Curieusement, j'avais un peu peur de me plonger dans cette « femme fantastique » (je te vois venir, toi, là-bas, avec ton humour graveleux), avant tout attiré par le nom de Sebastián Lelio derrière la caméra. Grand bien m'en a fait, puisque c'est désormais officiel : j'aime énormément ce réalisateur. Sur un sujet n'ayant a priori pas grand-chose pour m'attirer, celui-ci dresse un magnifique portrait de femme, filmée avec une élégance, une délicatesse infinie. J'y ai notamment retrouvé tout ce que j'avais tant aimé dans « Gloria Bell » (sorti deux ans après, mais vu un an avant) : travellings, plans somptueux, inventivité constante, cadrages merveilleux... C'est un véritable régal formel auquel nous sommes conviés, porté en cela par la performance magnifique et tout en sobriété de Daniela Vega.
J'avoue être un peu plus dubitatif sur l'incroyable intolérance subie par Marina, m'ayant parfois paru vraiment « too much », même s'il faut aussi prendre en compte que l'action se déroule au Chili, peu connu pour sa tolérance vis-à-vis de la transsexualité, et peut donc crédibiliser cette violence abjecte. Certains verront un manque de densité dans le scénario, j'y ai surtout vu un parcours remarquable de combativité, de courage, une œuvre sur l'amour, la solitude, la perdition, le deuil, toujours par petites touches, (presque) sans jamais en faire trop, pouvant compter sur une bande-originale aérienne, à l'image de l'intemporel
« Time » d'Alan Parsons Project.
Du très beau cinéma, et probablement la plus grande réussite de son auteur : pardon, Sebastián, d'avoir douté de toi : c'était la première et dernière fois.