Quiconque a croisé et pris le temps d'écouter l'un de ces princes de la biture qui semblant indifférent au reste du monde les entourant se lancent dans des logorrhées aux premiers abords sans structures logiques, aura remarqué que bien souvent, derrière cette apparence décousue, ces discours adressés à ceux qui savent les entendre sont nimbés d'une poésie amère, emplis de douloureuses vérités et dressent un tableau peu flatteur mais instructif sur l'état du monde. Tout comme les brèves de comptoirs pour les citations, ils sont aux grands discours philosophiques et intellectuels les pendants populaires d'une sagesse universelle, là où les premiers font mouches et jouent du bon mot pour transmettre leur message, les seconds sont l'estocade portée par ces paroles délivrées de toute retenue protocolaire.
En revoyant Un singe en hiver (1962) de Henri VERNEUIL j'ai eu l'impression qu'en creux de ce récit éthylique dont on ne saisit pas bien au départ quel propos il veut mettre en exergue. Est-il un film sur les générations ? Un film sur les rapports et l'amitié virile entravée par la bienséance ou quelque femme castratrice ? Un film encore sur la rédemption ? Verneuil cherchait à travers les élucubrations avinées de ses deux personnages principaux servis par les dialogues d'Audiard dont on peut aujourd'hui questionner la misogynie mais saluer l'orfèvrerie à gueuler au spectateur de l'époque quelque chose à propos de la société d'alors, son passéisme, son virilisme sous tendu par une certaine tendance militariste, faisant d'un singe en hiver un film finalement beaucoup plus progressiste qu'il n'y parait.
Inutile de revenir sur les prestations de Gabin et Belmondo, le premier éblouissant dans l'art subtil du cabotinage et du comédien qui n'ayant plus rien à prouver en fait des caisses par plaisir égotique, le second stupéfiant d'insolence face à un monstre sacré devant lequel il parvient à s'affirmer.
J'aimerais pour conclure et avant d'être traité de wokiste pour avoir souligné les problématiques très actuelles du film, que je ne reprocherai jamais à un film de cette époque d'être le reflet d'une époque où ces questions n'étaient pas dans le corps social, que je suis assez intelligent pour faire la distinction entre les sujets qui agitent les foules aujourd'hui et le contexte du film, film que je revois à chaque fois avec le même plaisir.