Philippe a une blondeur angélique et un sourire immense qui tranche avec la morosité du métro parisien, avec le béton des barres d’immeubles de La Défense, avec la moquette grise des bureaux de Mac Gregor Consulting. C’est son premier jour dans le monde des actifs et ce premier job a de quoi faire rêver : lui, petit étudiant de province, se retrouve catapulté en plein cœur d’un centre économique international, au sein d’un cabinet de conseils aux entreprises. Ce contraste permanent entre le protagoniste et son environnement est essentiel ; il pose la difficulté de fondre l’idéalisme de la jeunesse dans la rationalité froide du système économique.
Très vite, Philippe est envoyé sur le terrain, dans une usine métallurgique de province qui prépare en sous-marin son rachat par un groupe suédois. Si les salariés ne savent rien des motivations réelles de l’audit, la présence de ce petit blanc-bec de la capitale les inquiète. Lui se veut pourtant rassurant : souriant et aimable, jamais avare de gentillesses à l’égard des ouvriers, il dit (et pense) œuvrer à l’amélioration des conditions de travail et de la productivité de l’entreprise. Naïveté de débutant.
Car très vite, son patron se montre plus clair quant aux objectifs : « préparer une restructuration », c’est dans le langage policé des consultants encravatés opérer une réduction du personnel, drastique. « C’est la solution la plus rentable, donc la seule », affirme avec pragmatisme Hugo Paradis (ironie du patronyme), le supérieur de Philippe. Voici donc notre jeune premier transformé bien malgré lui en « coupeur de têtes ». La métamorphose est douloureuse et s’opère contre tout ce qui structure Philippe : sa petite amie (travailleur précaire qui ne comprend pas la profession de son homme), sa morale, ses valeurs. Que faire alors ? Comme RESSOURCES HUMAINES (de Laurent Cantet, 2000) ou LA LOI DU MARCHE (Stéphane Brizé, 2015), le film écartèle son protagoniste entre son humanisme naturel et la logique du système, entre sa personnalité et sa fonction.
La logique qui broie l’individu et monte les uns contre les autres au nom d’une soi-disant rationalité économique est un classique des films sociaux qui se multiplient ces dernières années. Et disons-le sans ambages : VIOLENCE n’est pas le plus fort, le plus percutant d’entre eux. Il convainc cependant par son absence totale de sentimentalisme et de révolte ; au contraire, la sobriété de l’ensemble donne au propos l’apparence de la lucidité, donc de la vérité. Malgré l’absence de chichi dans la mise en scène, le réalisateur s’exprime clairement dans la conclusion (que nous ne dévoilerons pas ici). Entre ses convictions et son ambition, entre son couple et sa carrière dans quel sens Philippe va-t-il tranché ?