"Vous avez le vin petit et la cuite mesquine, au fond vous ne méritez pas de boire" Cette phrase signée Michel Audiard, l'incontournable dialoguiste d'alors, imprime à elle seule une trace indélébile dans la conscience collective du cinéma français populaire.
Deux monstres, le vieux, Gabin et le jeune, Belmondo, forment un duo magistral dans la grisaille tourmentée d'une Normandie profonde d'après-guerre. Le français casanier et coincé du bulbe en prend pour son grade et la gouaille alcoolisée emporte tout sur son passage avec ces deux joyeux drilles qui font exploser pétards et bouchons.
Henri Verneuil filme cette partition rocambolesque aux accents Céliniens avec une franche désinvolture aux accents mélancoliques, donnant comme véhicule à cette bouffonerie joyeuse la liberté d'action de deux doux rêveurs qui convolent vers leur dernière cavalcade sous l'emprise de l'alcool. La cuite comme noble art. Une invitation au voyage avec deux acteurs survoltés qui réveillent le bon peuple à coups de citations pochardes et de phrasés délicieux.
Rejeté par quasiment toute la critique de l'époque, ce film a retrouvé aujourd'hui sa vraie place au panthéon du cinéma hexagonal. Celle d'une œuvre qui fait appelle à la nostalgie d'antan et aux souvenirs de voyages exotiques à bord de navires imaginaires.
Film sur l'ivresse ? L'ivresse noble, de celle qui laisse entrevoir l'espérance d’hier infinis.