La formule mise au point par From Software dans Demon's Souls a été le fruit d'un succès d'estime miraculeux, qui semble aboutir dans sa suite à un succès commercial non moins miraculeux. Très vite, la communication autour de Dark Souls nous a confirmé que les principes fondamentaux de son aîné seraient respectés, et il n'y a pas erreur sur la marchandise. Il a aussi été annoncé qu'une aire de jeu trois fois plus importante serait à disposition, on ne nous a pas menti non plus.
Faisons le point sur la formule que je me propose d'appeler "DSouls" (une façon comme une autre de se référer aux deux jeux). Elle émerge foncièrement du pari d'une équipe de développeurs japonais à réaliser un A-RPG occidental, sa grosse différence se situant essentiellement dans son approche de la narration très faiblement mise en scène. Dans l'état, le joueur est premièrement amené à choisir un archétype de personnage parmi une dizaine disponible. Aucune compétence unique ou "arbre de talent" très à la mode ne résultera de ce choix, uniquement une feuille de personnage avec ce que cela implique de points de caractéristiques. Et c'est là une des grandes forces de la formule Dsouls, le joueur est l'artisan absolu de son personnage à travers deux "simples" facteurs : les points de caractéristiques (1 point de caractéristique // 1 niveau = coût progressif en Souls // (XP + monnaie)) et l'équipement.
Mais attention, par équipement, on ne parle pas d'une course à l'über item +30 trouvé sur un monstre rare et qui va changer toute la donne au détour d'un couloir mais bien d'un système de progression basé sur le craft (donc lent, sujet à expérimentations et qui requière l'élaboration d'une méthode afin de ne pas tomber en rade de matériel). Car au fond, vous ne trouverez que très peu d'armes naturellement puissantes, le facteur essentiel étant, en réalité, quel type d'arme décidez vous de manier et avec quelle armure ? Virtuellement votre PJ dans Dsouls sait tout faire pour peu que vous ayez le minimum requis en points de caractéristiques. Votre travail de composition va donc certainement, au cours de votre première partie, évoluer radicalement à mesure de votre exploration des possibilités offertes par le soft et c'est en ça que résulte une grande partie du plaisir de jeu. Si vous découvrez Dsouls avec ce volet, vous avez de grandes chances de "rater" votre premier personnage. Par expérience le deuxième est le bon ! Persévérez.
Au delà du personnage, la formule Dsouls se fonde sur une surexploitation du concept de Death & Retry qui peut être franchement décourageante tant que les mécanismes du jeu ne sont pas assimilés. Par mécanismes, j'entends à la fois la jouabilité rigide et le comportement de l'Environnement (Créature + Pièges). C'est un fait, Dsouls assume suffisamment sa nature de jeu vidéo (scripté de surcroît) pour que le joueur doive trouver les failles du moteur et les exploiter par endroits (trouver une safe zone depuis laquelle certains adversaires très puissants ne peuvent pas répliquer ou marcher sur des poutres moins larges que le personnage par exemple). Cela fait parti du plaisir de jeu, un plaisir d'exploration qui n'est pas exclusivement fondé sur l'immersion dans un univers Med-Fan ténébreux (très bien retranscrit) mais aussi sur celui de l'exploration des possibilités d'un moteur de jeu. Cet aspect a été renforcé dans Dark Souls par la suppression du net découpage du jeu en instances que faisait son ancêtre. Ainsi, à moins d'utiliser un moyen de transport, aucun temps de chargement ne vient interrompre la partie et le level design est suffisamment génial pour faire apparaître des hubs invisibles mais toujours logiques entre plusieurs zones, rendant les déplacements rapidement intuitifs et optimaux. Si le découpage du jeu paraît linéaire durant les 15/20 premières heures, vous devriez clairement déchanté par la suite au point d'hésiter à rentrer dans un donjon pourtant de votre stature ou à explorer un chemin alternatif "d'apparence" plus accessible (mention spéciale au hub qui s'ouvre sur la Forteresse de Sen et la forêt). En clair les zones répondent à ce que je propose d'appeler la loi du triple V, c'est vaste, c'est varié et c'est vicieux. Certaines zones vous demanderons énormément de patience comme le marécage empoisonné et d'autres un peu d'astuce comme les ruines de la Nouvelle Londo. Les changements d'environnements ne sont ainsi pas exclusivement cosmétiques et rien que ça, c'est la marque d'un jeu riche. Qu'en-est-il de la démesure des affrontements si souvent mis en avant par les devs et la communauté ?
L'ambiance et les affrontements contre les boss sont indéniablements deux gros morceaux de la formule. Ces derniers font clairement offices de Climax dans Dsouls, toutefois il est notable que dans Dark Souls certains boss one shotables fassent leur apparition au moment le plus inattendu (par one shot j'entends "lors du premire essai" et pas en "une attaque"). C'est une très bonne chose pour alimenter la pression permanente et contribue grandement à réduire l'assurance du joueur qui commence à se familiariser avec les contraintes de la zone qu'il explore, sans pour autant le punir dans l'immédiat. Maintenant, les BIG BOSS, les vrais, les borgnes. Ils sont terrifiants avant même de vous en avoir collé une, d'où une bonne surprise (rare) lorsque leur pattern est facilement assimilable et une horrible appréhension quand celui-ci est imprévisible ou radical (la roulade de trop sous le pied du Golem de Fer par exemple). On note toutefois une légère diminution des affrontements contre les lanceurs de sorts, ce qui rend les attaques One Shot un peu plus aisés à voir venir. Souvent, le soulagement de la victoire est accompagné d'un feu de camp (point de respawn, d'upgrade d'équipement et de caractéristiques) ce qui a priori, rend Dark Souls moins frustrant que son aîné qui nous obligeait à revenir dans une zone dédié systématiquement. En pratique, ça n'est pas tout à fait le cas. Le level design de Demon's Souls était conçu de manière à libérer des raccourcis dans la progression des zones précédemment explorées. Ici, les raccourcis servent à créer des hubs et les feux de camps à revenir rapidement dans le feu de l'action sans passer par un long détour fastidieux. Tout reviens plus où moins au même donc, à l'exception de l'atmosphère exceptionnelle que générait le hub unique de Demon's Souls : le Nexus.
Le Nexus est vraiment un concept. A la fois hub, safe zone (relative), passage obligatoire pour level up, réparer son équipement, modifier ses sorts, etc... il est aussi marqué par la présence de certains personnages charismatiques (Maiden in Black) et une architecture du plus bel effet. Il contribue au caractère lancinant de l'aventure et donne du relief à la situation de Spectre du PJ. Dans Dark Souls, point d'équivalent au Nexus, tout au plus trois ou quatre zones associées chacune à une faction pour laquelle il nous est possible de prêter allégeance. Malgré le grand travail de design duquel sont affublés les représentants des factions (Gwenevere's gorgeous !), on ne peut honnêtement pas dire que l'effet produit est le même. C'est bien dommage, mais cela ne doit pas faire oublier les pépites de design que représentent des zones comme Anor Londo ou le berceau du chaos. Ce changement s'accompagne aussi d'une modification du statut de notre personnage qui n'est plus un spectre silencieux mais une goule toute laide. Conséquence directe : pas de perte de vitalité que l'on ait forme humaine ou non, nous sommes de toute façon un tas de chair qui aura la spécificité d'être plus ou moins joli. D'un point de vue multijoueur les choses changent quant à elles pas mal, car pour envahir le monde d'un autre PJ et lui enfoncer sa hallebarde dans le dos, il faut soi même avoir une apparence humaine (afin d'être le digne représentant charismatique de sa faction, je présume). Aussi, envahir le monde d'un autre joueur n'est plus l'unique moyen de faire du PvP (Player vs Player), il est même délicat à exécuter puisqu'il faut appartenir à une caste secrète pour agir ainsi à sa guise. Le commun des joueurs laissera donc une marque de PvP sur le sol et attendra patiemment qu'un digne challenger qui passait par là daigne accepter le défi ! Le système de recrutement est quant à lui inchangé pour jouer en coopération, si ce n'est que l'on peut faire appel à des PNJs cachés par endroit en plus des joueurs qui laissent une marque d'invocation. La jaquette annonce une partie à 4 simultanément, pour ma part je ne me suis adonné qu'à de rares combats à 3 contre un boss.
Un leader charismatique accompagné de ses fidèles goules donc !
En ressort quelque chose d'assez unique, que mon premier run a entièrement satisfait mais pas pour autant intégralement parcouru. Le New Game + est une étape obligatoire de l'expérience Dsouls, et je trépigne d'impatience à l'idée d'orienter mon personnage vers quelque chose d'un peu moins convivial, d'un peu plus... agressif. Ainsi, mon seul véritable regret se situe au niveau du faible Background (la cinématique d'intro est particulièrement éloquente à ce sujet, en plus d'en faire le tour) commettant l'impair de faire abstraction de la poésie qui émanait pourtant si justement de la conclusion de Demon's Souls.