Gros, gros sujet qu’est ce Last of Us Part II.
Tour à tour encensé par une presse spécialisée qui a pris la sale habitude de coller des 9/10 à tous les AAA qui sortent, et totalement démoli par des joueurs plus motivé par les spoilers divulgués sur le net que par leur réelle expérience du jeu, il est difficile de se faire un avis objectif sur ce titre. C’est avec certaines craintes que j’ai donc débuté ce jeu, que j’attendais avec une réelle impatience comme la plupart des personnes ayant adoré la première partie, et c’est avec mes propres biais et attentes que je ferais cette critique qui, je l’espère, rendra autant que possible justice à la licence.
Bref, The Last of Us, c’est quoi ? C’est avant tout un jeu ultra populaire de la PS3, qui a enchanté toute une génération de joueurs. On y suit la rencontre puis les aventures de Joël, père endeuillé devenu indifférent aux souffrances du monde depuis le décès de sa fille, et d’Élie, orpheline détenant malgré elle la clé qui pourrait sauver une Humanité ravagée par une apocalypse zombie survenue 20 ans plus tôt. C’est aussi – à mon sens- une des plus belles fins de l’histoire du jeu vidéo, de celles qui vous frappe directement au cœur. Autant dire que faire une suite à ce genre de monument est une entreprise risquée, surtout quand le jeu de base se suffisait largement à lui même…
Cette partie II se passe 4 ans après les éventements relatés plus haut. Alors que nous incarnions Joël dans cette première partie, un survivant plus proche du loup solitaire que du camarade de randonné, plus intéressé par sa propre survie que par l’opportunité d’aider les plus faibles que lui, nous incarnons désormais Élie, qui réside dans une communauté permanente et stable depuis la fin du premier jeu. Dès le départ donc, les enjeux et les dynamiques entre les divers personnages seront radicalement différents, puisque nous ne jouons plus un loup solitaire mais bien une jeune femme totalement intégrée dans un groupe humain dont les préoccupations en se limitent plus à savoir quelle sera leur ration de nourriture du lendemain, ou même comment se défendre contre des hordes de zombies désormais relativement bien maîtrisées grâce à des rondes permanentes. Et bien qu’un événement tragique viendra mettre fin définitivement à cet équilibre, le fantôme de cette « vie normale » n’aura de cesse de nous poursuivre dans le jeu et d’influer sur les rapports entre les divers personnages. Petite nouveauté également : nous incarnerons, dans la seconde partie, un autres personnage prénommé Abby, antagoniste du jeu du point de vue d’Élie mais qui nous permettra également de voir l’histoire de ce jeu sous un autre angle. Un choix intéressant, mais risqué, qui n’est pas sans poser certains problèmes sur lesquels je reviendrai plus tard.
En vrac, voici les points positifs que je tire de mon expérience du jeu :
- Des graphismes magnifiques
Le jeu est beau. Très beau. Presque perturbant parfois, tant les visages humains sont parfaitement modélisés et expressifs. J'avoue avoir été mise sur le cul dès l'introduction, où Joël résume à son frère Tommy la fin du premier volet de la licence : on peut tout lire sur leurs visages. La souffrance, la surprise, la tristesse, la peur. C'est terriblement convaincant et fin, et j'avoue que ça m'a largement aidée à me sentir investie dans les différents dialogues du jeu. Les environnements ne sont pas en reste non plus, et offrent des moments d'une rare poésie, avec une lumière jolie ment pensée
- Des personnages crédibles
Que l'on aime ou que l'on aime pas l'histoire qui nous est racontée, force est de constater que la plupart des personnes sont plutôt bien faits, et offrent des personnalités crédibles et diversifiées qui contribuent pas mal au charme du jeu. Les rapports et tension de groupe sont très bien retranscrites (surtout dans les parties consacrées à Abby), ce qui offre une vision assez différente de ce que proposait le premier jeu qui s'intéressait avant tout à un binôme. Je sais qu’à l’époque où le scénario du jeu a fuité, beaucoup de personnes s’indignaient de la dimension « idéologique » de ces rapports (présences de personnages LGBT, dénonciation de l’extrémisme mais uniquement catholique, etc …). J’avoue ne pas avoir ressenti de pression particulière dans le jeu : tout au plus ai-je été un peu embêtée par la partie se déroulant dans la synagogue de Seattle, qui non content d’être tout sauf subtile concernant le parallèle Shoah / apocalypse, a l’air d’être totalement hors propos (elle aide certes à apprendre une partie du background de Dina, mais ça tombe vraiment de façon improbable et peu naturelle vu les circonstances).
- Des parties en intérieur très prenantes
J’ai beaucoup apprécié la plupart des moments d’exploration qui se déroulaient à l’intérieur des bâtiments : on ressent beaucoup plus de « pression » que dans le premier jeu, grâce à des ennemis beaucoup mieux répartis dans les différents environnements, mais aussi des changements de rythmes beaucoup plus présentes afin d’instiller davantage de peur dans le jeu (zombies qui surgissent de zones cachées, humains qui vous attaquent à des bancs à outils, structures qui cassent, fuites à effectuer pour échapper à des hordes qu’on ne peut abattre, blessures surprises etc.). Si les nouveaux ennemis infectés que sont les Puants n’apportent pas énorme niveau gameplay, les Stalkers sont pour le coup une addition réellement intéressante et stressante puisqu’il est bien plus difficile de les repérer que leurs camarades.
- Les options d’accessibilité
Last but not least, levons notre chapeau aux incroyables et nombreuses options accessibilité pensées pour améliorer l’expérience de jeu des joueurs handicapés. Problèmes moteurs, de vue, d’ouïe, la plupart des problèmes ont été anticipés pour que le plus grand nombre puisse aborder le jeu en toute tranquillité, et je trouve ça super. J’espère que cela deviendra par ailleurs une norme…
Malheureusement, malgré ces points forts, j’avoue avoir également beaucoup de points faibles à relever
- La pauvreté des environnements
Là où The Last of Us part I faisait le choix de « niveaux » réduits et courts, mais se déroulant dans des environnements variés avec de fortes identités visuelles, ce second jeu fait cette fois ci le choix de dérouler l’essentiel de l’action au sein de la seule ville de Seattle. Si on note effectivement de légères variation par quartier, les zones sont trop grandes, trop vides et trop monolithiques pour que cela soit vraiment marquant ou intéressant. Étant donné la rigidité du level design, qui laisse finalement peu de liberté dans la progression, je n’ai pas compris la pertinence de ces zones immenses qui rallongent clairement la durée de vie du jeu pour pas grand-chose.
Clairement, malgré quelques petites améliorations par rapport au premier jeu (possibilité de ramper, de sauter, nouveaux outils etc.), le gameplay n’a quasiment pas changé en 7 ans et cela se ressent terriblement. Votre personnage est terriblement « lourd » à manœuvrer, ce qui est particulièrement rageant face à des ennemis qui se déplacent quant à eux avec la grâce et l’habilité d’une ballerine russe.
On touche clairement ici à du ressenti personnel, je l’admets. J’ai trouvé l’histoire de cette seconde partie terriblement clichée, et surtout mal maîtrisée. Là où le premier jeu traitait de façon très fine et juste des relations parents/enfants, et offrait une fin à la hauteur de son sujet, nous sommes ici face à un récit de vengeance sans saveur, et surtout contradictoire. Contradictoire, parce que la forme du jeu, qui nous donne à observer deux faces d’une même pièce via les deux personnages que sont Élie et Abby, n’est pas adaptée à ce qu’on veut nous faire ressentir . Un des messages du jeu, en effet, est de nous rappeler que chaque acte a ses conséquences, et que chaque vie prise dans le jeu est la vie d’une personne concrète. Mais comment pourrais-je me sentir concernée par ce message si je n’ai absolument aucun choix à faire sur ce point ? Le jeu m’impose de tuer ces personnes, je ne peux pas faire le choix d’une autre issue. Non seulement cela contribue à rendre artificiellement le personnage d’Élie antipathique pour nous faire apprécier celui d’Abby (malgré sa propre cruauté et le fait qu’on n’ait pas pu s’attacher à elle via un précédent jeu), mais en plus cela donne l’impression que le discours qu’on nous offre est plus moralisateur et artificiel que réellement sincère.
- Les flashbacks qui donnent l'impression de rater le vrai jeu
C’est sans doute ce point qui a été le plus frustrant pour moi : n’ayant pas réussi à accrocher à l’histoire principale qu’on voulait me raconter, j’ai été particulièrement énervée de voir que les flashbacks offraient quant à eux ce que j’aurais aimé retrouver dans ce jeu. J’aurais aimé expérimenter l’évolution des rapports entre Joël et Elie, j’aurais aimé jouer réellement le moment où Joël aurait été obligé de s’expliquer face à elle, j’aurais aimé jouer Elie dans ces moments de questionnement quant au but réel de son existence et de sa survie, et j’aurais aimé la voir trouver enfin de réponses à ces questionnements cruels. Les conséquences de la fin du premier opus n’ont servi qu’à produire une histoire finalement superficielles, alors qu’elles auraient pu nourrir une relation d’amour/haine filial(e) qui aurait mille fois plus pertinente et plus intéressante à suivre.
Que conclure, donc, de tout cela ?
The Last of Us II est il un jeu qui mérite ses 10/10 dans les magazines ? Assurément pas, ne serait-ce que parce que son gameplay est bardé de défaut que tout bon professionnel de la presse spécialisé aurait dû sanctionner. Et surtout parce qu' à aucun moment il n'effleure la majesté narrative de son illustre prédécesseur. Pour avoir cette note exceptionnelle, un jeu doit être lui même exceptionnel, ce qui est loin d'être le cas
Est il un mauvais jeu ? Non : il offre de bons moments immersifs, des passages assez funs à jouer, et le soin particulier qui a été apporté à ses personnages lui donnent un certain charme qu'on ne peut pas lui enlever.
Je ne peux néanmoins pas lui donner une bonne note parce qu'il ne m'inspire pas grand chose de plus qu'un jeu de zombie lambda, et surtout parce qu'il me fait regretter tout ce que j'avais pu aimer dans l'odyssée initiale de Joël et Elie. Pire encore, il me donne l'impression d'avoir été dépossédée d'une partie de cette histoire que je chérissais, ce qui est une impression terrible pour un joueur.
Surtout, ayant été induite comme beaucoup par erreur par les bandes annonces du jeu, qui donnaient une part bien plus importante au personnage de Joël, je m'étais déjà imaginée un autre type d'histoire qui n'a pas du tout été celui que l'on m'a donné. Je ne peux donc pas m'empêcher de me sentir trahie par Naughty Dog, et je ne puis que pénaliser ce procédé que je juge malhonnête.
J'encourage les joueurs indécis à essayer ce jeu pour faire leur propre avis. N'en attendez néanmoins pas non plus la lune, car la chute sera dure