Cinéphilie obsessionnelle — 2017
Longs métrages uniquement. Revus : 15. Cinéma : 64.
↑↑ Margarete Schön (Kriemhild) dans Les Nibelungen, de Fritz Lang (1924) ↑↑
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Mois après mois, pour le meilleur et pour le pire des découvertes :
Liste de 539 films
créee il y a presque 8 ans · modifiée il y a plus de 3 ans
Le Testament du docteur Mabuse (1933)
Das Testament des Dr. Mabuse
2 h 02 min. Sortie : 21 avril 1933 (France). Policier, Fantastique
Film de Fritz Lang
Morrinson a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
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En parcourant à rebours la série des films ayant pour thème le docteur Mabuse, au-delà de l'aspect parfaitement illogique de l'entreprise, on a l'impression de s'enfoncer peu à peu dans un territoire dangereux, à la noirceur grandissante à mesure que l'on remonte le temps. Et même si l'ambiance de "Le Diabolique Docteur Mabuse" (1960) n'était pas particulièrement guillerette, force est de constater que "Le Testament du docteur Mabuse" (1933) nous plonge dans un univers infiniment plus glauque, plus mystérieux, plus périlleux. Ah, les années 30 chez Fritz Lang, quel délice...
Contexte éminemment important, bien sûr : c'est le dernier film allemand de Lang avant son émigration aux État-Unis, à l'instar de ses camarades germanophones Murnau, Lubitsch et von Sternberg. Dernière collaboration avec Thea von Harbou pour l'écriture du scénario, avant que le couple ne se brise et que sa femme n'adhère de manière plus franche aux idéaux nazis (elle était déjà membre du parti depuis un certain temps). Deux ans après "M le maudit", l'allusion au régime nazi est beaucoup moins évasive et le film sera censuré par Goebbels. Derrière l'intrigue policière et le climat de folie oppressant qui se suffiraient à eux-mêmes en termes purement cinématographiques, le poids de la parabole politique et la dimension totalitaire de l'organisation dirigée (manipulée devrait-on dire) par le diabolique docteur Mabuse n'avaient vraisemblablement pas plu au pouvoir d'alors en pleine ascension.
D'un point de vue technique, on retrouve la rigueur exemplaire qui caractérise tous les films antérieurs de Lang. Des effets spéciaux discrets s'ajoutent ici, pour matérialiser à l'écran la présence maléfique et fantomatique du gourou, et constituent à ce titre une sorte de prolongation envoûtante et fantastique de l'expressionnisme allemand. Le climat de terreur qui règne est sans cesse alimenté par l'implacabilité des cadrages, des compositions, et des bruitages (première séquence glaçante à ce niveau-là). L'intrigue, même si elle multiplie les arcs narratifs secondaires, reste globalement limpide : c'est l'efficacité de la simplicité utilisée à bon escient.
[suite en critique]
The Internet's Own Boy : The Story of Aaron Swartz (2014)
1 h 45 min. Sortie : 2014 (États-Unis). Biopic, Policier
Documentaire de Brian Knappenberger
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
"The Internet's Own Boy" se situe à la croisée de deux types de documentaires : les très bons sujets, d'une part, et les mauvais traitements, d'autre part. Mais disons le d'emblée, le premier aspect l'emporte clairement sur le second : c'est le genre de documentaire qui a beau avoir recours à pas mal de procédés insupportables propres au genre (musique larmoyante, témoignages en pleurs, etc.), mais qui parvient tout de même à émouvoir tant son sujet, dans tous les sens du terme (thème et personnage principal), vise juste.
Premier constat amer : si seulement il existait plus d'Aaron Swartz sur Terre...
Brian Knappenberger ne s'est vraisemblablement pas lancé dans ce projet pour expliquer ni même vulgariser les détails techniques des travaux incroyables d'Aaron Swartz. On n'apprendra rien sur le fond de "The Info", un site précurseur de Wikipédia, ni sur le RSS ou encore les outils derrière la gestion des droits d'auteur sur le net via Creative Commons (licence sous laquelle est d'ailleurs diffusée le présent documentaire, financé sur Kickstarter et incitant au libre partage). Mais ce dont on prend conscience très rapidement, c'est qu'on a affaire à un gamin passionné d'informatique qui a lancé un ersatz de Wikipédia à 12 ans (et 3 ans avant sa création), qui a participé au développement d'outils majeurs du web durant son adolescence et qui devient millionnaire par défaut, à 20 ans, en revendant ses parts de Reddit suite à des divergences de points de vue.
Cela pourrait être le début d'une success story bateau comme on peut en voir des milliers, particulièrement dans le cinéma américain. Sauf qu'Aaron n'était pas le genre de personne à réinvestir sa fortune dans des hedge funds ou à mener une vie de rentier. Il est plutôt du genre pragmatique. Quand il constate un problème, quand il voit qu'un système est complètement vicié, il ne se contente pas de formuler poliment son mécontentement : il chie dans la colle. En réponse à l'organisation des revues scientifiques qu'il compare à du racket (Harvard poussera une gueulante à ce sujet en 2012, c'est dire : https://www.theguardian.com/science/2012/apr/24/harvard-university-journal-publishers-prices), il écrit un petit bout de code lui permettant de récupérer via le réseau du MIT 4,8 millions d'articles scientifiques disponibles dans JSTOR. On imagine assez aisément, étant donnée la personnalité de l'énergumène, qu'il ne s'agissait pas d'en tirer un profit personnel mais plutôt de distribuer
[suite en critique]
The Finest Hours (2016)
1 h 57 min. Sortie : 24 février 2016 (France). Drame, Thriller
Film de Craig Gillespie
Morrinson a mis 1/10.
Annotation :
Sacré traquenard, ce "The Finest Hours", tant je m'attendais à un mauvais film... mais un bon mauvais film catastrophe, un bollockbuster bien archétypal, et non pas un tel coulis de bons sentiments aseptisés aromatisé au sauvetage en pleine mer, aux effets spéciaux dispensables, et à l'héroïsme bien comme il faut. Le film se crashe sur tous les plans, à commencer par son cadre historique ancré dans les années 50 : non seulement il légitime (aux yeux des "auteurs") une perspective parfaitement naïve au niveau de la relation amoureuse au centre du film, mais il y a en plus une lecture totalement anachronique et contradictoire du personnage féminin : d'un côté une forme de caractère bien trempé et d'indépendance (tout à son honneur, mais assez peu crédible en 1952), et de l'autre des aspects franchement peu reluisants ayant trait à une vision un peu machiste du tempérament féminin (au hasard : elle prend la voiture en oubliant son manteau alors qu'il fait -15°C et se plante 500m plus loin dans une ligne droite enneigée).
Mis à part tout cela, on a droit au grand amour, à la grosse tempête, et à la tripotée de héros du côté des sauveurs comme des marins. Mais on ne peut même pas savourer ce parfum de fierté tant les CGIs nous balancent leur indigence à la figure. Il faut voir la gueule du bateau coupé en deux, ou celui du petit canot qui affronte des vagues de 50m de haut... Tout ce qu'il faut pour célébrer le courage et la camaraderie, peu importe le degré de naïveté pour le faire. Gillespie et son équipe de scénaristes n'ont strictement rien inventé ici, tout a déjà été vu des milliers de fois dans le registre du drame rétro. M'enfin, la faute revient aussi à tout ceux qui, comme moi, se sont lancés dans cette aventure sans prêter attention au "Disney présente" de l'affiche (hideuse) et le sous-titre "d'après une incroyable histoire vraie" (ils avaient vraiment besoin d'ajouter "incroyable"). D'où les traditionnelles "vraies" photos lors du générique de fin, pour terminer sur la dernière tare du cahier des charges du parfait mauvais film inspiré de faits réels.
Queimada (1969)
2 h 12 min. Sortie : 27 janvier 1971 (France). Drame, Action, Guerre
Film de Gillo Pontecorvo
Morrinson a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
"If a man gives you freedom, it is not freedom. Freedom is something you take for yourself."
La lucidité et la pertinence du regard de Pontecorvo sur les rapports de domination coloniale et néo-coloniale sont incroyables. Si la violence physique et explicite jalonne le film à travers diverses révoltes et répressions, la description des relations qui est faite à travers cette histoire atemporelle d'un colonialisme idéologique (ancré dans le passé) basculant dans le néo-colonialisme économique (tristement d'actualité) est d'une violence morale sidérante. En se basant sur l'histoire fictive d'une île tout autant fictive des Antilles en quête d'émancipation, l'atemporalité de "Queimada" renforce son propos et sa dimension universelle.
Gillo Pontecorvo propose à travers cette histoire fictive (mais pas totalement détachée de l'Histoire des empires coloniaux) une illustration radicale des logiques et des dynamiques de domination. "Queimada" n'est à ce titre qu'une succession de rapports de force et de confrontations que le personnage interprété par Marlon Brando, un agent (hautement économique) anglais missionné par son pays, cherchera à orienter en la faveur de son employeur. Dans un premier temps, il contribuera à fomenter une révolte de la population noire contre l'occupant portugais afin de rompre le monopole commercial sur la canne à sucre dont il bénéficiait. Il laisse sciemment les apprentis révolutionnaires croire qu'ils mènent leur propre révolution, alors qu'il s'agit d'une manœuvre dont la conscience du basculement en cours rappelle celle des aristocrates dépeints par Visconti dans "Le Guépard" (même si les manipulations à l'œuvre diffèrent sensiblement). Dix ans plus tard, les intérêts économiques de l'empire colonial britannique sont à nouveau menacés par le désir d'émancipation grandissant de Queimada : une émancipation "utile" hier pour briser l'ennemi mais dangereuse aujourd'hui.
[suite en critique]
À ciel ouvert (2006)
48 min. Sortie : 2006 (France).
Documentaire de Juliette Fournot
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
"À ciel ouvert" est un très bon complément vidéo à l'expérience "Le Photographe", un reportage photo parsemé de bandes dessinées (ou l'inverse) dans lequel les dessins et les couleurs d'Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier venaient combler les vides entre les photos argentiques et autres extraits de pellicules en noir et blanc de Didier Lefèvre. Il en était à sa première mission. Alors que la BD offrait principalement le point de vue du photographe, le documentaire propose celui de Juliette Fournot, responsable des programmes afghans de Médecins Sans Frontières et à la tête de la mission qui était l'objet du reportage. Trois mois de 1986 entre le Pakistan et l'Afghanistan au cours de l'occupation soviétique, au milieu des caravanes, pour organiser un hôpital de fortune et soigner les blessés de tous horizons.
De par son format, de par son point de vue complémentaire, il est nécessaire d'avoir lu les trois tomes du "Photographe" avant de se lancer dans ce conflit et ces opérations "À ciel ouvert".
L'objectif de Juliette (aka "Jamila") : médiatiser un conflit et rendre compte d'une réalité qui parvenait péniblement aux frontières occidentales. Quarante minutes qui documentent cette guerre, de manière frontale avec les blessés de guerre aux corps charcutés mais aussi de manière plus indirecte, par des chemins de traverse tels que les trajets en haute montagne avec leurs cols enneigés à 6000m d'altitude ou encore la difficulté à organiser des missions humanitaires dans de telles enclaves.
C'est aussi un voyage temporel qui permet de remonter aux racines d'une certaine géopolitique actuelle : les bombes de l'URSS qui ravageaient les populations en ces lieux et cette époque trouvent bien sûr un écho tragique, 30 ans plus tard, avec celles qui ravagent le Moyen-Orient aujourd'hui. Le documentaire se termine d'ailleurs sur des images d'enfants en plein apprentissage et Juliette qui se demande ce qu'ils deviendront, d'ici 20 ans. Une guerre, froide, se terminait ; une autre, religieuse, naissait. Et au milieu de ce magnifique bordel militaire, politique et idéologique, au cœur de ces zones périlleuses, l'équipe soudée autour de Juliette, assistée par les populations locales, anesthésie et opère sans relâche. Ce témoignage est à ce titre, en proposant un troisième regard (après ceux qu'offraient la bande dessinée et le reportage photo) sur une même histoire, tout simplement bouleversant.
Idiocracy (2006)
1 h 24 min. Sortie : 25 avril 2007 (France). Aventure, Comédie, Science-fiction
Film de Mike Judge
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Le postulat de base est génial. Forcément. Férocement. Mais Mike Judge ne sera jamais parvenu à l'exploiter correctement, ou du moins pas dans le cadre de l'humour qui m'interpelle, qu'il soit débile ou raffiné. 1h30 et seulement deux ou trois gags m'ont arraché un petit sourire : avec un tel sujet, autant dire que c'est la douche froide.
D'une part, "Idiocracy" se contente de résumer la bêtise à la manifestation la plus crasse de la culture beauf. Comme si la bêtise avilissante n'existait pas ailleurs, aux États-Unis : il y quelque chose de réconfortant, j'imagine, pour l'Américain lambda de se dire qu'il n'appartient pas à cette catégorie (et qu'en conséquence, il n'est pas bête). La bêtise est bien plus universelle que ça, et j'aurais bien aimé voir Judge aborder d'autres thèmes que le même humour pipi-caca, sans relâche, inexorablement. Je n'avais pas en tête de regarder un nanar, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus fin dans la débilité... Tout cela en gardant à l'esprit que dans une culture différente de la nôtre, au hasard dans la culture US, le potentiel subversif est sans doute décuplé par le miroir qui est tendu, d'une certaine manière. Et je ne parle bien sûr pas des crevasses scénaristiques, ce serait un faux procès que de reprocher au film de ne pas être cohérent tant sur ce point, il me semble que les auteurs ne s'en sont jamais soucié (comment avoir accès à un tel niveau de technologie dans ces conditions ?). C'est plutôt la facilité avec laquelle le film dresse un rapport hiérarchique entre intelligence et bêtise, avec de telles définitions. Et puis, à un autre niveau, le film cautionne quelque part cette même bêtise qu'il prétend dénoncer, tant il a recourt à ce type d'humour débile de manière exclusive. C'est moche.
John Berger or The Art of Looking (2016)
54 min. Sortie : 9 novembre 2016.
Documentaire TV de Cordelia Dvorák
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Un portrait de l'écrivain / poète / peintre / scénariste / critique d'art tout en douceur et en retenue, avec tous les avantages et les inconvénients qu'une telle approche suppose : c'est agréablement léger, mais il n'est pas question d'aller explorer le fond de telle ou telle théorie que John Berger a pu développer au cours de sa longue carrière. C'est pourquoi il est conseillé de connaître un minimum le bonhomme avant de se lancer dans ce court documentaire allemand, pour bien cerner toutes les allusions et tous les liens qui sont tissés par l'homme et par son entourage. Des amis, des voisins, son fils, des collaborateurs passés ou encore le dessinateur turc Selçuk.
Le trait est parfois forcé pour coller à l'image que l'on peut avoir de Berger, mais il est agréable de voir que le vieil homme de presque 90 ans est toujours traversé par les mêmes interrogations qui ont trait à la subjectivité du regard sur quelque œuvre d'art que ce soit. La réalisatrice a d'ailleurs eu le sens du timing en sortant ce documentaire en novembre 2016, un mois avant son quatre-vingt-dixième anniversaire et surtout deux mois avant sa mort. Vu d'aujourd'hui, lendemain de sa mort, les images bucoliques de cet Anglais exilé dans un petit patelin montagnard en Haute-Savoie depuis le début des années 60 prennent une autre coloration. Comme les dernières touches d'un portrait volontairement évasif, le portrait d'un homme pour qui l'approche sceptique était l'essence même d'une relation au monde (et à l'art, principalement, cf. l'émission pour la BBC et le livre du début des années 70 "Ways of Seeing") saine et lucide. Une émission qui se terminait sur ces mots : “What I’ve shown, and what I’ve said... must be judged against your own experience.”
Un portrait de John Berger : https://www.theguardian.com/books/2016/oct/30/john-berger-at-90-interview-storyteller
Un résumé de l'émission Ways of Seeing : https://arthistory.knoji.com/ways-of-seeing-john-bergers-marxist-arts-documentary/. Lecture marxiste et féministe de la critique de l'art un peu datée (1972), mais pas inintéressante. Quelques parallèles un peu osés comme celui entre la peinture à l'huile d'hier et la photographie couleur d'aujourd'hui (épisode 4), mais d'autres aspects sont toujours bons à être rappelés : les grilles de lectures qui évoluent et qui ne correspondent plus au temps de la création de l'œuvre (épisode 1),
[suite en critique]
Chasing Ice (2012)
1 h 15 min. Sortie : 23 janvier 2012 (États-Unis). Aventure
Documentaire de Jeff Orlowski
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
Exemple typique de documentaire contre-productif sur des sujets capitaux et d'une brûlante (hohoho) actualité. Quand j'observe l'effet qu'une telle chose a sur moi, j'essaie d'imaginer celui qu'elle peut avoir sur une personne du type climato-sceptique hostile aux causes défendues... J'imagine le ridicule de l'entreprise. Capacité à faire évoluer les mentalités : 0. Capacité à informer : 0.
Le film échoue pour moi de manière assez lamentable dans les deux directions qu'il s'est proposé d'explorer : documenter un phénomène et persuader par l'émotion.
En termes de documentation, autant dire que c'est le néant absolu. On balance les affirmations sans justification, sans commentaire approfondi et sans contre-argument. La pire chose qui soit du point de vue du discours rationnel. Le nombre d'implications infondées est indécent et c'est particulièrement rageant : du type "les glaciers reculent donc le réchauffement de la planète est prouvé". Aucune indication sur la durée du montage photo, sur la position de l'appareil ou le matériel utilisé (toujours le même objectif, toujours la même focale ?), etc. Je suis parfaitement disposé à entendre ce discours, j'y souscris d'ailleurs à titre personnel, mais je hais les raccourcis intellectuels, y compris ceux qui vont dans le sens des idées que je partage. Encore plus, même. Continuons à avancer des points de vue sans argumentation solide, et le camp adverse avancera ses pions avec encore plus d'assurance.
Du point de vue de l'émotion, alors là, c'est le pompon. Le portrait qui est fait du photographe James Balog est à mourir de rire : il passe successivement par les statuts d'aventurier, de technicien photographe en plein échec (pleurant à chaudes larmes devant la caméra quand un appareil n'a pas fonctionné), puis au gars en plein dépassement de soi (genou foutu à l'appui) et enfin au victorieux photographe. C'est d'un pathétique... Pourtant les efforts sont là, c'est indéniable, mais alors ils sont présentés de la plus pitoyable des manières je crois. Le voir sur ces glaciers en béquilles, honnêtement, c'est à se tordre de rire.
En plus, il se présente comme un climato-sceptique à l'origine, qui a changé d'avis : mais bordel, dis-nous pourquoi tu as changé d'avis, explique ! Et ce ne sont pas quelques photos qui vont suffire ! Et puis sa vision des choses, qui accorde plus d'importance à un glacier qui s'explose qu'à des modèles statistiques (allant dans le même sens), est franchement douteuse. Valeur : 0.
Grand-rue (1956)
Calle Mayor
1 h 39 min. Sortie : 26 octobre 1956. Drame
Film de Juan Antonio Bardem
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Le jeune et l'ennui.
En tant que comédie dramatique, "Calle Mayor" déçoit un peu. Le petit jeu auquel s'adonne une bande de jeunes, faire croire à une solterona ("vieille fille", en l'occurrence une femme de 35 ans pas encore mariée) que le plus beau et le plus jeune d'entre eux est amoureux d'elle, dure un peu trop longtemps. Il dure un peu trop longtemps dans le film, de manière parfaitement volontaire (c'est même l'un des principaux ressorts narratifs), et s'assortit d'un sentiment de culpabilité naissant chez le menteur et principal concerné par la farce en question. Mais il dure aussi trop longtemps à l'extérieur du récit, pour nous, spectateur, car les manigances de la troupe masculine ont tendance à s'éterniser et n'apportent rien de nouveau à partir d'un certain moment. Le protagoniste en proie à divers sentiments successifs, relatifs à la culpabilité grandissante qui le ronge, peine à convaincre pleinement dans le glissement entre les deux groupes, les amis et la femme seule. Une femme (Betsy Blair, censée interpréter une femme moche : c'est un peu raté) qui, ayant enfin trouvé le grand amour, passera un long moment à bien nous montrer son épanouissement. On s'ennuie un peu.
Heureusement, en toile de fond, il y a bien sûr l'Espagne franquiste capturée dans une fable néo-réaliste, avec ses processions religieuses et tous ses sons de cloches, et cette place centrale, la calle mayor, qui pourrait représenter le point névralgique de n'importe qu'elle ville moyenne de l'époque. L'introduction nous répète cela avec une certaine insistance, vraisemblablement imposée par la dictature : Juan Antonio Bardem était un communiste, et étant donnée la compatibilité relativement médiocre de ses idées avec le franquisme d'alors, il passera quelques jours en prison en plein tournage.
Au-delà de la peinture de son époque, "Calle Mayor" conserve un certain intérêt dans le portrait d'une jeunesse désœuvrée plutôt atemporel qui reste encore aujourd'hui valable. L'origine de la dégradation des relations sociales, nous dit Bardem à travers un des personnages, est intimement liée à l'ennui des jeunes. Ils s'emmerdent donc ils foutent le bordel sur la place publique. Sous Franco, la chape de plomb était facilement identifiable, entre les aliénations multiples liées au pouvoir politique et religieux. Tout le monde le savait, mais beaucoup, hypocritement, s'en foutaient.
La Fille inconnue (2016)
1 h 46 min. Sortie : 12 octobre 2016 (France). Drame, Policier
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
[ Cinéma ]
Comme toujours chez les Dardenne, il y a au centre du film un enjeu moral clairement établi, et d'un intérêt certain. Mais comme très souvent chez les Dardenne aussi, la mise en œuvre de tout le tissu narratif qui entoure ces enjeux laisse à désirer. Soit le cas de cette médecin qui refuse d'ouvrir son cabinet par perfectionnisme (une heure après la fin des horaires normaux, elle a peur d'être trop fatiguée pour s'en occuper correctement), et qui se lance par la suite dans une enquête policière par le même perfectionnisme, pour retrouver l'identité de la personne en question, morte quelques instants après avoir sonné à son cabinet dans des conditions inconnues.
L'enquête policière menée par un médecin, si elle est au centre du récit, n'en est pas vraiment l'objet principal. Enfin, du moins j'espère, car elle est plutôt bancale. Elle est médecin, après tout, pas enquêtrice... Non, elle sert plutôt de support à une autre quête, qui rappelle vaguement celle de Marion Cotillard dans "Deux jours, une nuit" : retrouver l'identité de la personne qui est morte à cause d'elle, pense-t-elle. Les Dardenne mettent l'accent sur un aspect intéressant de la société moderne : l'anonymat qui y règne, et ses ravages. Leur cinéma a beau ne pas vraiment se renouveler, il conserve une certaine pertinence dans le choix de ses sujets. On peut être rebuté par une telle autarcie cinématographique, je le suis un peu, mais la tension morale et les enjeux attenants dépassent souvent la simplicité d'apparence.
Ce qui me dérange plus fortement, c'est cette histoire peuplée de figures rhétoriques et non de personnages vivants, qui agissent plus comme le scénario le leur commande que comme des êtres humains. Ce fumet programmatique ne me met jamais en joie, notamment lors d'une séquence quasi-christique d'aveux avec Jérémie Renier : l'idée est très bonne sur le papier, mais en pratique, c'est mal géré. La révélation finale éclate aussi un peu en vase clos. Le "tu dois être plus fort que tes émotions si tu veux bien soigner" résonne de manière un peu trop belle pour faire réel. La quête de restitution d'une identité reste intéressante, tout comme cette figure de femme combattante au-delà de ses paradoxes et de sa responsabilité indirecte, au milieu d'un flot d'obstacles narratifs anti-immersifs et de rebondissements ratés.
Dead Slow Ahead (2015)
1 h 14 min. Sortie : 5 octobre 2016 (France).
Documentaire de Mauro Herce
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
[ Cinéma ]
Décomposition navale.
Triste concours de circonstance, regarder ce "Dead Slow Ahead" quelques jours / semaines seulement après avoir vu l'immense "Homo Sapiens" n'est pas vraiment à son avantage... Que ce soit d'un point de vue thématique ou esthétique, le "documentaire" de Nikolaus Geyrhalter dépasse en tous points celui de Mauro Herce. Mais englué dans ce parallèle, il ne faudrait pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du beau.
Le projet est clair, simple, et le rendu est en parfait accord : c'est un voyage à bord du "My Fair Lady", un immense cargo transportant diverses matières premières, filmé au creux d'un portrait hypnotique fait de tôle, de câbles, et parfois d'êtres humains. La volonté de réduire l'homme à une présence spectrale, occasionnelle, contingente, est évidente : cet aspect "maillon d'une chaîne qui les dépasse incroyablement" est très bien exécuté sauf peut-être lors d'une séquence de karaoké un peu trop froide, trop mécanique, trop travaillée. La dernière séquence (téléphonique), en hors champ, est par contre d'une redoutable efficacité pour souligner la fragilité des communications et leur isolement. Mais le portrait est avant tout tourné vers le géant d'acier, avec sa carcasse bleutée en extérieur, filmée dans la noirceur de la nuit, en contraste avec les teintes fortement colorées de l'intérieur. Et, surtout, toute la machinerie au cœur de la bête, faite de tuyaux, d'engrenages, et de pièces obscures en mouvement. Petit à petit, le regard du réalisateur / chef opérateur décompose le bateau en une série hypnotique d'éléments variés et confère à la structure une dimension proche de l'irréel. Un peu comme les courts-métrages époustouflants de maîtrise de Yuri Ancarani : "Da Vinci", "Il Capo", ou encore "Piattaforma Luna".
La posture extrême de la démarche m'aura un peu laissé sur ma faim : les partis pris esthétiques sont trop affichés, trop évidents vis-à-vis du contenu relativement maigre, ou alors, au contraire, il manque une certaine ambition pour pousser le concept dans ses derniers retranchements. Il manque un petit quelque chose pour capter et restituer avec vigueur l'immobilité mouvante du bateau, son immensité, son inertie, son caractère inerte. Il aurait fallu que la dimension graphique de l'expérience rejoigne l'immersion totale du point de vue sonore : une bande originale presque exclusivement composée de bruits métalliques et électroniques, de sirènes, de cliquetis, de grincements, de craquements. Génial.
Le Kid (1921)
The Kid
52 min. Sortie : 10 juillet 2019 (France). Comédie dramatique, Muet
Film de Charlie Chaplin
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Plus je regarde de Chaplin, plus je réalise que je préfère Keaton. Et inversement. Plus sérieusement, il m'est très difficile de juger (et donc noter) ce film comme une œuvre de 1921, époque à laquelle on n'a aucun mal à imaginer l'innovation et la qualité dont il faisait preuve. Mais vu d'aujourd'hui, ce "Kid" me fait beaucoup moins rire que d'autres longs métrages de Chaplin comme "Les Temps modernes", et encore moins qu'un Keaton moyen. Chaplin se place bien entendu du côté des faibles et des humiliés, mais la répétitivité des gags allié au tire-larme annoncé dès l'encart initial ont du mal à passer. On rit bien à deux ou trois gags par-ci par-là, rien n'y fait, dans l'ensemble, on (je) s'ennuie. La tendresse de l'amour paternel ne m'atteint pas, obstruée qu'elle est par le mur formée séquence plus ou moins poussives ou ratées. Il y a aussi une forme d'universalité qui est trop parfaite (jugement encore plus personnel que le reste de cette annotation) pour fonctionner de manière individuelle sur moi. On peut aussi voir ce film comme un des précurseurs en matière de drame sentimental, même si David Wark Griffith œuvrait déjà depuis quelques années avant 1921. Je n'ai aucun mal à comprendre l'intérêt historique d'un tel film, mais par contre, je reste beaucoup plus circonspect quand à la place que ce film occupe dans les cinéphilies contemporaines (au hasard, le top 111). Je reste convaincu qu'il s'agit d'une forme d'hermétisme de ma part,, au moins en partie, mais tout de même, il y a des questions à se poser. Et des Buster Keaton à regarder.
Le Début (1970)
Nachalo
1 h 31 min. Sortie : 12 octobre 1970 (Union Soviétique). Comédie, Drame, Romance
Film de Gleb Panfilov
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
La relation mouvementée entre la protagoniste, une actrice de théâtre qui se sera repérée par un réalisateur lors d'une représentation, et l'homme marié qu'elle rencontre lors d'un bal est filmée d'une manière étonnante pour un cinéaste soviétique. Sans vraiment connaître Gleb Panfilov, on serait tenté de l'affilier à une sorte de nouvelle vague revue par l'URSS. Inna Tchourikova incarne une ouvrière, une fille du peuple comme elle se définit elle-même, mais ces aspects-là sont vite rattrapés par sa personnalité, sa timidité, sa passion pour le théâtre et l'émergence d'une vocation artistique. Lors d'une séquence de danse, elle nous adresse un regard caméra aussi fugace que chargé de sens : c'est le début d'une émancipation.
Et pour cause : la fibre artistique qui l'habite la fera passer du rôle ingrat de la sorcière Baba Yaga au théâtre à celui de Jeanne d'Arc au cinéma. C'est la naissance d'une actrice et d'une individualité. "Le Début" entretient tout au long du film un parallèle entre quelques épisodes de la vie du personnage historique (Jeanne d'Arc est considérée comme une héroïne du peuple en URSS) et celle de la jeune travailleuse. Un parallèle entre le film et le film dans le film qui laisse une frontière trouble : "Le Début" commence et finit sur des images du film sur Jeanne d'Arc, une confession et un bûcher. Les épisodes de la vie des deux personnages s'entrecoupent mutuellement, et illustrent de manière conjointe une femme qui s'affirme et qui souffre. À l'humiliation de Jeanne d'Arc par l'Église répond l'humiliation de Inna Churikova au bal, mais toutes deux se relèveront.
Dans l'URSS des années 60/70, une telle figure d'émancipation et de telles répliques ("votre pouvoir ne s'accaparera jamais de mon âme" ou encore "j'avouerai plus tard que mes aveux ont été obtenus sous la torture", citations du film dans le film, donc) contiennent un potentiel critique voire subversif que l'on peut difficilement négliger.
Pride of Place (1976)
59 min. Sortie : 1976 (Royaume-Uni).
film de Kim Longinotto et Dorothea Gazidis
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Un document intéressant comme un bout de témoignage des écoles très strictes pour filles dans l'Angleterre des années 70, comme un avant goût de l'austérité à la Thatcher... Le film a été tourné depuis l'intérieur, de manière intimiste, au plus près des règles omniprésentes, des sermons, et des humiliations publiques. La figure de la directrice est bien sûr très caractéristique, elle existe forcément partout, dans toutes les mémoires d'anciens écoliers. Elle incarne la crainte de l'autorité, la peur de la punition, la sécheresse affective. "Pride of Place" vaut surtout le détour pour cette fenêtre ouverte sur la passé, sur des institutions caractéristiques de cette époque et aujourd'hui révolues (en grande partie, en tous cas).
L'éducation extrêmement rigide est filmée de l'intérieur, en donnant la parole avant tout aux jeunes filles pensionnaires d'hier et d'aujourd'hui. Celles qui ont rejoint les rangs des surveillantes ont bien sûr adopté le discours de l'école, sur la nécessité suprême des bonnes manières pour une fille, tandis que les plus jeunes, encore dans les rangs de l'institution, sont encore animées d'un esprit de rébellion et de remise en question sans cesse réprimé. Kim Longinotto a enregistré ces images lors de son séjour dans l'école de Buckinghamshire, et les as montées et diffusées après s'en être enfui à l'âge de 17 ans.
Les délices de la revanche : l'école fut contrainte à la fermeture un an après la sortie de ce documentaire.
La Mort de Louis XIV (2016)
1 h 45 min. Sortie : 2 novembre 2016. Drame, Biopic, Historique
Film de Albert Serra
Morrinson a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
[ Cinéma ]
Avec un tel titre, on peut difficilement s'attendre à quoi que ce soit d'autre. Là où la caméra d'Albert Serra peut surprendre, c'est dans son accompagnement du mouvement de la mort : lentement, progressivement, au plus près du corps du roi, des draps de soie qui l'enveloppe jusqu'au tréfonds de ses entrailles. Il s'agit bien sûr d'un exercice de style écrasant le spectateur sous le poids du dispositif : passée l'introduction dans un jardin de roses, Louis XIV se retrouvera enfermé dans sa chambre et nous avec. Un huis clos de fin de vie, mais pas n'importe laquelle.
Je laisse le soin aux spécialistes de disserter sur la véracité de tel ou tel événement, ce n'est pas ce sur quoi mon jugement se base. Il y a le travail de Jean-Pierre Léaud, avec son corps et ses râles, impressionnant : il donne à voir une maladie qui se répand peu à peu, la gangrène et la rigidité infestant conjointement les chairs. Les membres bougent de moins en moins, la bouche et les yeux ne s'ouvrent presque plus, et les biscotins s'avalent de plus en plus difficilement, quand bien même il seraient trempés dans un subtil vin d'Alicante (servi dans un verre de cristal, bien sûr). Évidemment, difficile de ne pas y voir une sorte de mise en abyme : derrière la mort du Roi-Soleil, c'est celle du roi de la Nouvelle Vague qui guette. Exercice troublant que cette lente agonie, au bord du malaise.
Il y a en outre un travail sur les couleurs excellent, conférant à certains plans des allures de tableau baroque en clair-obscur à la Caravaggio. Il faut avouer qu'en 1h45 dans une chambre close, on a largement le temps d'observer le décor... Mais la mise en valeur des mets qu'on apporte au roi mourant est superbe, éclairés à la bougie, tout comme l'argenterie royale ou ces étoffes d'une couleur pourpre sombre et éclatante à la fois. La mort incarnée. Le tableau vaut aussi le détour pour le défilé de valets, médecins cardinaux et autres charlatans, bien sûr, avec leurs applaudissements aussi hypocrites que désespérés, mais cette partie (obligée ?) de l'exercice est moins surprenante. Ils feront mieux la prochaine fois.
Les Baliseurs du désert (1984)
El-haimoune
1 h 35 min. Sortie : 1984 (Tunisie). Drame, Fantastique
Film de Nacer Khemir
Morrinson a mis 6/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Le dépaysement que procure "El Haimoune" vaut le détour pour tous ceux qui cherchent à explorer les régions situées au-delà d'une certaine frontière communément admise, délaissées par le cinéma classique (un grand mot qui veut tout et donc rien dire). Dépaysement géographique, d'une part, puisque Nacer Khémir nous invite au voyage dans les contrées reculées du désert tunisien, au cœur d'un mystérieux village fantomatique, aujourd'hui, mais qui autrefois abritait une magnifique oasis. Dépaysement cinématographique, d'autre part, puisque le récit prend la forme d'une succession de deux ou trois contes arabes, sans véritable frontière, à la narration inhabituelle pour nous autres occidentaux.
Un instituteur qui arrive dans un village dénué d'école, des enfants obnubilés par des miroirs et des jardins imaginaires, un vieillard qui cherche un trésor dans le désert depuis 50 ans, le bateau de Sinbad qui apparaît par magie aux abords du village et des des disparitions tout autant magiques... De deux choses l'une : ou bien on accepte les contours flous et vaporeux de ces histoires et on se laisse porter par la magie des contes, ou bien on cherche à saisir cet imaginaire par la logique, au risque de rester sur le bord du chemin sans avoir tout compris (un peu comme le personnage du sergent). Difficile voire impossible (pour moi) de démêler le vrai du faux ou la réalité de l'imaginaire dans ces fables entremêlées et peuplées de djinns.
Mais si on se laisse porter par la tonalité mystique, par les couleurs ocres du sable et des murs, par le mystère d'une présence féminine ou par les costumes bigarrés des habitants, "El Haimoune" distille sa poésie arabe avec un certain talent. Les enfants qui disparaissent pour constituer une troupe énigmatique d'apparitions errant dans le désert autour du village est une malédiction envoûtante, issue de mythes (qu'on imagine) du moyen-orientaux. Si l'on excepte certains dialogues un peu raides et la partie relative au sergent-inspecteur dépêché sur place, à l'humour pas toujours efficace, l'atmosphère qui règne dans le village est captivante — à condition de savoir s'abandonner aux mystères et au folklore locaux, comme un plongeon dans une mer de confusions incertaines mais agréables.
Les Robins des pauvres (2011)
1 h 30 min. Sortie : 25 octobre 2011 (France). Drame
Téléfilm de Frédéric Tellier
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
Le sujet (des pauvres agriculteurs auvergnats qui se rebellent contre la pression des banques et redistribuent les gains issus de braquages) avait certainement beaucoup plus à offrir que ce que Frédéric Tellier en a exploité. Le label "téléfilm français" peut expliquer certaines choses, mais on ne peut pas non plus excuser tout, notamment une telle médiocrité, seulement sous ce prétexte. Il y a de quoi passer des rires aux larmes : on sourit tout d'abord en observant l'indigence de la réalisation (la mise en scène, plutôt, puisqu'au niveau purement esthétique, on constate qu'ils ont eu les moyens de se payer une bonne caméra), les dialogues ampoulés, les interprétations bien vides, etc. L'écriture des personnages est sur de nombreux point parfaitement risible, et la toute dernière séquence du film, avec un flic qui laisse partir ces Robins des pauvres, est à ce titre incroyablement comique. Il y a vraiment des revirements de situation, des accès de colère, des scènes d'action, des comportements, des psychologies et des petites musiques tristes en fond qui sont à hurler de rire. Un peu comme la redistribution sous forme de cadeaux ou d'enveloppes contenant de l'argent aux gens pauvres du coin : l'idée est sympathique, mais c'est tellement mal fait que ça fait mal au cœur. Mais bon, si l'on songe à la gravité du sujet et à ce qu'une bonne équipe aurait pu faire, on peut aussi avoir envie d'en pleurer.
Miss Sharon Jones! (2016)
1 h 33 min. Sortie : 29 juillet 2016 (États-Unis). Musique
Documentaire de Barbara Kopple
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Un documentaire sur l'histoire de Sharon Jones, ou plus précisément sur une chanteuse qui lutte contre un cancer du pancréas : tout est dit, et tous les écueils qu'on peut imaginer à propos d'une telle perspective sont là. C'est plutôt dérangeant, cette caméra au plus près d'une personne à l'hôpital, chimio après chimio, en phase de réveil, etc. Je suis très mal à l'aise dans ce genre de situation et je ne vois pas du tout ce qu'un tel regard voyeur apporte au schmilblick... Et de la part de la réalisatrice de l'excellent "Harlan County USA", on était en droit d'attendre un peu mieux à ce niveau.
Reste que la personnalité de Sharon Jones se suffit à elle-même pour rayonner. Ancienne gardienne de prison qui a toujours voulu chanter, elle a trouvé de nombreux obstacles sur le chemin de la renommée dans la musique, à commencer par un producteur qui lui dit de but en blanc qu'elle était "too black, too fat, too short"... Elle sorti son premier album à 40 ans, après beaucoup d'efforts et de persévérance. Plus qu'un documentaire sur cette histoire-là ou sur la personnalité ni même la musique de Sharon Jones, il s'agit surtout d'un bref rappel de ces faits et d'un regard sur cette personne qui se relève face à la maladie et se remet sur scène, faisant preuve d'un immense courage. Pas sûr que cet aspect soit le plus intéressant dans la carrière et la vie de Sharon Jones, et c'est bien dommage. Par contre, le documentaire revêt une dimension tragique, parfaitement involontaire, puisque la chanteuse a depuis succombé à la maladie.
The Taste of Tea (2004)
Cha no aji
2 h 23 min. Sortie : 20 avril 2005 (France). Comédie dramatique
Film de Katsuhito Ishii
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
C'est un vrai parcours du combattant pour moi que de parcourir les 2h20 d'une chronique familiale à la narration aussi excentrique. Pendant un moment, j'ai eu peur d'avoir affaire à une sorte de "Little Miss Sunshine" japonais, mais il se trouve que Katsuhito Ishii a tout de même plus de talent que ses collègues américains. Alors forcément, au bout d'un certain moment, on finit par se relever de sous le rouleau-compresseur narratif et de sortir la tête de l'eau psychédélique dans laquelle on s'est noyé, et on finit par accepter les codes du film : mais pfiou, quel exercice, et à quel prix.
Je conçois assez facilement l'effet que ce film peut avoir chez des gens sensibles à ce style, comme un mélange de sidération et d'euphorie. Mais ce n'est vraiment pas ma tasse thé, trop de choses dans tous les sens, c'est une effusion de styles et un mélange des genres qui ne me parlent que très peu. J'aurais pourtant bien aimé me laisser aller aux rêveries que "The Taste of tea" appelle de tous ses vœux, presque un pistolet sur la tempe. Mais trop d'hallucinations et trop d'insolite finit par conférer à l'expérience un goût indigeste. Si on regarde la charpente du film, la chronique familiale n'apporte pas fondamentalement grand chose à tout ce que le cinéma (japonais, en l'occurrence, à l'instar d'Ozu pour n'en citer qu'un) a déjà construit.
Les élans de folie qui contrastent avec les moments de tendresse, c'est pareil : je comprends bien l'idée mais ça ne m'émeut presque pas. Je préfère cent fois le regard d'un Edward Yang sur l'étrangeté de l'enfance et les aléas amoureux. La succession de sketches loufoques finit par exaspérer, alors que les 3 heures de "Yi Yi" ne m'ont jamais ennuyé une seule seconde, preuve que ce n'est pas une question de narration classique vs narration originale. Le pire étant que je sens bien la cohérence de l'entreprise de Ishii, mais que derrière tous ces traits de personnalité fantaisistes, derrière tous ces gags et tous ces moments tendres plus ou moins forcés, rien ne me fait vibrer. C'est probablement lié à une forme de sensibilité, de magie de ces moments de l'existence qui peuvent me passionner voire m'émouvoir dans certaines conditions, mais pas dans celles-ci.
Arrebato (1979)
1 h 45 min. Sortie : 2 mars 1979 (Espagne). Drame, Épouvante-Horreur
Film de Ivan Zulueta
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
“It’s not that I like cinema… it’s cinema that likes me.“
Le côté série B relativement assumé désamorce dans une certaine mesure un des échecs de "Arrebato" (emballement, emportement, ou extase en français) : ne pas être parvenu à donner corps à son sujet. Chose qui pourrait être extrêmement fâcheuse dans une autre situation, un genre de hors sujet cinématographique en quelque sorte, mais qui peut ici s'excuser, en partie, selon l'humeur. Le niveau de bizarrerie hallucinogène et d'excentricité underground est aussi déroutant qu'intrigant, un peu comme le film de vampires intellos de Ferrara, "The Addiction" (sans le côté dépendance au mal).
C'est presque une version espagnole et prématurée de "Videodrome", dans son questionnement autour de l'impact d'un médium sur une population, en l'abordant sous l'angle du rapport d'un artiste à son art. En l'occurrence, un cinéaste à son moyen de production (une caméra). On pourrait même prolonger le parallèle avec Cronenberg en constatant que "Arrebato" analyse le processus créatif un peu comme dans "Le Festin nu", avec autant de métaphores artistiques mais sans les Mugwumps et autres machines à écrire animales. Iván Zulueta s'intéresse cependant à d'autres thématiques, et notamment la relation vampirique que la caméra entretient avec son propriétaire (un des personnages avouera d'ailleurs “it’s not that I like cinema… it’s cinema that likes me“) : elle ira même jusqu'à l'absorber complètement et l'extraire du monde réel pour l'imprimer sur la pellicule de son propre film.
Le thème du vampire (à travers le cinéma) est omniprésent et sans cesse corrélé à celui de la drogue, comme deux formes de plaisir intense ayant tendance à nous sortir du monde, pour le meilleur comme pour le pire. Il aurait été vraiment intéressant de limiter la dose de mystère (d'un point de vue très prosaïquement narratif, avec moins d'ellipses, moins de flashbacks, moins de flou savamment entretenu) et plus travailler cette relation d'aliénation mutuelle, de consommation des êtres, d'absorption de l'âme par l'art. L'ambiance reste toutefois agréablement angoissante, à la limite du malaise, et je trouve l'idée au cœur du film passionnante à titre personnel. Les films nous possèdent, dans un certain sens.
Le Collier perdu de la colombe (1991)
Tawk al hamama al mafkoud
1 h 26 min. Sortie : 30 mars 1994 (France). Drame, Fantastique, Romance
Film de Nacer Khemir
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Beaucoup moins enthousiasmé par ce second volet de la trilogie du désert signé Nacer Khémir, qui s'apparente beaucoup plus au conte enfantin que "Les Baliseurs du désert". Peut-être est-ce aussi dû au fait que l'effet de surprise s'est depuis dissipé : le cadre de cette histoire, au cœur d'une ville arabo-andalouse du Xe ou XIe siècle, ne fait plus autant d'effet. J'aime toujours autant ces murs ocres, ces souks bruyants et vivants et toutes les ruelles qui sillonnent la ville, mais la seule histoire de ce jeune homme qui cherche à donner un sens presque étymologique à l'amour, ou bien celle du jeune "messager de l'amour" qui court sans cesse apporter les messages aux différents confidents, ne me suffisent pas.
En introduction, une citation : "Andalousies toujours recommencées, dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'inlassable espérance". L'univers poétique de l'Andalousie musulmane aurait pourtant pu donner quelques chose de beaucoup plus envoûtant avec peu de choses en plus ou en mieux. Tout ce qui tourne autour de l'amour ou de l'écriture, le fait que "amour" ait plus de 60 définitions en arabe, la recherche d'un père qui serait un djinn... De telles thématiques, traitées de manière aussi simples, auraient toute de même pu voire dû être plus enchanteresses. Et apprendre peut-être aussi un peu plus sur le raffinement de la langue arabe, de sa calligraphie et d'autres subtilités cachées aux spectateurs occidentaux qui se voient obligés de contempler tout ce spectacle de manière un peu trop passive.
Hot Shots! (1991)
1 h 30 min. Sortie : 30 octobre 1991 (France). Comédie
Film de Jim Abrahams
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
[ Revu ]
Cette douche froide... Ne JAMAIS revoir des comédies qu'on adorait regarder plus jeune, beaucoup plus jeune. Sauf si on veut briser un mythe et chasser les souvenirs d'un passé rempli de chefs-d'œuvre regardés en boucle en VHS.
Ou alors on peut plus humblement admettre que l'humour évolue, dans les mœurs de l'époque et à titre plus personnel, et que certains genres évoluent plus ou moins agréablement avec les décennies. Je ne suis pas réfractaire à l'humour bien trash ou gras ou premier degré, mais il faut croire que les gens derrière ça se sont mis au niveau de ce qu'ils critiquaient (Top Gun, donc, surtout) pour formuler leur critique. Je ne condamne évidemment pas la démarche sur le principe, mais je pense que c'est de là que vient l'incompatibilité avec mes goûts (bons ou mauvais). La parodie de tous ces films (Full Metal Jacket, Autant en emporte le vent, Dance avec les loups, Rocky, ou encore Superman) ne m'a tellement pas fait rire, c'était gênant. Il me restait quand même pas mal de bribes visuelles du film en mémoire, et les retrouver aujourd'hui intactes fut plutôt réjouissant... sauf qu'entre deux bouts de souvenirs, il y a beaucoup, vraiment beaucoup de déchets.
Tout ça en gardant à l'esprit que se moquer du patriotisme, de la fierté, de la prétention et de tous les excès de triomphalisme que véhicule "Top Gun" est la marque d'un esprit on ne peut plus sain. Il y a simplement plusieurs manières de le signifier.
A Fine Day
Der schöne tag
1 h 14 min. Drame
Film de Thomas Arslan
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Encore une fois, la note seule ne représente absolument rien.
Ce 3-là, c'est surtout un questionnement quant au contenu, quant à la forme. 70 minutes pour dire si peu sur les relations amoureuses et d'autres interrogations existentielles qu'éprouve une jeune allemande d'origine turque, c'est assez pénible. Le film, par bien des aspects, dégage une impression de vaine prétention, comme si on nous faisait un discours bien ronflant le tout enveloppé dans une coquille arty (du genre de ce que l'art contemporain peut produire de pire, et pas qu'au cinéma) assez désagréable.
On cerne bien et vite le moteur du film, sous forme de chronique intérieure, mais à trop vouloir se faire contemplatif, "Der schöne tag" passe plus de temps en plans fixes "champ / contre-champ" dans le métro sur des échanges de regards et autres banalités qu'à approfondir son maigre sujet. C'est fatigant. Prétentieux dans ses ambitions qui se retrouvent dans le film que la protagoniste double en allemand : Un conte d'été, de Rohmer. Il manque beaucoup de choses pour faire de ça un objet artistique qu'on pourrait appeler un film. En matière de quête du bonheur, d'errances affectives, d'intensité du regard, et d'exigences existentielles, c'est un peu faible, il n'y a pas grand chose de stimulant. Entre foutage de gueule et insensibilité / hermétisme.
Die Freunde der Freunde (2002)
1 h 29 min. Sortie : 23 octobre 2002 (Allemagne). Expérimental, Fantastique
Téléfilm de Dominik Graf
Morrinson a mis 5/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Initialement très sceptique, "Die freunde der freunde" a fini par m'emporter. Une qualité d'image très singulière, une sorte de saleté travaillée ou contenue comme dans un film du dogme, sauf qu'ici tout n'est pas filmé à l'arrache au petit bonheur la chance. Une histoire somme toute assez banale, dont on peine à cerner les enjeux, entre plusieurs relations d'amours et d'amitiés. Et pourtant, peu à peu, l'ambiance étrange du film gagne du terrain.
Étrange visuellement, bien sûr, mais aussi dans le mélange des genre diffus qui est savamment entretenu. Il y a une très fine couche de fantastique (à défaut de trouver un qualificatif pour cette histoire de vision morbides prémonitoires) qui vient se glisser sur le tableau bigarré d'une jeunesse allemande. L'apparente légèreté de l'histoire cède progressivement du terrain au profit d'une peinture presque naturaliste de ce microcosme, a priori toujours éclairé à la lumière naturelle, jusque dans les séquences à l'érotisme plutôt bien maîtrisé. Il manque seulement un vrai budget (c'est un téléfilm réalisé pour la télévision allemande) pour donner pleinement corps à de telles aspirations.
Mais si on ne prête pas attention aux quelques maladresses stylistiques propre à une telle production (ce qui ne l'empêche pas de produire ponctuellement des séquences graphiquement très réussies), l'ensemble fonctionne. Il y a un vrai savoir-faire dans la façon de raconter une histoire à travers les yeux du protagoniste, en essaimant quelques détails plus ou moins signifiants, en esquissant seulement quelques traits de ses connaissances, comme il les connaît et voit lui-même et non pas comme un réalisateur omniscient voudrait ou pourrait nous les décrire. Quelques touches suffisantes pour distiller une poésie adolescente originale, et quelques incertitudes partagées pour un portrait vaguement et agréablement réaliste.
Forest (2003)
Rengeteg
1 h 30 min. Sortie : 11 septembre 2003 (France).
Film de Benedek Fliegauf
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Une démarche artistique à la limite de l'expérimental, comme je ne les aime pas. Ou pas trop. Trop d'efforts pour me plonger dans un univers, en accepter les codes, les contraintes, pour seulement ensuite en tirer éventuellement les fruits... Un peu maigres.
Le concept : des images de gens apparemment quelconques pendant quelques minutes, à la sortie d'un magasin en guise d'introduction et de conclusion. Entre les deux, des fragments de vie glanés un peu par hasard sur les personnages en question (on ne s'en rend compte qu'à la fin, quand on reconnaît certains visages). Les séquences sont globalement anecdotiques et se veulent représentatives d'une certaine jeunesse hongroise. Le ton est varié, on sent parfois un peu de gêne dans les discussions, de l'intrigue aussi. On passe d'une bribe à une autre sans qu'aucun sens ne soit donné à ces morceaux, au-delà de ce que les personnages racontent de manière explicite. Aucun fil rouge. Démarche pénible donc, puisque l'effet se ressent seulement à la fin, après une longue heure et demie qui en paraît le double.
Par contre, chose insupportable : l'utilisation systématique de longues focales pour filmer des discussions. Des gros voire très gros plans, cadrant uniquement une partie du visage, et des mouvements de caméras (portée) incessants, entre les visages ou les objets de discussion. C'est un procédé qui ne ma paraît absolument pas justifié ici : purement arty, complètement vain, un concept creux. Il y a sans doute un effet recherché derrière, provoquer un sentiment de claustrophobie, mais alors c'est un vrai test pour les nerfs.
Et bien sûr, à la fin, la même séquence que celle en introduction, avec maintenant quelques têtes très vaguement familières, chacune filmée pendant 5-10 minutes... Tout ça pour ça ?
Bab'Aziz, le prince qui contemplait son âme (2006)
1 h 36 min. Sortie : 15 novembre 2006 (France). Drame
Film de Nacer Khemir
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Je referme cette trilogie du désert tunisienne avec un sentiment de regret légèrement amer, avec l'impression tenace qu'il aurait été possible de beaucoup mieux rendre compte de certains aspects d'une culture, de certaines pensées, de certains courants idéologiques. Au final, ce Bab'Aziz est plus une sorte de conte moral très simpliste (en apparence du moins), capturé au sein d'un désert très cinégénique, mais à la cinégénie un peu trop forcée à mon goût. Et puis les contes moraux, ça va bien quand c'est court ou fait avec subtilité : ici, beaucoup d'affirmations sur la supériorité de l'introspection "propre" par rapport à une forme plus débridée me paraissent faussement profondes, comme une spiritualité en toc. Mais quand on n'y est pas sensible, cela ne doit pas aider à embrasser le mouvement. Les décors tunisiens et iraniens restent de toute beauté, dommage que Nacer Khemir se soit uniquement tourné vers le genre du conte (sa profession, semble-t-il). Comme pour les autres volets de la trilogie, l'ensemble est assez décousu et peu dérouter autant que toutes les références mystiques un peu opaques pour les personnes étrangères au concept de soufisme (je crois). Le réalisateur voulait "rétablir le vrai visage de l'Islam", pourquoi pas, il y est même parvenu par endroits. N'empêche, ces histoires à la limite du conte et du verset religieux illustrant un cheminement possible vers la sagesse ne m'auront que très peu touché, stimulé, et plu.
Elsewhere (2001)
4 h. Sortie : 2001 (Autriche).
Documentaire de Nikolaus Geyrhalter
Annotation :
[[ pour "Elsewhere China"]]
Giovanni D'Onofrio revient avec un nouveau documentaire estampillé "KG authors", avec la même rigueur esthétique et le même souci d'effacement qui marquait son "Talking about food and other things" en 2015. Un sujet d'une plus grande envergure cette fois-ci puisqu'il est parti dans la région de Guangzhou en Chine pour collecter quelques images, quelques interviews, quelques impressions locales. Il se laisse guider vraisemblablement par son hôte, et nous avec : le procédé a son charme, mais aussi ses limites.
Premier intérêt, c'est bien sûr les témoignages de locaux glanés ça et là. On ne sait pas trop comment il a rencontré les personnes en question, mais ce flou est une force. Quelques bribes de vies, de contraintes, de considérations de la part d'habitants de Guangzhou aux aspirations bien différentes. C'est toujours intéressant à prendre, en temps que points de vue et conditions de vie différents des nôtres.
Il y a aussi les séquences du documentaire amateur à parcourir les rues de la ville, souvent en dehors des sentiers balisés de l'hyper centre. J'aurais simplement apprécié que l'hôte du réalisateur parle un peu plus de lui, au-delà de ses projets en cinéma et de son appréciation de la météo. Un document amateur tout de même un peu long mais dont la fraîcheur du ton et du regard vaut le détour.
In a Valley of Violence (2016)
1 h 44 min. Sortie : 25 juillet 2017 (France). Action, Aventure, Western
Film de Ti West
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Il y a très clairement un fort potentiel derrière "In a valley of violence", malheureusement laissé un peu en friche, inexploité. Avec cette figure plutôt inhabituelle de cavalier solitaire ayant pour seul compagnon un chien fort bien dressé, il aurait suffi de suivre les sentiers balisés du western revival pour produire quelque chose de bien. Mais Ti West veut en faire trop dans certaines directions, et il n'en fait pas assez dans d'autres. On a failli avoir droit à une bonne petite série B... dommage.
Dommage que le scénario soit aussi pauvre. En plaçant l'objet de la vengeance dans la mort d'un animal et non dans celle d'une femme ou d'un ami (comme traditionnellement), les scénaristes se sont crus suffisamment malins. Mais ça ne suffit pas, le schéma derrière ce trait-là est archi classique, et certains archétypes de personnages sont vraiment désagréables, à commencer par le fils de Travolta. Les personnages féminins sont par contre dotés d'une personnalité certaine, assez agréable, loin des lieux communs dans le genre mais pas non plus totalement incroyables.
La séquence d'introduction donnait pourtant envie d'y croire, dans un genre très épuré, avec Ethan Hawke plutôt à l'aise et les quelques originalités narratives suffisantes à susciter l'intérêt : un chien habile, un religieux étrange, des motifs incertains. Mais Ti West verse trop rapidement dans la caricature (volontaire ou non, là n'est presque pas la question), dans les situations clichées, dans les dialogues foireux, dans la fausse bonne idée de l'hommage aux westerns spaghetti. On ne croit strictement jamais à la vie de la petite ville que le protagoniste traverse, on ne voit que quelques façades en carton, quelques personnages qui assurent la synthèse des lieux et puis voilà.
Beaucoup de choses mal ou pas exploitées, laissées en suspens.
Les Crimes de Snowtown (2011)
Snowtown
2 h. Sortie : 28 décembre 2011 (France). Drame, Thriller
Film de Justin Kurzel
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Pas du tout convaincu par cette vision de la violence, aussi "réaliste" (comprendre tirée de faits réels avec les petites explications sobres à la fin) soit-elle, qui à mon sens ne peut pas receler un minimum de complaisance. Il y a certaines séquences comportant des mouvements de caméras illustrant l'horreur à laquelle un personnage est en train d'assister qui sont parfaitement inutile, et à tous les niveaux. Pour le reste, je me refuse à considérer ce genre de film comme une source d'information : autant aller lire la fiche Wikipédia sur le fait divers en question.
On est forcé de penser à un autre film australien sorti à la même période, "Animal Kingdom", qui m'avait plus convaincu à l'époque (à confirmer, donc) dans sa peinture de la misère familiale et l'engrenage de la violence. Ici, la description d'un quartier pauvre est d'un manichéisme et d'un manque de subtilité effarants, avec une concentration de vices au kilomètre carré supérieure à n'importe quel autre endroit sur Terre. L'entrée dans la famille du personnage inquiétant qui se révèlera être John Bunting, le plus grand serial killer des années 90 australiennes n'est pas parfaitement convaincante, tout se résout trop facilement, les manques des uns se comblent trop aisément par ce que les autres ont à apporter. C'est "trop beau" pour être vrai.
Dans sa description de la violence, le film aurait dû s'en tenir à un regard détourné, comme il le fait pendant une première partie. Peu à peu, les meurtres prennent de la place dans la vie d'un des fils et dans la narration, et la noirceur que Justin Kurzel veut montrer est trop démonstrative pour délivrer tout son poison. C'est du réalisme censément social qui ne me parle que très peu, quand bien même il serait inspiré de faits réels, encore une fois. Bien sûr, la peinture qui est faite du méchant est intéressante, presque fascinante si on oublie les défauts majeurs du film : un gentil papa de substitution, marrant et bon vivant, qui devient un pilier de la famille avant de dévoiler une face beaucoup moins sympathique de sa personnalité psychotique. Ce côté ambivalent est bien traité, mais les aspects liés au gourou, ces scènes où il fait parler des prolos autour d'une table pour les inviter à penser comme lui qu'il faudrait se débarrasser des pires rebuts de la société ne sont pas bien traités. L'embrigadement dans l'abjection, le charisme utilisé pour exploiter la misère, et la justification de ses crimes auraient gagnés à être mieux développés.
I... comme Icare (1979)
2 h. Sortie : 19 décembre 1979 (France). Thriller
Film de Henri Verneuil
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
C'est un film qui pousse incroyablement au syndrome de dédoublement de la personnalité tant il flatte mon œil cinéphile sous certains aspects et me révulse sous d'autres. Impossible pour moi d'établir un jugement clair et définitif sur ce film.
C'est un peu comme si Verneuil faisait du Costa-Gavras, en maquillant une sorte de film-dossier politique sous les traits d'un thriller on ne peut plus classique.
Tout d'abord, disons-le tout net : tous les ressorts narratifs qui font avancer l'enquête policière sont d'une approximation et d'une bêtise sans nom. Inutile de lister ici l'intégralité de ces moments charnières qui sont censés conférer au film une certaine dynamique, mais l'évolution de l'enquête menée par Yves Montand est tout simplement catastrophique. Les éléments qui s'ajoutent petit à petit au dossier constituent un bel exemple d'artificialité désagréable, avec tous les petits détails qui sont révélés au bon moment à la bonne personne. Un visage identifié sur une photo, une reconstitution qui prouve un mensonge, une cassette magique, etc. C'est insupportable, vu avec des yeux de 2016 — 2017 bordel — du moins. Le genre de soucis qui me mettent hors de moi, et j'ai du mal à croire que cela vient d'un certain (mal-) vieillissement. Trop d'incohérences, de facilités et d'erreurs ahurissantes.
Ensuite, je n'ai pas tout saisi au sujet de l'expérience de Milgram qui tombe comme un énorme cheveu sur la soupe au milieu / aux deux-tiers du film. D'où elle sort, pourquoi le procureur va y assister à ce moment, etc. Et puis elle duuuuuuure comme c'est pas possible, c'est intenable aujourd'hui, le procédé étant relativement bien connu quand on s'intéresse au conditionnement humain, à la fabrication du consentement et à l'obéissance à l'autorité. Bref, Verneuil semble l'avoir appréciée, cette expérience, pour la parachuter de la sorte.
Et puis la justification du titre à la toute fin n'est pas immensément convaincante. Le coup de la cassette précipite un peu trop vite le dénouement et la conclusion. Pour le reste, l'influence des vents complotistes autour de l'assassinat de Kennedy est bien sûr palpable (et agréable, à titre personnel), ainsi que quelques manœuvres militaro-politiques propres aux années 70.