J'ai trouvé qu'en d'abandonnant à la couleur, Bergman a enlevé celle des joues de ses personnages, que son époque en noir et blanc rendait mieux. Et puis j'ai trouvé qu'il s'est laissé à l'égocentrisme ; filmé sur son île de Fårö, avec ses acteurs fétiches, et son ancienne amante Liv Ullman, le réalisateur semble nous rejouer un épisode de sa vie qui était oubliable pour tout le monde.
Je n'ai pu trouver aucune interprétation possible aux textes abscons qui s'étirent en longueur, ni aucune explication aux plans dédiés à des micro-interviews des acteurs. J'ai juste eu le sentiment qu'il tentait déséspérément de donner de la substance à un film conçu avec une inspiration mollassonne en faisant réciter aux acteurs des lignes supposément personnelles mais évidemment scriptées. En fait de crédibiliser le tout, entendre de Von Sydow que la difficulté de son personnage, en tant qu'acteur, est de ne laisser transparaître aucune émotion, l'entendre dire ça ne fait qu'alimenter ma colère et mon ennui, d'autant que c'est en réalité un de ses rôles les plus expressifs et variés jusqu'à présent.
Bergman reste un vrai homme de Lumière dont j'apprécie les créations les plus molles, mais je n'ai, cette fois, pas trouvé le potentiel séducteur de ses champs et contrechamps saccadés, de ses plans caméra à la main puis fixés, ni de sa scène peinte du rouge pétant et surnaturel du soleil couchant, même si elle est très belle. L'œuvre a le mérite de se remplir d'un amour humain patatoïde et alléchant, mais l'intérêt du fond est aussi appétissante qu'une frite réchauffée, contemplée par Bergman comme une Calypso masculine qui n'a ni le soleil ni le propos de sa mythologie.
Quantième Art