...visions d’horreur admirablement réussies ; et malgré qu’on voit dès maintenant le “mais” arriver, je précise que c’est sans aucune condescendance, c’est-à-dire que le talent de la mise en scène est reconnu en tant que tel, que je reconnais même avoir tremblé dans mon fauteuil comme il est devenu trop rare que je tremble devant un dit “film d’horreur”. La surenchère “gore” est contrebalancée par un art encore plus efficace de la suggestion et du travail d’ambiance.


MAIS : le trop grand nombre d’incohérence, tolérable pendant une grande partie du récit, devient insoutenable à la toute fin ; le réalisateur est trop pressé d’amener son final ; et d’ailleurs ce final fait cruellement retomber le soufflé, tant il attente à toutes les lois de la crédibilité. Ces incohérences sont surtout psychologiques, et finalement assez classiques (c’est bien ça qui déçoit) : le personnage fait systématiquement les mauvais choix. Alors comme dit, ça passe durant les bons trois quarts, ou même quatre cinquièmes, du film ; celui-ci a d’autres réserves, d’autres choses à nous montrer, et elles sont convaincantes, voire même impressionnantes.


Puis il y a le faux pas final ; Demian Rugna aura finalement passé à côté de la leçon de Lucio Fulci : la fresque de l’horreur est atteinte en son coeur si, d’un coup, ses éléments épars se concrétisent en une figure concrète et délimitable. Chez Fulci, on est dans l’entropie ; une expansion ; une dilatation. C’est refermer brutalement le couvercle que de pointer finalement un hic et nunc où le Mal se sera rassemblé ; c’en est fini de son expansion, de son empoisonnement de la Toile. Le trajet de When evil lurks est inverse à celui de L’Au-delà, alors même que son principe (un démon qui infecte l’air) avait pour condition d’efficacité précisément le trajet du second.


Et enfin, il y a cette fin, qui, je suis désolé de le dire en ces termes, frise l’amateurisme : en fait, il y a deux fins : celle où le démon part à la conquête du monde, et celle où les deux frères rentrent à la ferme où s’ensuit ce que l’on sait. La première fin pèche par ce qui est dit juste au-dessus ; et la deuxième repose encore sur une incohérence (ils arrivent et donc manifestement s’aperçoivent que la grand-mère a disparu : que ne partent-ils à sa recherche ? que ne filme-t-on leur réaction ? Non, là, vraiment, le réalisateur a VRAIMENT raccourci les choses, il avait son idée en tête et n’a pas pris la peine de l’intégrer même un peu comme il faut).


Et maintenant vient le deuxième MAIS : car c’est malgré tout un film qui mérite d’être défendu. Le travail y est honnête ; l’on sent une louable implication, une volonté de bien faire. Et je redis que la plupart des effets sont réussis ; n’était-ce la fin, nous sommes bien plongés dans une étouffante atmosphère empoisonnée, d’où l’horreur peut surgir à tout moment, d’ailleurs mal éclairée ou prise au détour d’un travelling, et donc d’autant plus choquante, efficace. Deiman Rugna est bel et bien une découverte, porteur de belles promesses ; le train est bien pris, on attendra la suite !

Créée

le 19 mai 2024

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