Jonás Trueba est un des jeunes cinéastes d'aujourd'hui à m'intéresser le plus. La simplicité, la fraîcheur et la justesse se dégageant de son cinéma me touchent énormément. Ce qui filme, c'est la banalité dans ses détails les plus banals. C'est un monde qui nous est familier parce que l'on vit dans un qui est quasi-similaire. On connaît les mêmes joies simples de ses personnages. Écouter un petit concert dans un bar, boire un verre dans ce même bar avec des amis, échanger avec eux.
L'ensemble est divisé en deux segments. Le premier se déroule lors d'un hiver nocturne madrilène dans un café. Il y a deux couples d'amis trentenaires, l'un disant à l'autre "ouais, ce serait bien que vous veniez chez nous, c'est juste à une demi-heure de train" (traduction : "venez nous voir, on se fait un peu chier dans notre trou paumé" !) et l'autre répondant évidemment "ouais, ouais, bien sûr, on se tient au courant". Dans 90 % des cas, cela ne débouche sur rien. Le temps passe et puis voilà. Mais pas ici puisqu'ils se retrouvent six mois plus tard dans la maison à la campagne du couple d'hôtes (d'ailleurs, cette ellipse met en avant, l'air de rien, un sujet grave !).
Ce qui donne lieu au deuxième segment durant lequel le couple de visiteurs prend le train (voyage accompagné à merveille par la chanson Let’s Move To The Country de Bill Callahan, morceau mélancolique et romantique avec une agréable touche d'humour !), dont le trajet dure plus d'une demi-heure parce que ce n'est pas "juste à une demi-heure de train" en fait. Les retrouvailles se font et c'est parti pour discuter, se donner quelques petites confidences, déjeuner, jouer au ping-pong. La femme du couple des invités (incarnée par la pétillante Itsaso Arana, grande habituée du réalisateur !) lit l'extrait d'un bouquin en plein repas devant les autres, autant amusés que le spectateur par cette attitude. Oui, il y a des caractères qui veulent absolument montrer de quoi il parle, appuyer leurs propos, là, tout de suite. Et il y a cette balade dans la campagne broussailleuse environnante, dans un chemin très sympathique, vous allez voir. Oui, un chemin très sympathique où il faut grimper continuellement tout en se prenant une ronce tous les dix mètres. Celui ou celle qui n'a pas vécu à cause de ses amis ou n'a pas fait vivre à ces derniers ce genre de situation (un brin agaçante sur le coup, amusante avec le recul !) jette la première épine.
Je kiffe le cinéma de Jonás Trueba parce qu'il communique les petits bonheurs de l'existence, les petits riens qui sont tout. Et après, ben, au bout d'une heure et de quelques petites minutes, tout s'arrête parce que (sans trop spoiler !) tout n'est que du cinéma au fond (enfin, je l'ai compris ainsi !). C'est dommage vu que j'aurais bien voulu suivre les deux couples jusqu'au bout de la journée. Il y avait de la matière pour enchaîner sur une deuxième heure complète. C'est frustrant, car Trueba est un de ces cinéastes duquel j'accepterais volontiers de visionner d'un coup une œuvre de cinq heures si elle existait.
Bon, verre à moitié plein ? Verre à moitié vide ? Allez, verre à moitié plein. Je préfère largement la moitié d'un film de Trueba que des entiers chez bien d'autres.