pas Oleg Penkovsky (plusieurs photos de lui existent pourtant !) ?