Red Candle Games est un studio basé à Taïwan dont les précédentes productions (Détention et Dévotion) étaient plutôt tournées vers l’horreur. Le studio avait fait coulé pas mal d’encre pour avoir suscité la grogne des joueurs chinois après que des messages à l’encontre de Xi JinPing eut été découvert dans leurs jeux. En effet, étant souvent comparé à Winnie L’Ourson, le président chinois a fait interdire la mascotte au sein du pays et c’est justement cette même comparaison qui a mis le feu aux poudres. Dans Dévotion, une affiche visible au sein du jeu portait la mention «Xi Jinping Winnie l’Ourson Idiot». S’en est suivi un reviewbombing des joueurs chinois sur Steam puis un retrait pur et simple du jeu de la plateforme dans la foulée. Les développeurs ont réagis via un communiqué d’excuses expliquant un « oubli » et que cette mention n’avait pour but que de remplir un « vide » qui avait vocation à être effacé initialement. Connaissant les tensions entre Taïwan et la Chine, chacun en déduira ce qu’il veut…. Toujours est-il, Dévotion est un jeu qui n’aura jamais eu droit à sa sortie sur les plateformes habituelles (Steam, GOG, Epic Games..). Pour contourner le problème les développeurs proposent directement sur leur site l’acquisition de leurs jeux.
Adieu donc l’horreur et bonjour le Metroidvania coloré. Un sacré virage opéré par le studio qui s’est senti assez confiant pour proposer sa vision d’un genre sur-représenté et dont Hollow Knight s’est pour beaucoup octroyé le trône. Sa particularité, au delà de sa D.A à tomber, c’est que le système de combat du jeu sera basé sur la parade, les réflexes et autres timing serrés.
L’introduction nous montre notre héros, Yi, aux prises avec une épéiste qui semble clairement avoir eu le dessus sur lui. Suspendu à une corniche notre héros bien mutilé va alors tomber en contrebas et se faire envelopper par d’étranges ronces noires. Bien des années plus tard, Yi semble avoir repris une vie normale au sein d’une communauté d’hommes singes. Rapidement notre héros révélera son véritable objectif : Retrouver les neuf Sols, les dirigeants de la Nouvelle Kunlun et les éliminer…
C’est donc ainsi que nous entamons notre descente au sein de ce complexe souterrain nommé la Nouvelle Kunlun afin de mener à bien la quête vengeresse de Yi. Aidé par une intelligence artificielle qui nous contacte par codex (faisant par la même occasion un bien sympathique clin d’œil à Metal Gear Solid, tout comme une certaine séance de torture…) vous déambulerez en apprenant les rudiments du combat au sabre.
Il existe deux types de dégâts dans Nine Sols : Les dégâts classiques et les dégâts internes.
-Les dégâts classiques entament la barre de vie de la façon la plus normale qui soit.
-Les dégâts internes, eux, l’obscurcissent.
Pour transformer des dégâts internes en dégâts classiques il faut que vous apposiez un talisman sur l’ennemi. Il s’agit d’une attaque en dash vous faisant passer au travers de l’ennemi. En maintenant la touche vous faites exploser le talisman qui convertit tous les dégâts internes en dégâts classiques. Attention cependant, les dégâts internes se régénèrent si vous tardez à apposer votre talisman. Ce système de dégât vous concerne également avec exactement les mêmes règles. Si vous prenez un coup vous perdez évidemment de la vie. Si vous le bloquez vous subissez des dégâts internes. Si vous le parez parfaitement vous ne prenez aucun dégât. C’est ici que l’inspiration de Sekiro est palpable puisque c’est en appuyant sur la gâchette pile au moment de l’impact que nous parons parfaitement et gagnons des points de Chi nécessaires pour poser un talisman.
Tout le système se base donc sur l’apprentissage de patterns, de la réactivité et des réflexes. C’est ce qui place Nine Sols d’emblée comme un jeu difficile puisque l’on ne peut pas compenser par du levelling ou autre moyen détourné. Seul l’apprentissage permet de sortir victorieux. Sachez que le jeu a néanmoins un mode « Histoire » même si cela revient à le priver de toute sa substance et de son intérêt premier.
Nine Sols c’est donc exactement l’idée que vous vous en étiez surement faites. C’est ce mix entre Hollow Knight et Sekiro le tout avec une D.A qui tape à l’œil. Par contre la où moi je ne l’attendais pas c’est sur son aspect verbeux, sa générosité et sa difficulté bien relevée.
Verbeux, Nine Sols l’est indéniablement. Les dialogues sont nombreux, les éléments de lore à lire également (45 pour être précis), il y a des flashbacks, des dialogues optionnels au HUB etc… Un aspect du titre qui ne sera probablement pas au gout de tous. Moi par exemple je suis le type de joueur qui viens pour le gameplay mais qui fait peu cas de la narration car elle ne m’accroche que rarement. A ma grande surprise j’ai complètement été absorbé par ce que me racontait le jeu. L’univers des plus intrigants (Taopunk pour reprendre l’appellation des devs) avait ce je ne sais quoi d’exotique qui chatouillait ma curiosité et mon envie d’en voir plus. Qui plus est j’ai été agréablement surpris par la profondeur de certains dialogues, s’écartant des banalités d’usages pour questionner l’opposition entre science et foi, la croyance en dieu et d’autres thèmes certes pas nouveau, mais abordés avec un brin de maturité qui fait vraiment plaisir. Comme si cela ne suffisait pas, Nine Sols est également soutenu par une bande son qui fait mouche réussissant à habiller auditivement un complexe souterrain futuriste tout comme des thémes plus traditionnels dans les moments de calmes. Artistiquement c’est donc une pleine et totale réussite.
Généreux, le jeu l’est à bien des égards. En me lançant dans Nine Sols je ne savais absolument pas à quelle durée de vie m’attendre. Étions-nous sur un petit Metroidvania à la Touhou Luna Night ou sur quelque chose de plus copieux à la Hollow Knight ? Et bien sachez que j’ai mis 26 heures pour absolument tout faire ce qui est plutôt long pour un jeu du genre. Les zones sont assez nombreuses et l’envie de fouiller pour dégoter tout collectible susceptible de nous simplifier la tache est bien présente. Pas de murs invisibles, les zones sont assez claires et en ouvrant la carte on aperçoit rapidement les parties manquantes. On progresse donc assez aisément évitant par la même occasion le syndrome du « je tourne en rond à la recherche de la prochaine zone accessible grâce à mon nouveau pouvoir ». Dommage cependant de ne pas pouvoir mettre soit même des marques sur la carte afin de mémoriser plus facilement les zones à visiter plus tard. Pour le reste on est sur du classique à base de double sauts et dash à récupérer au fil de l’aventure permettant de se mouvoir de façon toujours plus aisée.
Enfin en termes de difficulté le jeu s’est avéré surprenant. Il est grand temps de parler d’un autre des points fort du jeu, ses combats de boss. Les 9 Sols sont absolument tous réussis sans exceptions. Certains plus que d’autres mais il n’y a rien à jeter. Chaque boss est un test vous demandant d’exploiter les mécaniques acquises jusque la, leurs attaques sont lisibles et leurs mises en scène (musique + arène) toujours classe. Je pense qu’il est impossible de les terrasser du premier coup tant chacun a son timing serré qu’il faudra apprendre à force de mordre la poussière. Pourtant, si les échecs s’enchainent, la frustration n’attaque jamais la persévérance du joueur qui se relèvera sans cesse pour relever le défi. Cela n’est possible que grâce à des combats qui procurent de superbes sensations et dont chaque tentative donne l’impression de mieux saisir le flow de ces féroces adversaires. Au fur et à mesure que notre sanglant périple avance, les possibilités s’élargissent, les types d’esquives se multiplient demandant une mémoire musculaire toujours plus vivace. Les combats de boss deviennent des chorégraphies précises comme si l’on jouait à un jeu de rythme en mode Extra Hard. Quand l’écran devient noir ne laissant que les silhouettes blanches apparaitre en signe du coup fatal porté à l’ennemi, on se laisse tomber en arrière pour toucher le dossier de notre assise et pousser un soupir vainqueur. Le combat de boss final, en 3 phases si vous avez rempli les pré-requis, est la quintessence de mon plaidoyer. Comme si Isshin Ashina avait été transposé en 2D. Je me demande si à ce jour j’ai connu boss de fin plus retors que celui-ci. On pourrait parler du boss de fin de l’extension d’Elden Ring avant son patch sauf que celui de Nine Sols est juste. Il demande des dizaines d’essais avant de jouer la parfaite partition, instrument tranchant à la main. C’est peut être la que mon courage fut entamé pour la première fois. Face à cette ultime épreuve. « C’est peut être un défi trop élevé pour moi » me suis-je dit après 50, 60 et même plus de tentatives infructueuses. Puis j’ai dormi dessus, mon cerveau a consolidé les acquis et j’ai fini par y arriver non sans mal.
Nine Sols qui fait une percée fulgurante dans mes jeux de l’année pour s’accaparer la 2éme place ce n’était pas vraiment prévu. Je n’aurai jamais pensé que le titre de Red Candle Games renfermait un tel joyau. S’inspirer de Sekiro c’est une chose. Devenir LE Sekiro 2D en termes de précision de gameplay c’est une autre paire de manche. Le voyage aura été un enchantement, réussissant à créer le dépaysement, la surprise et l’admiration. Bien sur le jeu a quelques "défauts" tels que l’aspect narratif omniprésent, un bestiaire qui aurait pu être un poil plus riche, une séquence « d’infiltration » un peu punitive, une map manquant de cohérence globale (les zones sont des blocs collés les uns aux autres), une difficulté vraiment relevée… Mais en comparaison de toutes ses qualités ça ne pèse pas bien lourd. Nine Sols m’a offert parmi les meilleurs combats de boss que j’ai vu en plus de 25 ans de jeu vidéo et ça, c’est quelque chose.
Un bonheur pour les yeux et les oreilles, demandant un doigté précis, nous donnant le gout de l’effort pour enfin sentir les joies de la victoire. Un sens pour chaque doigt d’une main qui se referme afin de porter un uppercut nommé Nine Sols.