Si ce film n'avait pas existé, je serais encore ignorant en ce qui concerne l'existence d'une ville chinoise, située près de la frontière avec la Corée du Nord, appelée Yanji, dans laquelle on parle aussi bien le coréen que le mandarin.
C'est dans ce cadre géographique que le réalisateur singapourien Anthony Chen situe son récit, en plein hiver, avec des paysages neigeux à perte de vue. Il se fait rencontrer dans cette ambiance froide trois solitudes : un jeune homme de Shanghai, ayant réussi sur le plan financier, mais qui souffre de problèmes psychologiques, l'étouffant régulièrement par l'intermédiaire de pensées suicidaires, une jeune femme, guide touristique, qui a atterri là pour échapper au traumatisme de la ruine d'un futur prometteur en tant qu'espoir en patinage artistique, du fait d'une grave blessure au pied, et il y a ce qui semble être le sex friend de cette dernière, travaillant comme cuisinier dans un restaurant tenu par des membres de sa famille...
L'ambiance, au début, est à la morosité. De plus, la pandémie récente n'a rien arrangé sur les plans économique et relationnel. Un peu de chaleur humaine ne peut pas faire de mal, au contraire. Cela ne peut qu'apporter du bon.
Les motifs des trois protagonistes et leurs relations restent souvent assez flous. Ce qui a pour conséquence d'obliger le spectateur à interpréter du mieux qu'il le peut les choses auxquelles il assiste. Ce qui n'est pas inintéressant en soi (pourquoi un personnage n'aurait-il pas le droit à sa part de mystères ?), mais empêche pleinement l'empathie avec les trois caractères, pour être pleinement avec eux émotionnellement, d'autant plus qu'on a affaire à des êtres normaux, comme vous et moi, vivant un drame intime. Ce n'est pas, par exemple, un thriller, un film d'espionnage ou un film d'horreur, genres dans lesquels une telle présence de l'ambiguïté aurait été plus justifiée. En outre, si le jeune suicidaire et la patineuse déchue ont un temps d'apparition assez important pour que l'on se soucie d'eux, c'est moins le cas avec le cuisinier qui est un peu trop mis de côté, alors que le fait qu'il soit le seul du trio à avoir des attaches familiales à Yanji aurait pu être nettement plus creusé pour remplir ce manque.
Ce qui est un peu dommage tout ça, car les acteurs sont très bons, en particulier les charismatiques Zhou Dongyu et Liu Haoran, la particularité du cadre géographique injecte un intérêt supplémentaire et il est toujours passionnant de voir à quoi peut ressembler le quotidien de gens ordinaires dans un pays étranger.