On dit qu'une bonne image peut sauver un film, mais on oublie trop souvent de préciser qu'une B-O de qualité peut faire pareil. Prenez Un Homme en colère, par exemple. Telle une instagrammeuse pas terrible transformée en véritable bombe par la magie d'une bonne couche de maquillage ou de quelques filtres photo, la production de Ritchie baigne constamment dans une bande-son calibrée pour les films très noirs et horrifiques, à base de violoncelles dissonants et de notes traînantes. Un petit effet de réal qui ne mange pas de pain et qui nous ferait presque croire au thriller de l'année, alors que sous ses grincements se dissimule un film on ne peut plus banal.
Officiellement remake du Convoyeur de Boukhrief, Un Homme en colère n'a qu'un lointain rapport avec l'original (qui était excellent, au passage). Un bleu qui entre dans une équipe de sécurité, et qui semble trop qualifié pour le job, une histoire de vengeance... Malgré sa narration non-linéaire, Un Homme en colère ne décrochera pas l’oscar du meilleur scénar avec son synopsis rebattu et ses incohérences (pourquoi Hill menace-t-il tant Dana ? Pourquoi Bullet trahit soudainement Jan ?). On sent approcher la confrontation finale entre les antagonistes et Hill (enfin, Mace), mais enfin, niveau tension, c'est zéro. En effet, Statham incarne son éternel personnage-archétype de quasi-dieu, qui encaisse des salves de balles et vise de manière chirurgicale en un centième de seconde. Face à ça, les méchants ont beaux être des ex soldats, ils font figure de danseuses d'école primaire. Et juste au moment où on croit être surpris, où on pense que le méchant va gagner, Statham revient d'entre les morts et nous gratifie d'un happy end. Décidément...
À la limite, il faut regarder ce film comme on regarde les ennemis de Saitama se prendre leur inexorable râclée dans One-Punch Man, ou comme on imagine Dieu/les dieux décimer des armées entières dans un récit mythologique quelconque. La vengeance stathamesque sur l'humanité pécheresse ! C'est l'autre paradoxe du film : le protagoniste est un criminel. Au lieu d'en faire un vrai anti-héros, Ritchie n'en fait qu'un énième justicier froid aux méthodes expéditives, qui ne bute que de vrais salauds, finalement pas plus ambigu moralement que les Seagal et autres Norris.
Dans Un Homme en colère, nulle scène de combat impeccablement chorégraphiée, juste quelques fusillades (plutôt nerveuses et réussies, il est vrai). Nulle grande surprise, nul grand moment de cinéma. C’est rythmé, c’est bien foutu, mais ça déçoit, même dans la catégorie « film avec Statham », parce que ça assure juste le service minimum. Le bricolage sonore dont le réalisateur use et abuse pour maquiller son film paraît plus ridicule qu’autre chose. L’habillage a ses limites. Même avec un excellent fond de teint, Loana ne sera jamais Pamela Anderson.
Tant pis, cher Jason ! J’ai quand même passé un bon moment à suivre tes péripéties, mais je ne peux pas te donner plus de 5. Ne te mets pas trop en colère…